TITRE 1 : Le droit commun des contrats de distribution
Chapitre 1 : La conclusion du contrat
Section 1 : Les négociations de droit commun
§1 : Le cadre des négociations
L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations sont libres. Toutefois, ces négociations doivent respecter les exigences de bonne foi.
- L'Initiative des Négociations
L’entrée en négociation n’est pas obligatoire. Une partie peut refuser de vendre un produit, contrairement au droit de la consommation où le refus de vente est interdit.
- La Rupture des Négociations
La rupture des négociations reste libre mais peut être sanctionnée si elle constitue une faute (article 1112, alinéa 2).
A retenir :
Arrêt Manoukian 16 novembre 2003
La faute dans la rupture des négociations a été précisée par la jurisprudence Manoukian, qui exclut l’indemnisation pour la perte des avantages attendus du contrat non conclu ou pour la perte de chance d’obtenir ces avantages.
En revanche, une rupture brutale ou tardive peut être considérée comme un manquement à l’obligation de bonne foi.
Pour obtenir réparation, il est nécessaire de prouver que la rupture a été brutale, car c’est ce caractère qui est sanctionné.
- Les Documents et Engagements Durant les Négociations
Les négociations peuvent être menées de manière informelle ou encadrées par un appel d’offres. Les parties ont la possibilité de signer des documents afin de structurer les discussions.
La lettre d’intention permet de formaliser l’engagement de négocier. Bien que non obligatoire, elle peut être un indice utilisé pour caractériser une rupture brutale.
Le pacte de confidentialité impose une obligation contraignante interdisant la divulgation des informations échangées durant les négociations.
La clause d’exclusivité limite la liberté de négocier avec plusieurs personnes en imposant une exclusivité temporaire entre les parties.
§2 : La transparence dans la négociation
- L’Obligation d’Information Précontractuelle
Principe
L’article 1112-1 du Code civil impose une obligation de transparence lors des négociations contractuelles. Une partie qui détient une information déterminante pour le consentement de l’autre doit la lui communiquer dès lors que cette dernière l’ignore légitimement ou place sa confiance dans son cocontractant.
Par principe, chacun est censé connaître ce qu’il achète. Si un bien ou un service est acquis à un prix excessif par rapport à sa valeur réelle, il n’existe aucun mécanisme de correction.
Exceptions
La rescision pour lésion est une exception en matière immobilière.
L’article 1171 du Code civil interdit le déséquilibre significatif dans un contrat, mais cette interdiction ne concerne pas le prix.
A retenir :
Arrêt Com., 18 septembre 2024
Lors d’une cession d’entreprise, le cédant a dissimulé la véritable situation financière de l’entreprise. Le cessionnaire, quant à lui, n’a pas entrepris de vérifications approfondies.
La question posée à la Cour de cassation portait sur l’existence d’une réticence dolosive :
Le cédant a-t-il volontairement gardé sous silence une information essentielle ?
Ou le cessionnaire aurait-il dû se renseigner par lui-même sur la situation de l’entreprise ?
La Cour de cassation a jugé que la réticence dolosive justifie toujours l’erreur provoquée. Ainsi, le cessionnaire n’est pas tenu d’effectuer des recherches approfondies lorsqu’une information essentielle lui a été dissimulée.
- Précisions sur l’Article 1112-1
L’obligation d’information pèse sur la partie qui détient une information déterminante pour le consentement de l’autre. Cette obligation s’applique lorsque cette dernière :
- Ignore légitimement cette information.
- Fait confiance à son cocontractant.
⚠️Toutefois, ce devoir d’information ne s’étend pas à l’évaluation de la valeur de la prestation.
Le concept de due diligence, issu du droit anglo-saxon, impose à l’acheteur de mener ses propres investigations. Celui-ci devra prouver qu’il a accompli les diligences nécessaires pour s’informer.
§3 : La confidentialité
Principe (Article 1112-2 du Code civil)
Toute personne qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue lors des négociations engage sa responsabilité selon les règles du droit commun.
L’Information Concernée
L’information protégée doit être à la fois secrète et obtenue dans le cadre des négociations. Une information accessible par de simples recherches ne peut pas être considérée comme confidentielle.
La Responsabilité en Cas de Violation
Lorsque la divulgation entraîne une perte d’exploitation, l’évaluation du préjudice est plus aisée.
La Protection du Secret des Affaires
La directive de 2016, transposée en droit français en 2018, a introduit les articles L151-1 et suivants dans le Code de commerce.
Pour qu’une information bénéficie de la protection du secret des affaires, trois critères cumulatifs doivent être remplis :
- L’information ne doit pas être généralement connue ou facilement accessible aux personnes familières du sujet. Toutefois, elle ne doit pas nécessairement être totalement secrète.
- Son caractère secret doit lui conférer une valeur commerciale, comme dans le cas des procédés de fabrication.
- Des mesures de protection raisonnables doivent être mises en place par son détenteur pour en préserver la confidentialité.
La Nature de la Responsabilité
La responsabilité encourue est de nature classique et implique une réparation du préjudice subi.
Une particularité réside dans la prise en compte du profit réalisé par l’auteur de la divulgation.
- En droit commun, la réparation vise uniquement à compenser la perte subie.
- En droit des affaires, certaines fautes qualifiées de lucratives justifient un mode de calcul spécifique de l’indemnisation.
L’article L152-6 du Code de commerce prévoit que l’évaluation du préjudice intègre plusieurs éléments :
- Les conséquences économiques négatives, telles qu’une perte de chiffre d’affaires.
- Le préjudice moral subi par la victime.
- Les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte au secret des affaires.
Section 2 : La négociation commerciale
La négociation commerciale regroupe un ensemble de dispositions encadrant les relations entre fournisseurs et distributeurs.
§1 : Le processus
La négociation débute obligatoirement par l’établissement des conditions générales de vente (CGV), conformément à l’article L441-1 du Code de commerce. Les CGV doivent contenir des éléments essentiels, tels que :
- Les conditions de règlement du prix.
- Les éléments de détermination du prix et des réductions de prix.
Cet article prévoit que toute personne exerçant une activité de production, de distribution ou de services doit communiquer ses CGV à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle.
Toutefois, le distributeur peut répondre en proposant ses propres conditions générales d’achat (CGA).
L’article L441-3 du Code de commerce impose que les négociations commerciales soient conclues au plus tard le 1ᵉʳ mars de l’année au cours de laquelle elles prennent effet.
La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) est l’autorité chargée de s’assurer du respect des règles en matière de négociation commerciale, notamment pour lutter contre les pratiques restrictives de concurrence.
§2 : La formalisation de l'accord
L’article L441-3 du Code de commerce impose la rédaction d’une convention récapitulative écrite à l’issue des négociations. L’objectif est notamment de s’assurer qu’il n’existe pas de déséquilibre significatif dans les engagements des parties.
Cette convention doit obligatoirement préciser :
- Les conditions de vente convenues.
- Les réductions de prix appliquées.
- Les services de coopération commerciale, visant à favoriser la commercialisation des produits ou services du fournisseur.
§3 : Les sanctions en cas de non respect
L’article L441-6 du Code de commerce prévoit que toute violation des dispositions des articles L441-3 à L441-5 est passible d’une amende administrative pouvant atteindre :
- 75 000 € pour une personne physique.
- 375 000 € pour une personne morale.
Dans certaines négociations, notamment celles portant sur les produits de grande consommation, le manque de bonne foi peut être qualifié de pratique restrictive de concurrence. Ce comportement peut être sanctionné par une amende pouvant aller jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires du contrevenant.
Chapitre 2 : Le contenu du contrat
Section 1 : Les règles venant du droit des pratiques restrictives de concurrence
§1 : Les différentes pratiques restrictives régissant le contenu du contrat
L’encadrement juridique des relations entre fournisseurs et distributeurs trouve son origine dans la législation des relations commerciales dans le secteur alimentaire. Initialement limitée à ce secteur, cette législation a été progressivement élargie pour s’appliquer à toutes les relations commerciales.
L’article L442-1 du Code de commerce constitue la base juridique des pratiques restrictives de concurrence :
« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services. »
Cette disposition couvre ainsi toute personne exerçant une activité commerciale, qu’il s’agisse de production, distribution ou services, et dépasse donc le simple cadre des relations entre fournisseurs et distributeurs.
A) L'avantage sans contrepartie
Définition
Avantage sans contrepartie
Cette pratique interdit à une partie d’obtenir ou de tenter d’obtenir un avantage sans fournir de contrepartie en retour, ou lorsque l’avantage obtenu est manifestement disproportionné par rapport à la contrepartie consentie.
L’article 1169 du Code civil prévoit déjà qu’un contrat dont la contrepartie est illusoire ou dérisoire est nul. Cependant, cette disposition étant trop générale, elle ne permettait pas de sanctionner spécifiquement les abus dans les relations fournisseurs-distributeurs.
Les pratiques restrictives de concurrence ont donc introduit des règles spécifiques pour lutter contre des comportements abusifs.
L’article L442-1, 1° du Code de commerce se distingue de l’article 1169 du Code civil sur plusieurs points :
- Portée différente : L’article 1169 s’applique au contrat dans son ensemble, tandis que l’article L442-1 peut s’appliquer à une seule clause, ce qui permet une sanction plus ciblée.
- Sanction plus sévère : L’article 1169 prévoit simplement la nullité du contrat, ce qui remet les parties dans leur état initial, mais sans réparation spécifique. L’article L442-1, quant à lui, impose des sanctions financières, ce qui renforce son effet dissuasif.
Cependant, l’application de l’article L442-1 peut parfois être délicate, notamment pour déterminer ce qui constitue un avantage manifestement disproportionné. La frontière entre cet avantage et la notion de déséquilibre significatif (prévu par l’article 1171 du Code civil) reste floue.
A retenir :
L’affaire de la corbeille de la mariée (CA Paris, 2019)
Dans cette affaire, les fournisseurs étaient contraints de participer financièrement à l’installation d’un distributeur dans un nouveau lieu de vente, sans obtenir de véritable contrepartie. La cour a jugé cette pratique abusive, car l’avantage demandé aux fournisseurs était disproportionné.
B) Le déséquilibre significatif
1. Le champ d'application
Définition
Déséquilibre significatif
L'article L442-1, I, 2° du Code de commerce dispose :
« De soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. »
D'autres textes encadrent également cette notion :
- Article 1171 du Code civil : Applique la règle du déséquilibre significatif aux contrats d’adhésion (contrats dont les clauses sont imposées par une seule partie et non négociables). La sanction est que la clause litigieuse est réputée non écrite, ce qui n’affecte pas l’ensemble du contrat.
- Article L212-1 du Code de la consommation : Concerne uniquement les contrats entre professionnels et consommateurs. Le déséquilibre significatif ne peut être invoqué qu’en faveur du consommateur.
Hiérarchie des textes
Le principe "le spécial déroge au général" permet de structurer ces textes :
- L’article L442-1 est une règle spéciale qui s’applique prioritairement dans les relations commerciales entre entreprises.
- L’article 1171 du Code civil est une règle générale sur les contrats d’adhésion.
- L’article L212-1 du Code de la consommation est une règle spéciale limitée aux relations B2C.
- Relations sociétaires : La Cour de cassation refuse d’appliquer la notion de déséquilibre significatif aux relations entre associés ou avec la société, notamment dans les coopératives.
- Relations bancaires : Lorsqu’un prêt est accordé à un professionnel, certaines clauses peuvent sembler déséquilibrées, mais elles ne relèvent pas de l’article L442-1.
A retenir :
Cass. com., 15 janvier 2020
Exclusion du droit bancaire du champ d’application de l’article L442-1, qui est remplacé par les règles sur les pratiques anticoncurrentielles.
Cass. com., 26 janvier 2022
En l'absence d'application de l’article L442-1, c’est l’article 1171 du Code civil qui s’applique.
Preuve de la soumission
- Approche ancienne : La Cour de cassation limitait la soumission aux petits fournisseurs face à de grands distributeurs.
- Évolution récente : Désormais, l’accent est mis sur la capacité de l’une des parties à imposer des obligations de manière unilatérale.
A retenir :
Affaire Google (TJ Paris)
Google détenait 30 % de part de marché et imposait des conditions strictes aux développeurs d’applications. Cette position dominante a conduit à la reconnaissance d’une soumission.
Le déséquilibre significatif peut concerner le contenu du contrat et le prix, mais son application varie selon les textes :
- Article L442-1 (Code de commerce) : Permet de contrôler le prix, notamment en cas d’abus manifeste.
- Article L212-1 (Code de la consommation) : Le prix ne peut pas être contrôlé si la clause est claire.
A retenir :
Affaire Helvète Immo (Cass. com., 25 janvier 2017)
L’article L442-1 permet un contrôle judiciaire du prix.
Cependant, si une clause crée un déséquilibre en faveur d’une partie et une autre dans l’autre sens, la doctrine majoritaire considère qu’elles peuvent se compenser.
C) Les pénalités logistiques
1. Le cadre légal des pénalités logistiques
Autrefois, certains distributeurs abusaient des pénalités logistiques en prétextant des retards ou des non-conformités pour réduire leurs coûts, par exemple en refusant des lots ou en imposant des remises forcées.
L’article L441-17 du Code de commerce instaure désormais un principe d’autorisation sous conditions :
« Le contrat peut prévoir des pénalités en cas d’inexécution des engagements contractuels. »
2. Les conditions de validité des pénalités
Définition
Pénalités logistiques
Les pénalités logistiques sont des sanctions financières imposées par un client (souvent un distributeur ou un industriel) à son fournisseur en cas de non-respect des conditions contractuelles liées à la logistique. Elles visent à compenser les perturbations causées par des manquements dans la chaîne d’approvisionnement.
Elles peuvent être appliquées en cas de :
Retard de livraison
Non-conformité des produits (quantité, qualité, conditionnement)
Pour être légales, les pénalités logistiques doivent respecter plusieurs conditions :
- Marge d’erreur acceptable : Il est obligatoire de prévoir une tolérance en fonction du volume des livraisons.
- Proportionnalité : Les pénalités doivent être proportionnées au préjudice réellement subi.
- Plafonnement : Le montant des pénalités ne peut excéder 2 % de la valeur des produits commandés.
- Prescription courte : Une pénalité ne peut être infligée pour un manquement datant de plus d’un an.
- Interdiction des refus abusifs :
- Un distributeur ne peut refuser ou retourner des marchandises sans motif valable.
- Seuls les cas de non-conformité ou de retard avéré permettent un retour.
- Notification préalable obligatoire : Un distributeur ne peut déduire d’office des pénalités d’une facture sans avoir prévenu le fournisseur.
3. La force majeure et les pénalités
L’article L441-17 prévoit une protection contre les abus en cas de force majeure :
- Aucune pénalité logistique ne peut être imposée en cas de force majeure.
- Toutefois, un contrat peut prévoir des clauses plus strictes excluant la force majeure
D) Les pratiques interdites par l'article L442-3 du cdc
L’article L442-3 du Code de commerce pose un principe de nullité pour certaines clauses ou contrats qui confèrent un avantage injustifié à une partie exerçant des activités de production, de distribution ou de services.
1. Le bénéfice rétroactif de remise
Définition
Bénéfice rétroactif de remise
Accorder une remise rétroactive après l’exécution d’un contrat, créant un déséquilibre manifeste.
2. La clause du client le plus favorisé
Définition
Clause du client le plus favorisé
Cette clause permet à un cocontractant de bénéficier automatiquement des conditions tarifaires plus avantageuses consenties à un concurrent.
3. L'interdiction de cession de créances
Définition
Interdiction de cession de créances
Un contrat ne peut interdire à une partie de céder ses créances à un tiers, notamment à une banque pour obtenir un financement.
§2 : Les sanctions des pratiques restrictives
Fondement juridique
Les pratiques restrictives de concurrence engagent la responsabilité de leur auteur conformément à l’article L442-4 du Code de commerce. Ce texte prévoit un régime de sanctions commun aux articles L442-1, L442-2 et L442-3 du même code.
A) Les titulaires de l'action
Le principal obstacle à la poursuite des pratiques restrictives réside dans la dépendance économique des victimes, notamment vis-à-vis des distributeurs. Pour pallier cette difficulté, la loi a élargi le droit d’agir à plusieurs acteurs.
Le ministre chargé de l’économie et le ministère public
- Ils peuvent demander la cessation des pratiques.
- Ils ont la possibilité de solliciter la nullité des clauses ou contrats illicites.
- Ils peuvent exiger la restitution des avantages indûment obtenus.
- Ils ont le pouvoir de requérir une amende civile, plafonnée selon l’un des critères suivants :
- 5 millions d’euros.
- Le triple du montant des avantages indûment perçus.
- 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos.
Procédure et publicité de la décision
- Seules certaines juridictions, notamment la Cour d’appel de Paris, sont compétentes.
- La juridiction saisie ordonne systématiquement la publication de la décision ou d’un extrait.
- Elle peut imposer l’insertion de cette décision dans le rapport annuel de l’entreprise condamnée.
- Les frais de publication sont à la charge de la personne sanctionnée, renforçant le principe du "Name and Shame".
Autres acteurs pouvant engager une action
- Toute personne justifiant d’un intérêt peut saisir la juridiction compétente.
- Le ministère public peut agir, bien que cela soit rare.
- Les agents de la DGCCRF ont un rôle d’enquête et peuvent signaler les infractions.
- Le président de l’Autorité de la concurrence peut intervenir lorsqu’une pratique anticoncurrentielle est constatée dans le cadre de ses investigations.
Il convient de noter que ces acteurs ne disposent pas tous du même pouvoir que la victime directe, notamment en matière de demande de restitution des avantages indûment obtenus.
B) Les sanctions applicables
Sanctions ouvertes à toute personne justifiant d’un intérêt
- Demande de cessation des pratiques.
- Réparation du préjudice subi, y compris le préjudice moral pour les syndicats ou associations.
Sanctions réservées à la victime directe
- Demande de nullité des clauses ou contrats illicites.
- Demande de restitution des avantages indûment obtenus.
Problématique de la réparation
La sanction repose principalement sur le préjudice subi par la victime, ce qui peut ne pas tenir compte du gain réalisé par l’auteur de la faute. Dans certains cas, la victime peut demander réparation sur la base des bénéfices tirés par l’auteur des pratiques illicites.
Section 2 : Les règles régissant la facturation et les délais de paiement
§1 : la facturation
La facturation est une obligation légale en vertu de l'article L441-9 du Code de commerce. Tout achat de produit ou toute prestation de service à des fins professionnelles doit donner lieu à une facture. Le vendeur est tenu de la fournir, et l’acheteur doit la réclamer en cas d’oubli. Chaque partie doit conserver un exemplaire des factures. Ainsi, toute transaction entre professionnels implique nécessairement l’émission d’une facture.
Le non-respect de cette obligation est sanctionné par une amende administrative de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. En cas de réitération dans un délai de deux ans, les sanctions sont doublées.
§2 : Les délais de paiement
L’article L441-10 du Code de commerce encadre les délais de règlement. Par principe, le paiement doit intervenir dans un délai maximal de 30 jours après la réception des marchandises ou l’exécution de la prestation. Ce délai peut être prolongé par accord contractuel, mais il ne peut excéder 60 jours après l’émission de la facture. Une autre exception permet un délai maximal de 45 jours fin de mois. Lorsqu’il s’agit de factures périodiques, ces délais restent limités à 45 ou 60 jours selon les modalités convenues.
Toute infraction aux règles de paiement expose à des sanctions définies par l’article L441-16 du Code de commerce. L’amende administrative peut atteindre 75 000 euros pour une personne physique et 2 millions d’euros pour une personne morale.
Section 3 : Les règles régissant certaines clauses
Les contrats de distribution incluent souvent des clauses destinées à garantir l’exclusivité et à éviter toute concurrence déloyale. Ces clauses empêchent un partenaire commercial de travailler pour un concurrent pendant ou après la durée du contrat. Elles sont particulièrement utiles dans les réseaux de distribution, où l’on fait appel à des tiers plutôt qu’à une vente directe.
La garantie d’éviction
Lorsqu’un bien est vendu, le vendeur doit garantir à l’acheteur une jouissance paisible de celui-ci. Il ne peut pas l’évincer des utilités de la chose vendue. Par exemple, dans la cession d’un fonds de commerce, l’ancien propriétaire ne peut pas immédiatement rouvrir une entreprise concurrente à proximité, car cela priverait l’acheteur des avantages attendus de son acquisition. Cette garantie implique donc une interdiction de concurrence.
§1 : Les clauses de non concurrence
A) Les conditions de droit commun
Le principe de libre concurrence permet d’inclure des clauses empêchant un cocontractant de concurrencer une entreprise. Ces clauses peuvent s’appliquer pendant la durée du contrat (clause de non-concurrence contractuelle) ou après sa cessation (clause de non-concurrence post-contractuelle).
Les clauses doivent respecter plusieurs conditions établies par la jurisprudence :
- Elles doivent être limitées à une activité précise : il est possible d’interdire à un boulanger d’exercer la même activité, mais pas de devenir plombier.
- Elles doivent être limitées dans le temps.
- Elles doivent être restreintes à un espace géographique nécessaire à la protection du bénéficiaire de la clause.
- Elles doivent être indispensables à la protection des intérêts légitimes du créancier du contrat.
- Dans les contrats de travail, elles doivent être assorties d’une contrepartie financière.
B) Les conditions du droit de la concurrence
En droit de la concurrence, une clause de non-concurrence est une entente verticale restreignant la concurrence. Toutefois, elle peut être admise sous certaines conditions, notamment lorsqu’elle est prévue par un règlement d’exemption par catégorie (REC).
Par principe, une interdiction de concurrence pendant le contrat ne peut excéder cinq ans. Toutefois, une exception existe lorsqu’un bien ou un service est vendu depuis un local appartenant ou loué par le fournisseur. Dans ce cas, l’interdiction de concurrence peut durer toute la période d’occupation du local.
Le droit de la concurrence interdit en principe les clauses de non-concurrence post-contractuelles, sauf si elles remplissent quatre conditions cumulatives :
- Elles doivent concerner des biens et services directement concurrents.
- Elles doivent être limitées aux terrains et locaux où l’activité était exercée.
- Elles doivent être indispensables à la protection du savoir-faire transmis dans le contrat.
- Elles ne peuvent excéder une durée d’un an.
1. L'invalidité de la clause
L’article L341-2 du Code de commerce prévoit que toute clause de non-concurrence post-contractuelle ne respectant pas les conditions légales est réputée non écrite.
Concernant les clauses de non-concurrence contractuelles, la sanction est la nullité. Il convient de distinguer entre :
- Nullité relative, lorsque la clause est destinée à protéger les intérêts des parties contractantes.
- Nullité absolue, lorsqu’elle contrevient à une règle d’ordre public, notamment lorsqu’elle est réglementée par le Règlement d’Exemption par Catégorie (REC). Dans ce cas, toute personne peut demander son annulation.
Le droit commercial interdit la réfaction (modification judiciaire d’une clause) pour les réseaux de distribution. En revanche, en matière de droit du travail, la chambre sociale admet que le juge puisse réduire la portée d’une clause de non-concurrence
⚠️Toutefois, un arrêt du 30 mars 2016 a refusé cette possibilité en droit commercial, ce qui entraîne l’annulation pure et simple de la clause concernée.
2. La violation de la clause
La sanction principale est l’octroi de dommages et intérêts. La jurisprudence a assoupli la preuve du préjudice :
- Arrêt du 14 octobre 2010 (1ère ch. civ.) : dès qu’une clause de non-concurrence est violée, cela ouvre droit à indemnisation sans qu’il soit nécessaire d’apporter la preuve d’un préjudice spécifique.
- En responsabilité délictuelle, tous les dommages doivent être réparés.
- En responsabilité contractuelle, seuls les dommages prévisibles peuvent être indemnisés.
Une autre sanction possible est l’interdiction de poursuivre l’activité illicite. L’auteur de la violation peut être contraint de cesser immédiatement l’acte interdit.
Dans un arrêt du 22 mai 2024 (ch. sociale), la Cour de cassation a rappelé que si un salarié perçoit une compensation financière pour respecter une clause de non-concurrence, mais décide de la violer, il doit rembourser les sommes perçues.
Enfin, une violation de la clause peut résulter de l’intervention d’un tiers, par exemple un employeur concurrent qui recrute sciemment une personne liée par une clause de non-concurrence. Cette situation est qualifiée de tierce complicité. L’article 1200 du Code civil impose aux tiers de respecter les situations juridiques créées par un contrat, ce qui permet d’engager leur responsabilité et d’obtenir réparation.
§2 : Les clauses d'exclusivité
Définition
Clause d'exclusivité d'achat
Les clauses d’exclusivité d’achat obligent l’acheteur à s’approvisionner exclusivement auprès d’un fournisseur donné
1. Le controle par le droit commun
Deux problématiques principales se posent.
La fixation du prix par le fournisseur repose sur l’article 1164 du Code civil, qui autorise le fournisseur à fixer unilatéralement le prix dans les contrats d’application. En général, ces clauses apparaissent dans des contrats cadre où l’acheteur est tenu de commander ses produits exclusivement auprès du même fournisseur.
Le problème réside dans le fait que ce dernier sait que son client ne peut pas s’approvisionner ailleurs et peut donc être tenté d’augmenter ses prix de manière abusive. Pour limiter ce risque, l’article 1164 prévoit que, en cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi pour accorder des dommages et intérêts ou prononcer la résolution du contrat. La jurisprudence considère qu’un prix abusif est celui qui ne permettrait pas au distributeur d’être compétitif.
La contrepartie exigée par l’article 1169 du Code civil impose qu’un contrat à titre onéreux ne soit pas fondé sur une contrepartie illusoire ou dérisoire. En matière d’exclusivité d’achat, l’acheteur doit donc recevoir un avantage réel en échange de son engagement à ne s’approvisionner qu’auprès d’un seul fournisseur.
2. La durée des clauses d'exclusivité
L’article L330-1 du Code de commerce limite ces clauses à une durée maximale de 10 ans. Lorsqu’une clause prévoit une durée supérieure, la jurisprudence la réduit automatiquement à 10 ans.
L’article L330-3 du Code de commerce, applicable aux contrats de franchise, prévoit des règles supplémentaires lorsque l’exclusivité concerne la mise à disposition d’une marque ou d’une enseigne.
B) Exclusivité territoriale
L’exclusivité territoriale interdit au fournisseur de livrer d’autres distributeurs sur un territoire donné, assurant ainsi au concessionnaire un monopole.
La problématique principale réside dans le risque de monopole. Si un tiers vend des produits de la marque sur le territoire concédé, deux hypothèses se présentent. Lorsque la vente provient du fournisseur lui-même, elle relève de l’exécution contractuelle. En revanche, si un revendeur non autorisé importe ces produits et les commercialise sur le territoire protégé, la situation est plus délicate.
L’article L442-2 du Code de commerce sanctionne toute personne qui participe directement ou indirectement à la violation de l’exclusivité d’un distributeur, dès lors que cet accord bénéficie d’une exemption au titre du droit de la concurrence. La responsabilité du tiers ne pourra cependant être engagée que si le distributeur prouve que ce dernier avait connaissance de l’existence de l’exclusivité.
La jurisprudence a consacré l’idée d’un "devoir de police du réseau" qui impose au fournisseur de faire respecter l’exclusivité qu’il a consentie. Par deux décisions, la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 20 février 2007 et le 8 juin 2017, a rappelé que le fournisseur devait agir lorsqu’un distributeur non autorisé commercialise ses produits sur le territoire protégé.
Chapitre 3 : La rupture du contrat
Section 1 : Le droit commun de la rupture de contrat
En droit commun, un contrat doit être exécuté jusqu’à son terme. Lorsqu’il est à durée déterminée, il ne peut être rompu unilatéralement avant son échéance, sauf accord des parties. En revanche, un contrat à durée indéterminée peut être rompu à condition de respecter un préavis raisonnable.
L’article 1212 du Code civil dispose que "lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme. Nul ne peut exiger le renouvellement du contrat."
Avant la formation du contrat, en phase précontractuelle, la rupture des négociations est libre sauf si elle est fautive. Dans ce cas, la réparation du préjudice ne peut pas inclure la perte des avantages espérés du contrat non conclu.
Section 2 : La rupture des relations commerciales établies
L’article L442-1, II° du Code de commerce interdit la rupture brutale d’une relation commerciale établie sans respecter un préavis écrit adapté à la durée de la relation et aux usages du commerce. Il engage la responsabilité de l’auteur de la rupture, qui devra réparer le préjudice causé.
A) Une relation commerciale
1. L'existence d'une relation
Une relation commerciale établie peut être contractuelle (fondée sur un contrat) ou non contractuelle (comme en phase précontractuelle).
2. La nature commerciale de la relation
Une relation commerciale n’implique pas forcément des commerçants. La jurisprudence a reconnu son application à des acteurs variés, comme les associations et les sociétés d’assurances mutuelles.
- Cass. com., 5 janvier 2016 : une association peut être concernée dès lors qu’elle exerce une activité de production, de commerce, d’industrie ou de prestation de service.
- Cass. com., 14 septembre 2010 : le caractère non lucratif d’une société d’assurances mutuelles ne l’exclut pas du champ d’application de l’article L442-1 dès lors qu’elle exerce une activité de service.
Toutefois, certaines relations sont expressément exclues du champ de l’article L442-1, notamment en présence de textes spécifiques régissant la rupture des contrats concernés (ex : bail commercial, contrat de transport).
D’autres relations sont considérées comme non commerciales, notamment les relations sociétaires et les sociétés coopératives.
Dans une coopérative, les associés sont liés par un contrat d’activité distinct du contrat de société. La Cour d’appel distingue donc la rupture du contrat d’activité, qui peut être sanctionnée, de la fin de la relation entre associés, qui ne relève pas de l’article L442-1.
Certaines relations à fort caractère civil échappent également à cette réglementation.
- Cass. com., 16 décembre 2008 : un architecte peut être concerné par la rupture brutale d’une relation commerciale.
- Les médecins ne relèvent pas de cette règle : un praticien refusant de continuer à soigner un patient ne commet pas une rupture brutale au sens du Code de commerce.
Le critère objectif repose sur l’existence d’une relation suivie, stable et habituelle. La jurisprudence exige une durée suffisante, généralement d’un à deux ans.
- Par exemple, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé le 25 avril 2006 que de longs pourparlers suivis de cinq commandes sur six mois ne constituaient pas une relation établie.
L’intensité des relations est également prise en compte. Un courant d’affaires significatif est requis, un faible volume pouvant exclure le caractère établi, tandis qu’un montant très élevé peut suffire à le caractériser.
Le critère subjectif repose sur l’attente légitime de la victime. Même si une relation est objectivement établie, la victime ne peut pas toujours s’attendre à sa poursuite. Dans certains secteurs d’activité, il est d’usage que les relations soient remises en question fréquemment, comme dans l’habillement ou l’audiovisuel.
- La chambre commerciale a jugé le 12 février 2013 qu’un médecin animateur radio ne pouvait pas invoquer une rupture brutale.
L’article L442-1, II° du Code de commerce couvre à la fois la rupture totale et la rupture partielle.
- Une rupture totale peut s’entendre comme la cessation complète du contrat ou comme son non-renouvellement. L’article 1212 du Code civil précise d’ailleurs que nul ne peut exiger un renouvellement.
- La rupture partielle peut être matérielle ou juridique. La rupture matérielle désigne une diminution significative des commandes, que ce soit en volume ou en gamme. La rupture juridique se comprend comme une modification unilatérale des termes du contrat, par exemple en modifiant l’économie du contrat.
Dans certains cas, la rupture peut être justifiée. Un motif objectif peut justifier une rupture, comme l’a jugé la chambre commerciale le 19 janvier 2016. Si un distributeur diversifie ses fournisseurs et ne respecte plus certaines dispositions contractuelles, le fournisseur peut lui retirer certains avantages.
Une rupture peut aussi être non imputable à son auteur, comme en cas de procédure collective lorsque le mandataire de justice décide de ne pas poursuivre certains contrats.
La force majeure peut également justifier une rupture, bien qu’une crise économique ne suffise pas à caractériser une rupture brutale.
La rupture en elle-même n’est pas interdite, c’est son caractère brutal qui est prohibé. Une rupture est brutale lorsqu’elle intervient sans préavis suffisant.
L’appréciation de la brutalité de la rupture repose sur plusieurs critères.
- L’ancienneté de la relation est un critère prépondérant.
- D’autres éléments peuvent aggraver la situation, notamment le chiffre d’affaires généré
- Les investissements réalisés
- L’état de dépendance économique dès lors qu’il ne résulte pas d’un choix délibéré de la victime mais de la nature particulière des produits.
A contrario, certaines circonstances peuvent atténuer le caractère brutal de la rupture, comme une rupture partielle, une relation déjà discontinue ou une faute de la victime.
Le préavis doit être évalué au moment de la notification de la rupture, indépendamment des événements postérieurs. La chambre commerciale a jugé le 6 novembre 2012 que la rupture pouvait être caractérisée comme brutale même si des éléments survenaient après coup.
Un préavis contractuel ne fait pas obstacle à l’appréciation du juge. Celui-ci reste libre d’évaluer la pertinence du préavis donné.
Certaines exceptions permettent d’écarter toute responsabilité en cas de rupture brutale. L’ordonnance du 24 avril 2019 fixe désormais un plafond de 18 mois au-delà duquel aucune responsabilité ne peut être engagée.
Une rupture sans préavis est également possible lorsque l’autre partie n’exécute pas ses obligations. Dans ce cas, la jurisprudence exige une faute suffisamment grave pour empêcher la poursuite de la relation, même durant le préavis.
Par exemple, la chambre commerciale a jugé le 24 mai 2011 que le retard de livraison délibéré associé à des délais de paiement très rigoureux justifiait une rupture immédiate.
Enfin, la force majeure peut justifier une rupture, mais elle n’exclut pas nécessairement le caractère brutal de celle-ci. Une crise économique peut justifier une rupture, mais non une rupture brutale.
E) Le calcul du préjudice
Pour la rupture brutale, la victime a tout intérêt à agir. La victime peut demander la cessation de l’illicite, notamment en sollicitant du juge le maintien forcé de la relation commerciale dans certains cas. Une autre possibilité consiste à prolonger le préavis une fois la durée litigieuse écoulée, soulevant la question d’une éventuelle réinstallation de la relation au-delà de cette prolongation.
L’article L442-1 du Code de commerce s’applique en dehors de tout contrat, mais en pratique, la rupture concerne souvent une relation contractuelle. Or, si la responsabilité contractuelle s’applique, la réparation se limite en principe au préjudice prévisible, contrairement à la responsabilité délictuelle qui impose une réparation intégrale. En jurisprudence, la responsabilité est généralement qualifiée de délictuelle, ce qui permet une réparation complète du préjudice subi.
Le préjudice résulte de la brutalité de la rupture et non du fait de rompre en lui-même. Ainsi, les dommages et intérêts sont calculés en fonction du préavis qui aurait dû être accordé. La logique veut que le juge évalue le préjudice en fonction du gain manqué pendant la période qui aurait dû être couverte par le préavis.
Toutefois, lorsque la victime se rétablit rapidement, la question se pose de l’impact de ce rétablissement sur l’évaluation du préjudice. La chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé le 1er mars 2017 que la brutalité de la rupture reste caractérisée, même si la victime retrouve rapidement une situation stable.
Le préjudice peut prendre plusieurs formes. Le préjudice de perte concerne notamment les stocks non écoulés ou les investissements réalisés en anticipation d’une relation commerciale qui s’interrompt brutalement. Un préjudice moral peut également être invoqué.
La rupture brutale peut aussi affecter des tiers, comme les sous-traitants ou sous-fournisseurs.
Longtemps, la jurisprudence a réservé l’action en justice à la seule victime directe, mais depuis un arrêt de la chambre commerciale du 6 septembre 2011, toute personne justifiant d’un intérêt peut agir.
A retenir :
Arrêt Planet Sushi du 5 juillet 2016
La question de l’imputation de la rupture se pose lorsque l’auteur apparent n’est pas le véritable décideur. Par exemple, dans l’arrêt Planet Sushi du 5 juillet 2016, la chambre commerciale a admis que la rupture pouvait être imputée à la tête du réseau lorsque les distributeurs n’avaient pas d’autonomie dans leurs décisions de nouer ou de rompre des relations commerciales.
TITRE 2 : Les modes de distribution
Chapitre préliminaire : La vente
Section 1 : Les promesses de vente
§1 : La promesse unilatérale
La vente constitue l’opération classique du contrat de distribution. Le Code civil la réglemente au sein du Titre 6 du Livre 3, aux articles 1582 et suivants.
Définition
Promesse unilatérale de vente
L’article 1124 du Code civil définit la promesse unilatérale de vente comme un contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire
L’exécution forcée de la promesse soulève une difficulté particulière. Si le bénéficiaire exerce son option, le contrat est formé et le vendeur doit livrer le bien. Mais qu’en est-il si le promettant se rétracte avant que le bénéficiaire n’ait levé l’option ?
Deux approches sont envisageables.
- La première considère que le promettant s’est engagé à maintenir son consentement, auquel cas sa rétractation ne devrait pas empêcher la formation du contrat.
A retenir :
Arrêt Consorts Cruz 15 décembre 1993
- La seconde, consacrée par la Cour de cassation dans l’arrêt Consorts Cruz du 15 décembre 1993, considère que le promettant peut se rétracter tant que le bénéficiaire n’a pas opté. La Haute juridiction s’appuyait alors sur l’ancien article 1142 du Code civil (supprimé depuis), qui disposait que toute obligation de faire inexécutée ne pouvait donner lieu qu’à des dommages et intérêts, et non à une exécution forcée.
Cette solution était problématique en matière de commerce, notamment pour l’acquisition d’entreprises, un processus souvent long. Si le promettant pouvait se rétracter librement, l’acquéreur risquait de se retrouver dans une situation incertaine.
Arrêt 2008
Dans un arrêt de 2008, la chambre commerciale a admis la possibilité d’inclure une clause interdisant au promettant de se rétracter.
L’article 1124, alinéa 2, du Code civil, issu de la réforme de 2016, a mis fin à la jurisprudence Consorts Cruz. Il dispose que la révocation de la promesse pendant le délai laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. Autrement dit, même en cas de rétractation, le bénéficiaire peut toujours lever l’option et exiger l’exécution de la promesse.
Une incertitude demeurait quant à l’application de cette règle dans le temps. La jurisprudence du 21 novembre 2024 s’est prononcée sur une promesse conclue en 1971. La Cour de cassation a jugé que la nouvelle règle s’appliquait à cette promesse, ce qui soulève des interrogations quant à la rétroactivité des dispositions nouvelles en matière contractuelle.
Une autre difficulté réside dans la violation de la promesse. Si le promettant vend le bien à un tiers malgré son engagement envers le bénéficiaire, que se passe-t-il ? L’article 1124, alinéa 3, du Code civil prévoit que le contrat conclu en violation de la promesse avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul. Toutefois, si le tiers était de bonne foi et ignorait l’existence de la promesse, le contrat demeure valable, et seul un recours en dommages et intérêts peut être envisagé.
§2 : La promesse synallagmatique
Définition
La promesse synallagmatique
La promesse synallagmatique repose sur un engagement réciproque : une personne s’engage à vendre et l’autre à acheter un bien à un prix déterminé. L’article 1589 du Code civil dispose que la promesse de vente vaut vente dès lors qu’il y a un consentement réciproque sur la chose et le prix. Contrairement à la promesse unilatérale, elle ne confère pas un droit d’option au bénéficiaire. Il s’agit d’une vente à terme, dont les effets sont subordonnés à la réalisation d’une condition, comme l’obtention d’un prêt immobilier.
Section 2 : Les éléments de la vente
Pour qu’il y ait vente, un accord sur la chose et le prix est nécessaire. En France, dès lors que ces deux éléments sont réunis, une vente immobilière est valable et peut faire l’objet d’une exécution forcée.
§1 : La chose
Elle doit remplir plusieurs conditions :
- Existante : La chose doit matériellement exister. Si elle a été détruite avant la vente, celle-ci est nulle. L’article 1601 du Code civil prévoit que si une partie seulement de la chose est détruite, l’acquéreur peut soit abandonner la vente, soit accepter la partie restante avec une réduction du prix. Il est néanmoins possible de vendre une chose future, comme une récolte à venir ou des créances qui existeront.
- Appropriée : Certaines choses ne peuvent pas être vendues car elles ne sont pas appropriables, comme l’air, la mer ou un savoir-faire non breveté. Une vente est également impossible si le vendeur ne détient pas la propriété du bien. L’article 1599 du Code civil pose le principe selon lequel la vente d’une chose appartenant à autrui est nulle.
Toutefois, des exceptions existent en matière de meubles corporels. Selon l’article 2276 du Code civil, en fait de meubles, la possession vaut titre. Si un bien est vendu à un premier acheteur (A) mais n’a pas été livré, un second acheteur (B) qui en prend possession pourra en revendiquer la propriété. En revanche, pour les meubles incorporels, comme une créance, l’acheteur initial (A) reste propriétaire, sauf inscription contraire.
En cas de vente d’un bien indivis, l’unanimité des co-indivisaires est normalement requise. Cependant, la jurisprudence a parfois admis la validité d’une vente effectuée par un seul indivisaire.
- Aliénable : Certains biens ne peuvent être vendus en raison d’une interdiction légale ou contractuelle. L’article 16-1 du Code civil interdit la vente du corps humain ou de ses éléments. Des clauses d’inaliénabilité peuvent également être stipulées, sous conditions. L’article 900-1 du Code civil admet leur validité dans les donations et legs, à condition qu’elles soient temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime.
Dans les sociétés, l’article L227-13 du Code de commerce autorise les statuts d’une SAS à prévoir l’inaliénabilité des actions pour une durée maximale de dix ans. Toute cession effectuée en violation de cette clause est nulle (article L227-15). La doctrine considère que de telles clauses peuvent être insérées dans d’autres types de sociétés sous les mêmes conditions.
- Déterminée : L’article 1163 du Code civil impose que la chose soit déterminée ou déterminable. Cette exigence soulève des difficultés pour les biens fongibles, dont l’identité n’est pas individualisée au moment de la vente.
Le prix doit être déterminé ou déterminable et, dans certains cas, équilibré (article 1591 du Code civil). Il doit être fixé et désigné par les parties. Toutefois, selon l’article 1592 du Code civil, il peut être laissé à l’estimation d’un tiers. Si ce tiers refuse ou est dans l’incapacité de fixer le prix, la vente ne peut pas avoir lieu.
Dans cette hypothèse, c’est le tiers qui forme la vente en déterminant le prix. Cela distingue cette situation de l’article 1843-4 du Code civil, qui s’applique en cas de cession de droits sociaux. Dans ce cadre, un expert est désigné pour fixer le prix en cas de contestation, mais la vente est déjà formée. De plus, contrairement à l’expert de l’article 1592, celui de l’article 1843-4 ne peut pas refuser d’évaluer le prix.
Avant 2014, l’expert désigné en application de l’article 1843-4 avait une grande liberté d’évaluation, pouvant même s’affranchir des modalités prévues dans les statuts des sociétés. La réforme de 2014 a limité son pouvoir en l’obligeant à respecter les critères prévus par le contrat. De nombreux auteurs avaient alors suggéré de privilégier l’article 1592, qui contraint l’expert à suivre les modalités fixées par les parties. Par principe, le juge ne peut pas déterminer le prix d’un contrat.
L’article 1164 du Code civil autorise la fixation unilatérale du prix dans les contrats-cadres, sous réserve qu’il puisse être contesté en cas d’abus. Dans les contrats de prestation de services (article 1165 du Code civil), le prix peut être fixé après l’exécution de la prestation par le créancier, qui devra en justifier le montant. En cas d’abus, le juge peut être saisi pour accorder des dommages et intérêts et, éventuellement, prononcer la résolution du contrat.
L’article 1168 du Code civil précise que le défaut d’équivalence des prestations ne constitue pas une cause de nullité. Cependant, les articles 1164 et 1165 introduisent un contrôle du juge en cas d’abus manifeste.
L’article 1195 sur l’imprévision permet également une modification du prix si un changement de circonstances rend l’exécution du contrat excessivement onéreuse. Dans ce cas, les parties doivent renégocier le contrat et, en cas d’échec, le juge peut procéder à son adaptation ou à sa révision.
L’article 1674 du Code civil prévoit un mécanisme spécifique en cas de lésion immobilière. Si un vendeur a été lésé de plus de 7/12e du prix réel d’un immeuble, il peut demander la rescision de la vente dans un délai de deux ans. La preuve de la lésion doit être apportée par un rapport commun de trois experts (article 1678). L’acheteur a alors le choix entre restituer l’immeuble contre remboursement du prix ou conserver le bien en payant un supplément du double de la lésion, avec une réduction d’un dixième du prix total. L’article 1683 précise que seule le vendeur peut invoquer cette action, à l’exclusion de l’acheteur.
Section 3 : Les effets de la vente
§1 : Les effets immédiats
1. Le principe du transfert de propriété
Le transfert de propriété est régi par l’article 1583 du Code civil qui dispose que la vente est parfaite dès l’accord sur la chose et le prix, même en l’absence de livraison ou de paiement. En principe, le transfert des risques accompagne le transfert de propriété selon la règle « res perit domino ». Toutefois, l’article 1196 du Code civil précise que ce transfert peut être différé par la volonté des parties, la nature des choses ou la loi. En cas de retard dans la délivrance, une mise en demeure permet de faire peser les risques sur le vendeur. En l’absence de mise en demeure, celui-ci conserve seulement une obligation de conservation du bien.
Un bien est considéré comme sorti du patrimoine du vendeur dès l’accord sur la chose et le prix, sauf exceptions. L’article 2276 du Code civil énonce qu’en matière de meubles, la possession vaut titre, ce qui signifie que l’acquéreur qui a la possession du bien est prioritaire en cas de conflit. De même, l’article 1198 précise qu’en cas d’acquéreurs successifs d’un même bien meuble, celui qui a pris possession en premier est préféré, sous réserve de bonne foi
2. Les exceptions au transfert immédiat de propriété
Le transfert de propriété peut être différé par la loi, la nature des choses ou la volonté des parties.
Vente avec réserve de propriété
La vente avec réserve de propriété subordonne le transfert de propriété au paiement intégral du prix. Ce mécanisme permet à un vendeur de revendiquer le bien en cas de procédure collective, sous réserve d’une action en revendication dans un délai de trois mois. En principe, le transfert des risques ne suit pas le transfert de propriété dans ce cadre, mais certaines clauses peuvent prévoir une dissociation entre les deux. La réserve de propriété est une sûreté réelle relevant du droit des sûretés.
Vente sous conditions
La vente sous conditions suspend le transfert de propriété à la réalisation d’un événement.
- La condition suspensive empêche la transmission du bien tant qu’une formalité ou un événement déterminé ne s’est pas produit.
- La condition résolutoire, quant à elle, entraîne l’annulation rétroactive de la vente si l’événement prévu survient.
Avant la réforme du droit des obligations, la condition suspensive avait un effet rétroactif : si elle était réalisée, l’acheteur était réputé propriétaire depuis l’origine, sinon il ne l’était jamais devenu. Aujourd’hui, la vente produit des effets dès sa conclusion, mais les parties peuvent stipuler que le vendeur conserve les risques jusqu’à la réalisation de la condition.
La faculté de repentir
La faculté de repentir permet au vendeur de se retirer après la conclusion du contrat dans certains contrats de consommation. Cette faculté suspend le transfert de propriété tant qu’elle peut être exercée, bien qu’elle ne soit pas une véritable exception.
Transfert retardé en raison de la nature du bien
Le transfert peut être retardé par la nature du bien. L’article 1585 du Code civil précise que la vente de marchandises au poids, à la mesure ou au compte n’est parfaite qu’après leur individualisation. Tant que cette formalité n’est pas accomplie, le bien reste aux risques du vendeur. L’article 1587 prévoit également que la vente de certains produits, comme le vin ou l’huile, n’est parfaite que si l’acheteur les a goûtés et acceptés.
B) Les effets sur les parties
1. Les obligations du vendeur
Obligation d'information
Le vendeur a une obligation d’information conformément à l’article 1602 du Code civil, qui impose d’expliquer clairement les engagements pris. Toute ambiguïté dans le contrat s’interprète en défaveur du vendeur
Obligation de délivrance
L’obligation de délivrance est une obligation essentielle du vendeur, prévue par l’article 1603 du Code civil. La délivrance consiste à mettre l’acheteur en possession du bien, conformément à l’article 1604. Il ne s’agit pas d’une obligation de livraison, le bien étant par principe quérable, c’est-à-dire que l’acheteur doit aller le chercher. Une fois qu’il se présente pour prendre possession du bien, le vendeur doit procéder à la délivrance.
- Pour un immeuble, l’article 1605 prévoit que la délivrance s’effectue par la remise des clés ou des titres de propriété.
- Pour les meubles, l’article 1606 dispose que la remise peut être matérielle, juridique, ou symbolique, comme la remise d’une carte grise pour un véhicule.
- Pour les droits incorporels, l’article 1607 précise que la délivrance peut se faire par la remise des titres ou par l’usage du bien avec le consentement du vendeur. La délivrance doit être conforme en quantité, conformément à l’article 1616, qui impose notamment que la superficie d’un immeuble corresponde à celle convenue dans le contrat.
Obligation de sécurité
L’obligation de sécurité, bien que discutée, pèse principalement sur le producteur et non sur tous les vendeurs. Elle découle de la garantie des produits défectueux et ne s’applique que dans certains cas.
2. Les obligations de l'acheteur
Obligation de payer le prix
L’acheteur a l’obligation de payer le prix, qui constitue son engagement principal selon l’article 1650 du Code civil. Le paiement doit être effectué au moment et au lieu prévus dans le contrat. En l’absence de stipulation particulière, l’article 1651 prévoit que le prix doit être payé au moment et au lieu de la délivrance. Si le bien doit être transporté, le paiement n’est dû qu’à son arrivée, sauf convention contraire.
En cas d’absence de paiement, le vendeur dispose d’un droit de rétention sur la chose, conformément à l’article 1612, qui lui permet de ne pas délivrer le bien tant que l’acheteur n’a pas payé.
Obligation de retrait
L’acheteur a également une obligation de retrait du bien. S’il tarde à récupérer le bien acheté, il peut causer un préjudice au vendeur, notamment lorsqu’il s’agit d’un professionnel, et engager ainsi sa responsabilité.
Les frais de transport sont en principe à la charge de l’acheteur.
§2 : Les garanties
A) La garantie d'éviction
L’article 1626 du Code civil prévoit que, même en l’absence de stipulation expresse, le vendeur est tenu de garantir l’acquéreur contre toute éviction résultant de son fait personnel, qu’elle soit totale ou partielle. Cette garantie couvre également les charges non déclarées lors de la vente.
Lorsqu’un bien est transféré, la jouissance exclusive du bien est également transmise. Toute atteinte portée par le vendeur à cette jouissance constitue une éviction.
Par exemple, dans la vente d’un fonds de commerce, si le vendeur s’installe immédiatement après dans la même rue, détournant ainsi la clientèle, cela constitue une éviction. Une clause de non-concurrence peut être prévue pour éviter cette situation.
La garantie d’éviction est d’ordre public, comme l’indique l’article 1628 du Code civil : une clause excluant cette garantie est nulle dès lors qu’elle porte sur un fait personnel du vendeur. L’article 1630 précise que, si l’acquéreur est évincé, il a droit à la restitution du prix payé, mais la vente n’est pas annulée pour autant.
L’éviction peut également résulter du fait d’un tiers lorsque ce dernier empêche l’acquéreur de jouir du bien, notamment en revendiquant un droit sur celui-ci.
Par exemple, si un voisin occupe une partie du terrain vendu et risque d’en acquérir la propriété par prescription acquisitive, l’acquéreur subit une éviction. Toutefois, cette garantie ne s’applique que si le vendeur était de bonne foi. Il est possible d’exclure cette garantie par contrat, sauf si le vendeur connaissait le trouble au moment de la vente.
B) La garantie des vices cachés
Selon l’article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de garantir l’acheteur contre les défauts cachés rendant la chose impropre à l’usage auquel elle est destinée ou diminuant son utilité de manière significative.
La garantie des vices cachés se distingue d’autres garanties :
- Obligation de délivrance : si le bien livré n’est pas celui prévu au contrat (ex. : vente d’un véhicule de 200 chevaux, mais livraison d’un modèle à 100 chevaux).
- Responsabilité du fait des produits défectueux : si le bien est conforme à la commande mais présente un danger anormal.
Pour que la garantie des vices cachés s’applique, plusieurs conditions doivent être réunies :
- Le vice doit être caché (non apparent et inconnu de l’acheteur au moment de la vente). Un acheteur professionnel est présumé connaître les vices liés à son domaine d’expertise, sauf s’il démontre que le défaut était indécelable.
- Le vice doit rendre le bien impropre à l’usage prévu ou en réduire considérablement l’usage.
En matière de prescription, l’article 1648 du Code civil prévoit un délai de deux ans à compter de la découverte du vice pour agir. Cependant, la jurisprudence a précisé les délais applicables :
- Avant la réforme : l’action devait être intentée dans un délai de 5 ans. Si le vice était découvert à la 4ᵉ année, il restait 1 an pour agir.
- Depuis la réforme : article 2232 du Code civil et un délai butoir de 20 ans.
- Arrêt Ch. mixte du 21 juillet 2023 : confirmé par la Cour de cassation, le délai butoir est de 20 ans avec un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice.
L’article 1644 du Code civil offre à l’acheteur deux recours :
- L’action rédhibitoire : annulation de la vente avec restitution du bien et remboursement du prix.
- L’action estimatoire : conservation du bien avec réduction du prix payé.
Le régime de l’exclusion de garantie varie selon le type de vendeur :
- Vendeur non professionnel : peut exclure la garantie des vices cachés, sauf s’il est de mauvaise foi et connaissait les défauts.
- Vendeur professionnel : la clause d’exclusion est interdite, car il est présumé de mauvaise foi.
- Acheteur professionnel : la clause d’exclusion est valable uniquement si l’acheteur est un professionnel du même secteur (ex. : vente entre un concessionnaire et un garagiste)
A retenir :
Arrêt Saint Esprit, 1965
Dans l’arrêt Cass. Saint-Esprit, 1965, la Cour de cassation a précisé que le vendeur est tenu à garantie s’il connaissait les vices ou, par sa profession, ne pouvait les ignorer.
Arrêt 6 novembre 1978
Concernant les clauses limitatives de responsabilité, l’arrêt Com. 6 novembre 1978 admet qu’elles sont valables :
- Inopposables aux consommateurs (contrats B2C).
- Valables entre professionnels, mais uniquement si les parties appartiennent au même secteur d’activité
3. La transmission de la garantie
L’absence de lien contractuel entre A et C
En principe, aucun lien contractuel n’existe entre le vendeur initial (A) et l’acquéreur final (C). Cependant, certaines garanties et obligations peuvent être transmises à travers la chaîne de contrats.
La transmission de la garantie repose sur trois acteurs :
- Le stipulant (A), qui prévoit une garantie dans son contrat avec B,
- Le bénéficiaire (C), qui en profite indirectement,
- Le promettant (B), qui est tenu par l’obligation contractuelle
A retenir :
Arrêts Miro Bootshop et Sucrerie du Bois Rouge
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans les arrêts Miro Bootshop (6 octobre 2006) et Sucrerie du Bois Rouge (20 janvier 2020), a clarifié la possibilité pour A d’agir contre C sur un fondement délictuel, en raison de l’absence de contrat entre eux.
Toutefois, ces décisions ont également posé une question essentielle : un simple manquement contractuel constitue-t-il une faute ? Ces arrêts affirment que tout manquement contractuel est fautif au sens de l’article 1240 du Code civil, rendant ainsi la responsabilité quasi automatique (objectivation de la faute).
L’opposabilité des clauses limitatives de responsabilité
Une clause limitative de responsabilité insérée dans un contrat peut-elle être opposée à un tiers ? En principe, une personne ne peut se voir opposer une clause qu’elle n’a pas acceptée. Toutefois, la jurisprudence a évolué en considérant que si un tiers invoque un manquement contractuel sur le fondement délictuel, il ne peut bénéficier de plus de droits que le contractant initial
A retenir :
Arrêt Com. 3 juillet 2024
Rappelle que :
- Un tiers peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage.
- Il suffit d’établir un lien de causalité entre le manquement et le préjudice, sans nécessité de prouver une faute distincte.
- Toutefois, pour ne pas déséquilibrer le contrat initial, les clauses limitatives de responsabilité s’imposent au tiers invoquant la responsabilité délictuelle
La transmission des actions en garantie
En matière de vices cachés, se pose la question de savoir si l’acheteur final (C) peut agir directement contre le vendeur initial (A)
A retenir :
Arrêt Lamborghini 9 octobre 1979
La jurisprudence Lamborghini (9 octobre 1979) a admis que l’action en garantie des vices cachés suit la chose vendue, permettant ainsi à C d’agir contre A.
Arrêt Besse 12 juillet 1991
Toutefois, dans le cadre d’un prêt (et non d’une vente), C ne peut agir sur le fondement contractuel et doit se tourner vers la responsabilité délictuelle
La transmission dans les chaînes de contrats
- Chaînes homogènes : lorsque tous les contrats successifs sont de même nature (ex. : ventes successives), la propriété est transférée à chaque étape. L’acheteur final peut alors agir contre n’importe quel vendeur antérieur.
- Chaînes hétérogènes : si la chaîne contractuelle inclut des contrats de nature différente (ex. : vente, puis location), il n’y a pas de transfert de propriété uniforme, ce qui limite les recours.
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation (1986) a confirmé que n’importe quel vendeur pouvait être tenu à la garantie des vices cachés. En cas de clause limitative de responsabilité dans le contrat entre A et B, celle-ci s’applique également à C, selon le principe nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet (nul ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a)
Si C obtient une indemnisation de B malgré une clause limitant la réparation à 1 000 €, mais que B doit 10 000 € à C, B peut se retourner contre A pour récupérer la totalité du montant, sous réserve des distinctions suivantes :
- Recours subrogatoire : B ne peut demander qu’une réparation limitée à 1 000 €.
- Recours personnel : B pourrait, en théorie, réclamer l’intégralité du montant, mais cette possibilité n’a pas été définitivement validée par la jurisprudence
La garantie de conformité et la transmission des clauses juridictionnelles
En matière de garantie de conformité, la Cour de cassation a admis que l’acheteur final (C) peut se retourner contre le vendeur initial (A) en vertu du droit de la consommation.
Enfin, certaines clauses contractuelles (compromissoire, d’arbitrage, attributive de juridiction) sont également transmises avec la chose, dès lors qu’elles sont directement liées aux droits et obligations afférents au bien vendu
Chapitre 1 : La distribution
Définition
La franchise
La franchise repose sur un accord entre un franchiseur et un franchisé dans le but de reproduire le succès commercial du franchiseur. Ce dernier vend son concept, permettant ainsi à des entrepreneurs indépendants d’exploiter le même modèle
Deux choix sont possibles pour le développement d’une enseigne. Le premier consiste à ouvrir des filiales, ce qui implique une gestion lourde et des coûts administratifs élevés, rendant l’expansion plus lente. Le second repose sur l’appel à des indépendants, qui appliquent le concept du franchiseur tout en assumant les risques, notamment en matière d’embauche et de gestion opérationnelle. Cette seconde option permet une limitation des responsabilités pour le franchiseur.
Dans certaines configurations, le franchisé ne peut être considéré comme propriétaire du fonds de commerce, notamment si son activité est étroitement liée à l’enseigne du franchiseur. Toutefois, si la localisation et la clientèle sont déterminantes, le franchisé pourrait revendiquer la propriété du fonds de commerce
§1 : La franchise classique
A) Les éléments du contrat de franchise
Le contrat de franchise repose sur plusieurs éléments fondamentaux, notamment la transmission des signes distinctifs et le savoir-faire.
La transmission des signes distinctifs implique que le franchiseur accorde au franchisé l’usage de sa marque ou de son enseigne afin de garantir l’identification de l’établissement comme appartenant au réseau.
Cette transmission repose sur deux conditions essentielles :
- D’une part, la marque doit être notoire, c’est-à-dire suffisamment connue du public et associée à un succès commercial antérieur.
- D’autre part, elle doit être la propriété du franchiseur, qui en concède l’usage au franchisé via un contrat de concession ou de cession.
Il arrive que le franchiseur ne détienne pas directement la propriété de la marque mais en permette l’exploitation par le franchisé, notamment à travers une licence exclusive. Cependant, si la sous-licence est exclue, le franchisé ne pourra pas en faire bénéficier d’autres tiers.
Le savoir-faire repose sur la transmission d’un ensemble de connaissances permettant de garantir la réitération du succès commercial du franchiseur. Ce savoir-faire doit répondre aux critères définis par l’article 1 du Règlement d’exemption communautaire, qui impose qu’il soit secret, substantiel et identifié.
- Le caractère secret signifie qu’il ne doit pas être généralement connu ou facilement accessible
- La substantivité implique que le savoir-faire soit suffisamment significatif et utile pour l’exploitation du concept
- Enfin, l’identification suppose une description précise permettant d’en vérifier la conformité aux critères de secret et de substantivité.
À défaut, le contrat de franchise pourrait être frappé de nullité
Le savoir-faire doit également résulter de l’expérience du franchiseur et avoir été testé préalablement.
Les obligations accessoires du contrat de franchise
Une clause d’approvisionnement exclusif peut être imposée, obligeant les franchisés à s’approvisionner exclusivement auprès du franchiseur ou de fournisseurs agréés.
Un contrat de décoration exclusive peut également être prévu afin d’assurer une homogénéité dans la présentation des établissements du réseau.
Le contrat peut aussi contenir une clause de révision de prix, permettant d’adapter le prix de cession en fonction d’éléments imprévus, tels que la découverte d’un passif fiscal. Cette clause protège le cessionnaire en lui offrant la possibilité d’ajuster le prix convenu.
Enfin, une clause de garantie de passif peut être incluse. Elle oblige le cédant à garantir le passif de la société franchisée, protégeant ainsi le repreneur contre d’éventuelles dettes antérieures à la cession.
B) La conclusion du contrat de franchise
La loi Doubin du 31 décembre 1989
La loi Doubin a pour vocation de mieux protéger les réseaux de distribution, notamment les contrats de franchise. Aujourd’hui, elle est codifiée aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce. Elle encadre les clauses d’exclusivité imposées aux franchisés et impose la remise d’un document d’information précontractuelle (DIP) destiné à informer les franchisés sur le réseau concerné.
L’article L. 330-3 prévoit que toute personne mettant à disposition d’une autre un nom commercial, une marque ou une enseigne, tout en exigeant un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité, doit fournir au futur franchisé un document d’information sincère, permettant un engagement en connaissance de cause.
Ce document doit être remis au moins 20 jours avant la signature du contrat ou avant le versement de toute somme au franchiseur. À défaut, des sanctions pénales peuvent être encourues.
Les exclusivités juridiques et la jurisprudence
Les exclusivités juridiques interdisent au franchisé de travailler pour un autre franchiseur. La jurisprudence du 24 septembre 2003 a confirmé que dès lors qu’il existe une clause de non-concurrence (CNC), une exclusivité est caractérisée. L’objectif est de protéger le franchisé contre une dépendance excessive vis-à-vis du franchiseur.
Le contenu du DIP (article R. 330-1 du Code de commerce)
Le DIP doit contenir plusieurs éléments essentiels pour informer le franchisé :
- L’ancienneté et l’expérience du franchiseur
- La durée du contrat de franchise
- L’importance du réseau d’exploitants
- Les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat
- Le champ des exclusivités
L’article R. 330-1, 5° c) impose également que le DIP mentionne le nombre d’entreprises ayant quitté le réseau au cours de l’année précédente. Il doit préciser si ces départs résultent de l’expiration du contrat, d’une résiliation ou d’une annulation.
Les documents trompeurs et la responsabilité du franchiseur
Les franchiseurs ont parfois tendance à inclure dans le DIP des documents superflus ou exagérément optimistes. Une question se pose alors sur la nécessité d’une étude de marché. En pratique, certains franchisés découvrent après quelques années que l’exploitation n’est pas rentable, soulevant la question d’une erreur sur la rentabilité
A retenir :
Arrêt 12 juin 2012
La jurisprudence (Com. 12 juin 2012) reconnaît l’erreur sur la rentabilité lorsque le franchiseur a communiqué des documents excessivement optimistes. En revanche, si le franchiseur ne fournit pas d’information trompeuse et que le franchisé se méprend seul, la jurisprudence n’admet pas l’erreur.
Arrêt 26 juin 2024
Un arrêt du 26 juin 2024 a reconnu l’existence d’un dol par réticence lorsque le franchiseur omet d’informer sur des événements postérieurs à la remise du DIP mais antérieurs à la signature du contrat, notamment une procédure collective affectant le réseau. Il a ainsi été jugé que le franchiseur doit actualiser les informations importantes susceptibles d’influencer la décision du franchisé.
C) L'exécution du contrat de franchise
1. Obligation du franchiseur
Le franchiseur a l’obligation de mettre à disposition du franchisé un savoir-faire et une assistance technique lui permettant de l’exploiter. Cette assistance doit être régulière et ponctuelle (Com. 21 octobre 2014). Son absence n’entraîne pas automatiquement la résiliation du contrat, mais engage la responsabilité du franchiseur. La résiliation ne peut intervenir que si cette faute est suffisamment grave.
Le franchiseur a également un rôle de surveillance du réseau. Il doit s’assurer que les franchisés respectent les normes du réseau. Le manquement à cette obligation constitue une faute contractuelle engageant sa responsabilité (Com. 9 juillet 1996)
2. Les obligations du franchisé
Le franchisé est quant à lui tenu de disposer d’un local pour exercer son activité, qu’il soit fourni par le franchiseur ou acquis par lui-même. La jurisprudence interdit la franchise exclusivement en ligne.
Il doit aussi exploiter la marque et le savoir-faire sans pouvoir sous-traiter son activité. Le paiement d’une redevance est obligatoire et doit être proportionnel au chiffre d’affaires. En cas de surpaiement, l’article L. 442-1 du Code de commerce peut s’appliquer (Com. 25 janvier 2017). Le franchisé doit aussi s’acquitter du pas de porte, un paiement permettant d’intégrer le réseau commercial.
D) La rupture du contrat de franchise
Le contrat de franchise est généralement à durée déterminée et peut être soumis à la rupture brutale des relations commerciales établies. Il comprend souvent des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation. Ces dernières ne prohibent pas la création d’une entreprise concurrente mais interdisent l’affiliation à un autre réseau.
L’article L. 341-1 du Code de commerce prévoit qu’au sein des réseaux de commerce de détail, les clauses limitant la liberté d’exercice doivent prendre fin simultanément.
L’arrêt du 5 juin 2024 précise que la notion de commerce de détail inclut aussi certaines activités de services destinées aux particuliers, comme les agences immobilières.
L’article L. 341-2 du Code de commerce interdit automatiquement toute clause limitant la liberté d’exercice du franchisé après la fin du contrat. Toutefois, certaines clauses peuvent être valides si elles remplissent quatre conditions :
- concerner des biens ou services en concurrence avec ceux du contrat
- être limitées aux locaux et terrains du franchisé
- être indispensables à la protection d’un savoir-faire substantiel et secret
- et ne pas excéder un an après la rupture du contrat
Le contrat de franchise étant conclu intuitu personae, il ne se transmet pas avec la cession du fonds de commerce. La loi du 14 février 2022 a introduit la possibilité de céder un patrimoine d’entreprise individuelle, mais cela n’inclut pas automatiquement le contrat de franchise.
En cas de fusion-absorption d’un franchiseur, le contrat ne se transmet pas non plus (Com. 3 juin 2008)
A retenir :
Arrêt Pizza Spritz
L’arrêt Pizza Spritz du 15 mai 2024 précise que si le franchiseur change d’actionnaire majoritaire, le contrat de franchise continue normalement sans nécessiter l’accord du franchisé, sauf clause contraire
§2 : Les franchises modernes
A) Diminution de l'indépendance
Le franchisé dispose d’un fonds de commerce, comme le confirme la Cour de cassation (Civ. 3e, 27 mars 2002). Cependant, plusieurs mécanismes permettent au franchiseur de conserver un contrôle sur lui.
Trois méthodes cumulatives existent :
- le franchisé peut être installé sur un terrain appartenant au franchiseur
- ce dernier peut lui imposer un contrat de location-gérance
- ou encore prendre des parts minoritaires dans son capital dans le cadre d’une franchise participative
Dans l’affaire du 13 mars 2024 le contrat de franchise arrivait à expiration et Carrefour refusait son renouvellement. Pour que la société puisse poursuivre son activité, il était nécessaire de modifier son objet social, mais le franchiseur a bloqué cette modification.
L’abus de minorité se caractérise par trois éléments :
- la décision doit être contraire à l’intérêt social
- le blocage doit favoriser les intérêts du minoritaire au détriment des autres associés
- et il doit empêcher une décision essentielle à l’avenir de la société
Les procédures collectives peuvent également être un recours pour le franchisé. Il est possible de demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, au sein de laquelle l’administrateur judiciaire peut résilier le contrat de franchise, la location-gérance ou l’occupation des locaux. Toutefois, cette procédure ne permet pas d’exclure le franchiseur du capital
L’article L. 626-3 du Code de commerce autorise des modifications statutaires à la majorité des voix, ce qui peut être utilisé pour sortir le franchiseur minoritaire