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Droit constitutionnel

Section 2 : La notion de Constitution

Définition de la Constitution

Le terme « Constitution » peut être défini de trois manières :

  1. Définition matérielle : La Constitution comprend les règles fondamentales qui organisent l’autorité politique et limitent son exercice. Elle inclut des règles sur le fonctionnement de l'État et sur les droits des citoyens, même si elle n'est pas toujours un document écrit.
  2. Définition formelle : La Constitution se réfère à un texte spécifique et solennel qui est modifiable de manière bien plus difficile qu’une loi ordinaire. Elle représente l’ensemble des règles écrites qui définissent l’organisation et les limites du pouvoir.
  3. Définition normative : La Constitution est la norme suprême dans l’ordre juridique, ayant la plus haute autorité par rapport aux autres normes. C’est cette suprématie qui garantit l’ordre juridique global.

Une Constitution peut être comprise en considérant ces trois dimensions : matérielle, formelle et normative.


§1 : Une définition matérielle – La Constitution comme règle de limitation des pouvoirs

La Constitution impose des règles qui encadrent le fonctionnement et l'organisation du pouvoir politique et visent à protéger les droits des citoyens. Elle comprend deux catégories de règles :

  1. Règles sur l’organisation du pouvoir : Définition des rôles des institutions (par exemple, le gouvernement et les différents organes de l'État), répartition des pouvoirs, procédures, et règles électorales.
  2. Règles sur la garantie des droits : Limitation du pouvoir en faveur de la protection des libertés individuelles.

Objectif principal : Limiter le pouvoir pour garantir les droits des citoyens.

A. La séparation des pouvoirs

La séparation des pouvoirs est un mécanisme essentiel pour limiter le pouvoir de l'État et protéger la liberté politique. Elle est justifiée historiquement pour contrer le despotisme et garantir une gouvernance équilibrée.

1. Théorie de la séparation des pouvoirs selon John Locke

  • Locke vise à préserver la liberté et l'égalité des citoyens en reconnaissant la nécessité de plusieurs pouvoirs indépendants pour éviter les abus.
  • Trois pouvoirs distincts :
  • Législatif : Élabore les lois.
  • Exécutif : Applique les lois.
  • Fédératif : Concerne les relations extérieures (paix, guerre, traités).
  • Objectif : Séparer le législatif de l'exécutif pour éviter des lois particulières favorisant le pouvoir en place. Une fois les membres de l'assemblée législative dispersés, ils redeviennent des citoyens égaux aux autres, soumis aux lois votées.

2. Théorie de la séparation des pouvoirs selon Montesquieu

Montesquieu, influencé par le système britannique, distingue deux notions fondamentales : la liberté naturelle et la liberté politique.

  • Liberté naturelle : Liberté de faire ce qu’on veut, source potentielle d’insécurité. Montesquieu la rejette.
  • Liberté politique : Soumission à une loi souveraine, publique, et connue, qui protège les libertés fondamentales.

Garanties de la liberté politique selon Montesquieu :

  • Existence d'une Constitution qui impose le respect de la loi aux gouvernants comme aux gouvernés.
  • Séparation des pouvoirs comme rempart contre l'abus de pouvoir.

Division des pouvoirs selon Montesquieu :

  • Législatif : Élabore et contrôle les lois.
  • Exécutif (similaire au fédératif chez Locke) : Applique les lois.
  • Judiciaire : Pouvoir neutre, sans pouvoir décisionnel au-delà de la simple application de la loi.
  • Conclusion : La confusion des pouvoirs conduit à la perte de la liberté.

3. Théorie de la séparation verticale des pouvoirs

Au-delà de la séparation horizontale des pouvoirs (entre les branches de l'État), certains auteurs suggèrent une séparation verticale :

  • Exemple des États-Unis : Hamilton promeut l'idée d’un État fédéral (gouvernement national) en interaction avec des États fédérés (entités locales), pour éviter la centralisation excessive.
  • Tocqueville : Il souligne l'importance des collectivités locales comme contre-pouvoirs pour préserver la liberté des citoyens face à un pouvoir central fort.

But de la séparation verticale : Fragmenter le pouvoir pour empêcher qu’il soit concentré entre les mains d’une seule autorité, ce qui favorise la démocratie et limite les abus.

B. La garantie des droits et des libertés

1. La Constitution comme protectrice des droits fondamentaux

La Constitution vise également à protéger les droits et les libertés des individus. En France, par exemple, la Constitution intègre la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC), un texte emblématique qui pose des principes fondamentaux de dignité, de liberté, et d'égalité.

  • Portée symbolique et juridique : Les droits proclamés dans ces textes ont un rôle symbolique fort, mais aujourd'hui, ils ont aussi une valeur juridique, les rendant opposables et justiciables.

2. Les trois générations de droits constitutionnels

Les droits et libertés reconnus dans la Constitution évoluent selon trois grandes générations de droits, chacune visant à répondre à des besoins particuliers de protection et de garantie.

  • Droits de première génération : Ils visent à protéger les individus contre les abus de pouvoir de l’État. Ces droits incluent des libertés individuelles telles que la liberté de pensée et d’expression, et sont fondés sur le principe de non-intervention de l'État.
  • Droits de deuxième génération : Ce sont les droits sociaux ou de créance, qui imposent à l'État d'agir pour garantir aux citoyens des droits tels que le droit au travail, à la santé, et à l'éducation.
  • Droits de troisième génération : Ils concernent les droits liés à l'environnement et à la protection des ressources naturelles. En France, la Charte de l’environnement de 2004, qui a obtenu une valeur constitutionnelle en 2005, incarne cette génération de droits.

3. Droits procéduraux

Les droits procéduraux garantissent l'effectivité des autres droits par l'instauration de mécanismes comme le droit à un procès équitable. Ils permettent de s'assurer que les droits proclamés dans la Constitution peuvent être effectivement protégés et appliqués.


§2 : Une définition formelle – La Constitution comme expression du pouvoir constituant

La Constitution se définit également par sa forme et son origine. Elle incarne la volonté souveraine de l’État à travers un acte juridique suprême, produit du pouvoir constituant.

A. Le pouvoir constituant originaire et dérivé

La Constitution se distingue par l'auteur qui la crée, le pouvoir constituant, lequel reflète la souveraineté d'un État qui peut décider de sa propre organisation politique.

  • Pouvoir constituant originaire : Il intervient lors de la création d’une nouvelle Constitution, soit à la fondation d'un nouvel État, soit pour adopter un régime politique différent (exemple : la fondation des États-Unis en 1787 et le passage de la France à la République en 1848).
  • Pouvoir constituant dérivé : Ce pouvoir concerne la modification ou révision de la Constitution existante. Il est limité par les procédures et les règles prévues par la Constitution elle-même.

B. Les différentes formes de Constitution

La Constitution peut être écrite ou coutumière, et la distinction entre ces deux formes repose sur leur origine et leur contenu.

1. Constitution écrite

  • Définition : La Constitution écrite regroupe toutes les règles constitutionnelles dans un ou plusieurs textes formels, comme la Constitution française de 1958. Ce document est solennel et doit être adopté selon des procédures spécifiques.
  • Avantages : Une Constitution écrite assure la stabilité et la sécurité juridique en précisant les modalités d'exercice du pouvoir. Elle permet aussi au peuple de vérifier si les gouvernants respectent les règles établies.

2. Constitution coutumière

  • Définition : Elle repose sur des pratiques répétées et non écrites, qui finissent par être reconnues comme des règles constitutionnelles. Ces pratiques constituent la base de l'organisation des pouvoirs publics et de la séparation des pouvoirs (exemple : la Constitution non écrite du Royaume-Uni).
  • Caractéristiques : La Constitution coutumière est flexible et évolutive, mais elle peut manquer de précision et de légitimité démocratique, car elle ne résulte pas d'un acte formel approuvé par le peuple.

C. La relativisation de la distinction entre Constitution écrite et coutumière

Aucune Constitution n’est exclusivement écrite ou coutumière. En effet, même les Constitutions écrites incluent des pratiques coutumières pour pallier des ambiguïtés ou des lacunes.

  • Exemple de la Grande-Bretagne : Bien que la Constitution britannique repose principalement sur des coutumes, elle inclut certains textes écrits tels que la Magna Carta (1215) et le Bill of Rights (1689).
  • Exemple de la France : Certaines pratiques non écrites complètent la Constitution de 1958, comme la coutume de la démission du gouvernement en cas de perte de majorité.

D. Les types de coutumes constitutionnelles

Il existe trois types de coutumes constitutionnelles qui complètent ou précisent les règles écrites :

  1. Coutumes interprétatives : Elles clarifient les textes constitutionnels lorsque ceux-ci sont ambigus.
  2. Coutumes supplétives : Elles comblent les lacunes de la Constitution écrite, en fournissant des solutions aux situations non couvertes par les textes.
  3. Coutumes contralegem : Elles contredisent parfois le texte écrit. Elles peuvent être tolérées si elles répondent aux besoins pratiques des institutions.


2. Le titulaire du pouvoir constituant originaire

Le pouvoir constituant originaire est celui qui crée la Constitution et fonde l'ordre constitutionnel d'un État. Il peut être exercé par différents processus d'élaboration qui varient selon le contexte politique.

a) Les procédés autoritaires d’élaboration

Il existe deux types de procédés autoritaires pour l'établissement d'une Constitution :

  • Les procédés octroyés : Le pouvoir constituant est exercé par un monarque qui, de son propre chef, octroie une Constitution au peuple. Cela signifie que la Constitution est imposée, sans consultation ou participation populaire (exemple : Louis XVIII, qui a octroyé une Charte en 1814).
  • Les procédés semi-autoritaires : Dans ce cas, le monarque engage une négociation avec des représentants ou des Assemblées (pacte politique), aboutissant à un compromis ou une charte adoptée par les deux parties (exemple : certains régimes constitutionnels européens du XIXe siècle).

b) Les procédés démocratiques d’établissement d’une Constitution

Les procédés démocratiques impliquent une participation active du peuple et des organes démocratiquement élus :

  • Élaboration par un organe non élu suivie d’une approbation populaire directe : Un comité ou une commission rédige la Constitution et soumet le texte à l’approbation du peuple, généralement par référendum. Le danger réside dans le risque de dérive plébiscitaire, où le peuple peut approuver par simple adhésion à l'autorité de ceux qui rédigent le texte.
  • Élaboration par une Assemblée démocratiquement élue sans approbation populaire : Une Assemblée élue spécifiquement pour rédiger la Constitution le fait sans la nécessité d'un référendum ultérieur. Exemple : la Constitution française de 1791, adoptée par l'Assemblée constituante.
  • Élaboration par une Assemblée démocratiquement élue suivie d’une approbation populaire directe : Dans ce modèle, le pouvoir constituant est doublement légitimé, d'abord par une Assemblée élue, puis par la validation directe du peuple (exemple : la Constitution de 1793 en France, ratifiée par référendum).

3. L’encadrement du pouvoir constituant originaire

La liberté et les limites du pouvoir constituant

Le pouvoir constituant originaire est, par définition, souverain et libre. Il peut choisir ses modalités de travail, la méthode d’élaboration, et les règles qu'il fixe pour la Constitution.

Cependant, il existe des exceptions et des encadrements à cette liberté :

  • Textes pré-constitutionnels : Ces textes sont adoptés avant l'élaboration de la Constitution proprement dite et ont pour but d'encadrer le pouvoir constituant. Exemple : la loi constitutionnelle du 2 novembre 1945, qui a limité le pouvoir constituant originaire avant l'adoption de la Constitution de 1946.
  • Limitation par des lois antérieures : Par exemple, la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 a limité le pouvoir constituant en encadrant les aspects procéduraux et de fond dans l'élaboration de la Constitution de 1958, rendant nécessaire une approbation populaire directe.

B. Le pouvoir constituant dérivé : la révision de la Constitution

Le pouvoir constituant dérivé concerne la révision de la Constitution après sa mise en place. Il suit une procédure différente de celle de l’élaboration initiale et peut être plus ou moins complexe selon le type de Constitution.

1. La distinction entre la Constitution rigide et souple

La différence réside dans la procédure requise pour modifier la Constitution :

  • Constitution rigide : La procédure de révision est plus complexe que pour adopter une loi ordinaire. Une Constitution rigide a une valeur supérieure à toutes les autres normes juridiques et protège la stabilité du cadre constitutionnel.
  • Constitution souple : La procédure de révision est équivalente à celle des lois ordinaires, ce qui permet une révision plus rapide et facile. Toutefois, cela comporte un risque de changements fréquents en fonction des fluctuations politiques.

Conséquences juridiques :

  • Dans une Constitution rigide, elle est supérieure aux autres lois, conférant une certaine stabilité.
  • Dans une Constitution souple, elle est sur le même niveau juridique que les autres lois, donc moins stable.

Jean-Louis Delolme résume cette distinction en affirmant : « Le Parlement peut tout faire, sauf changer un homme en femme », signifiant que le Parlement a la capacité de faire adopter toute règle, sauf celles qui relèvent de la Constitution.

2. L’exercice du pouvoir constituant dérivé

Le pouvoir constituant dérivé sert à réviser la Constitution. Bien qu'il soit de la même nature que le pouvoir constituant originaire (création de normes constitutionnelles), il existe des différences essentielles dans leur exercice :

  • Révision : Modifier, compléter ou abroger des dispositions de la Constitution existante. Le Conseil constitutionnel a confirmé que les deux pouvoirs (originaire et dérivé) sont souverains, mais le pouvoir originaire organise la procédure du pouvoir dérivé.

Modalités de révision

Il existe plusieurs façons de réviser une Constitution, en fonction des règles établies par le pouvoir constituant originaire :

  • Organe spécifique : Un organe particulier est désigné pour procéder à la révision de la Constitution.
  • Organe déjà existant : Une Assemblée déjà en place est chargée de la révision, suivant une procédure spéciale.
  • Intervention du peuple : Le peuple peut être consulté directement par référendum pour approuver ou non la révision.

Limites au pouvoir constituant dérivé

Le pouvoir constituant dérivé peut être limité par le pouvoir constituant originaire, notamment par des limites temporelles et matérielles :

  • Limites temporelles : Certaines Constitutions interdisent toute révision avant un certain délai (ex : Constitution de 1791 qui imposait une limite de 10 ans, bien que non respectée).
  • Limites matérielles : Certaines dispositions sont intangibles, comme l'interdiction de modifier la forme républicaine du gouvernement (en France depuis 1884).

Exemple : En Allemagne, les premiers articles de la Loi fondamentale (qui fonde la République fédérale) sont considérés comme immuables, représentant une limite matérielle à toute révision.

§3 : Une définition normative : la Constitution comme norme suprême

La Constitution en tant que norme suprême

La Constitution est généralement considérée comme la norme suprême dans l'ordre juridique d'un État. Elle fixe les conditions d'édiction des autres normes et leur confère validité au sein de cet ordre. En tant que norme fondamentale, elle établit une hiérarchie des normes, et toute autre norme doit être conforme à cette Constitution pour être valide. Cela inclut à la fois la procédure d’adoption des lois (ex : la loi adoptée par l’Assemblée nationale) et leur conformité au fond (ex : interdiction de la peine de mort).

La théorie de Kelsen et la hiérarchie des normes

La théorie de Kelsen définit la formation du droit par un système de normes hiérarchisées. Selon cette théorie, chaque norme est fondée sur une norme supérieure. La Constitution est la première norme, et elle est suprême, c’est-à-dire qu’elle habilite les autorités (Président, ministres) à créer des normes inférieures dans le cadre de cette hiérarchie. Bien que la Constitution ait toujours été proclamée comme la norme suprême, son effectivité n'a pas toujours été garantie.


A. L'affirmation de la suprématie de la Constitution

1. Aux États-Unis

La première affirmation claire de la suprématie de la Constitution provient des États-Unis. Cela est en partie dû à la structure fédérale des États-Unis, où la Constitution fédérale prime sur les lois des États fédérés. Le contrôle de constitutionnalité a été instauré dès 1803 par la Cour suprême, garantissant ainsi la primauté de la Constitution sur les législations des États. Ce contrôle a été conçu pour assurer l'unité de l'État fédéral.

2. En Europe

En Europe, bien que le concept de la Constitution comme norme suprême ait été accepté, il a fallu plus de temps pour instaurer des mécanismes permettant de vérifier la conformité des lois à la Constitution. Ce principe est désormais admis dans la majorité des États, avec les juridictions nationales jouant un rôle actif. En France, par exemple, le Conseil d'État (1998), la Cour de cassation (2000, arrêt Fraisse), et le Conseil constitutionnel (2004) ont affirmé la suprématie de la Constitution.

3. Le droit international et européen

Le droit international, lui, se considère comme supérieur à la Constitution nationale. Selon des arrêts comme Costa contre Enel (Cour de justice de l'Union européenne, 1964) et International Handelsgesellschaft, le droit européen prime sur les législations nationales, y compris sur les Constitutions. Cela implique que les États membres ne peuvent pas se prévaloir d'une "protection constitutionnelle" pour contourner les règles européennes.


B. La garantie de la suprématie constitutionnelle : le contrôle de constitutionnalité

En France, l'instauration du contrôle de constitutionnalité a tardé par rapport aux États-Unis. Bien que le principe de la suprématie de la Constitution soit admis, il ne fut pleinement appliqué qu'après 1958. Le Président de la République en France est considéré comme le gardien de la Constitution, mais un contrôle plus systématique a été nécessaire.

1. L’objectif du contrôle de constitutionnalité

Le contrôle de constitutionnalité vise à empêcher que des lois contraires à la Constitution soient adoptées ou restent en vigueur. Ce contrôle doit être confié à une autorité indépendante, souvent un juge, pour garantir son objectivité et son impartialité. Le juge constitutionnel n'est pas sous l'influence du pouvoir politique, ce qui permet d'éviter toute pression politique.

Le contrôle de constitutionnalité s'est développé d'abord aux États-Unis, où la Cour suprême a affirmé sa compétence pour examiner les lois fédérales et étatiques. Cette compétence est liée à la nécessité de maintenir l'unité de l'État fédéral.

En Europe, et notamment en France, le contrôle constitutionnel a été formalisé après 1958. Il comporte deux objectifs principaux :

  • Juridique : Vérifier la conformité des lois avec la Constitution.
  • Idéologique : Protéger les libertés et assurer le respect de l'État de droit, dans lequel les autorités de l'État doivent respecter le cadre juridique.

2. Les critiques du contrôle juridictionnel

Une critique majeure du contrôle de constitutionnalité est le "gouvernement des juges", où certains estiment que les juges peuvent imposer leurs propres convictions politiques plutôt que de se limiter à une interprétation du droit. Un exemple cité est celui de la loi Veil (légalisant l’avortement), qui a été soumise au contrôle constitutionnel, malgré l'opposition personnelle de certains juges, comme François Goguel, rédacteur du rapport, mais qui a validé la loi.

Aux États-Unis, de 1880 à 1935, la Cour suprême a parfois été perçue comme exerçant un gouvernement des juges en raison de ses décisions qui ne prenaient pas uniquement en compte des principes juridiques mais aussi des considérations politiques. Cependant, des figures comme Robert Badinter ont soutenu que "mieux vaut un gouvernement des juges que sans juges", soulignant l'importance de garantir la primauté du droit.

3. L'argument démocratique

Certains remettent en question la légitimité du juge constitutionnel, qui n'est pas élu par le peuple mais a le pouvoir de déterminer la conformité des lois à la Constitution. Ce pouvoir se heurte à l'argument selon lequel le Parlement, élu par le peuple, devrait être celui qui valide la légalité des lois.

En réponse, la décision n°85-197 DC (France) affirme que la loi n'exprime la volonté générale que si elle respecte la Constitution. Autrement dit, la loi n'est conforme à la volonté générale que dans la mesure où elle respecte le cadre constitutionnel, et non seulement parce qu'elle est votée par des représentants élus.

Enfin, la possibilité de soumettre une loi à un référendum permet d'éviter le contrôle de constitutionnalité, car une loi validée par le peuple ne peut plus être contestée sur la base de son absence de conformité à la Constitution. Cela renforce l'idée que la volonté générale du peuple prime sur les décisions des juges.


Droit constitutionnel

Section 2 : La notion de Constitution

Définition de la Constitution

Le terme « Constitution » peut être défini de trois manières :

  1. Définition matérielle : La Constitution comprend les règles fondamentales qui organisent l’autorité politique et limitent son exercice. Elle inclut des règles sur le fonctionnement de l'État et sur les droits des citoyens, même si elle n'est pas toujours un document écrit.
  2. Définition formelle : La Constitution se réfère à un texte spécifique et solennel qui est modifiable de manière bien plus difficile qu’une loi ordinaire. Elle représente l’ensemble des règles écrites qui définissent l’organisation et les limites du pouvoir.
  3. Définition normative : La Constitution est la norme suprême dans l’ordre juridique, ayant la plus haute autorité par rapport aux autres normes. C’est cette suprématie qui garantit l’ordre juridique global.

Une Constitution peut être comprise en considérant ces trois dimensions : matérielle, formelle et normative.


§1 : Une définition matérielle – La Constitution comme règle de limitation des pouvoirs

La Constitution impose des règles qui encadrent le fonctionnement et l'organisation du pouvoir politique et visent à protéger les droits des citoyens. Elle comprend deux catégories de règles :

  1. Règles sur l’organisation du pouvoir : Définition des rôles des institutions (par exemple, le gouvernement et les différents organes de l'État), répartition des pouvoirs, procédures, et règles électorales.
  2. Règles sur la garantie des droits : Limitation du pouvoir en faveur de la protection des libertés individuelles.

Objectif principal : Limiter le pouvoir pour garantir les droits des citoyens.

A. La séparation des pouvoirs

La séparation des pouvoirs est un mécanisme essentiel pour limiter le pouvoir de l'État et protéger la liberté politique. Elle est justifiée historiquement pour contrer le despotisme et garantir une gouvernance équilibrée.

1. Théorie de la séparation des pouvoirs selon John Locke

  • Locke vise à préserver la liberté et l'égalité des citoyens en reconnaissant la nécessité de plusieurs pouvoirs indépendants pour éviter les abus.
  • Trois pouvoirs distincts :
  • Législatif : Élabore les lois.
  • Exécutif : Applique les lois.
  • Fédératif : Concerne les relations extérieures (paix, guerre, traités).
  • Objectif : Séparer le législatif de l'exécutif pour éviter des lois particulières favorisant le pouvoir en place. Une fois les membres de l'assemblée législative dispersés, ils redeviennent des citoyens égaux aux autres, soumis aux lois votées.

2. Théorie de la séparation des pouvoirs selon Montesquieu

Montesquieu, influencé par le système britannique, distingue deux notions fondamentales : la liberté naturelle et la liberté politique.

  • Liberté naturelle : Liberté de faire ce qu’on veut, source potentielle d’insécurité. Montesquieu la rejette.
  • Liberté politique : Soumission à une loi souveraine, publique, et connue, qui protège les libertés fondamentales.

Garanties de la liberté politique selon Montesquieu :

  • Existence d'une Constitution qui impose le respect de la loi aux gouvernants comme aux gouvernés.
  • Séparation des pouvoirs comme rempart contre l'abus de pouvoir.

Division des pouvoirs selon Montesquieu :

  • Législatif : Élabore et contrôle les lois.
  • Exécutif (similaire au fédératif chez Locke) : Applique les lois.
  • Judiciaire : Pouvoir neutre, sans pouvoir décisionnel au-delà de la simple application de la loi.
  • Conclusion : La confusion des pouvoirs conduit à la perte de la liberté.

3. Théorie de la séparation verticale des pouvoirs

Au-delà de la séparation horizontale des pouvoirs (entre les branches de l'État), certains auteurs suggèrent une séparation verticale :

  • Exemple des États-Unis : Hamilton promeut l'idée d’un État fédéral (gouvernement national) en interaction avec des États fédérés (entités locales), pour éviter la centralisation excessive.
  • Tocqueville : Il souligne l'importance des collectivités locales comme contre-pouvoirs pour préserver la liberté des citoyens face à un pouvoir central fort.

But de la séparation verticale : Fragmenter le pouvoir pour empêcher qu’il soit concentré entre les mains d’une seule autorité, ce qui favorise la démocratie et limite les abus.

B. La garantie des droits et des libertés

1. La Constitution comme protectrice des droits fondamentaux

La Constitution vise également à protéger les droits et les libertés des individus. En France, par exemple, la Constitution intègre la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC), un texte emblématique qui pose des principes fondamentaux de dignité, de liberté, et d'égalité.

  • Portée symbolique et juridique : Les droits proclamés dans ces textes ont un rôle symbolique fort, mais aujourd'hui, ils ont aussi une valeur juridique, les rendant opposables et justiciables.

2. Les trois générations de droits constitutionnels

Les droits et libertés reconnus dans la Constitution évoluent selon trois grandes générations de droits, chacune visant à répondre à des besoins particuliers de protection et de garantie.

  • Droits de première génération : Ils visent à protéger les individus contre les abus de pouvoir de l’État. Ces droits incluent des libertés individuelles telles que la liberté de pensée et d’expression, et sont fondés sur le principe de non-intervention de l'État.
  • Droits de deuxième génération : Ce sont les droits sociaux ou de créance, qui imposent à l'État d'agir pour garantir aux citoyens des droits tels que le droit au travail, à la santé, et à l'éducation.
  • Droits de troisième génération : Ils concernent les droits liés à l'environnement et à la protection des ressources naturelles. En France, la Charte de l’environnement de 2004, qui a obtenu une valeur constitutionnelle en 2005, incarne cette génération de droits.

3. Droits procéduraux

Les droits procéduraux garantissent l'effectivité des autres droits par l'instauration de mécanismes comme le droit à un procès équitable. Ils permettent de s'assurer que les droits proclamés dans la Constitution peuvent être effectivement protégés et appliqués.


§2 : Une définition formelle – La Constitution comme expression du pouvoir constituant

La Constitution se définit également par sa forme et son origine. Elle incarne la volonté souveraine de l’État à travers un acte juridique suprême, produit du pouvoir constituant.

A. Le pouvoir constituant originaire et dérivé

La Constitution se distingue par l'auteur qui la crée, le pouvoir constituant, lequel reflète la souveraineté d'un État qui peut décider de sa propre organisation politique.

  • Pouvoir constituant originaire : Il intervient lors de la création d’une nouvelle Constitution, soit à la fondation d'un nouvel État, soit pour adopter un régime politique différent (exemple : la fondation des États-Unis en 1787 et le passage de la France à la République en 1848).
  • Pouvoir constituant dérivé : Ce pouvoir concerne la modification ou révision de la Constitution existante. Il est limité par les procédures et les règles prévues par la Constitution elle-même.

B. Les différentes formes de Constitution

La Constitution peut être écrite ou coutumière, et la distinction entre ces deux formes repose sur leur origine et leur contenu.

1. Constitution écrite

  • Définition : La Constitution écrite regroupe toutes les règles constitutionnelles dans un ou plusieurs textes formels, comme la Constitution française de 1958. Ce document est solennel et doit être adopté selon des procédures spécifiques.
  • Avantages : Une Constitution écrite assure la stabilité et la sécurité juridique en précisant les modalités d'exercice du pouvoir. Elle permet aussi au peuple de vérifier si les gouvernants respectent les règles établies.

2. Constitution coutumière

  • Définition : Elle repose sur des pratiques répétées et non écrites, qui finissent par être reconnues comme des règles constitutionnelles. Ces pratiques constituent la base de l'organisation des pouvoirs publics et de la séparation des pouvoirs (exemple : la Constitution non écrite du Royaume-Uni).
  • Caractéristiques : La Constitution coutumière est flexible et évolutive, mais elle peut manquer de précision et de légitimité démocratique, car elle ne résulte pas d'un acte formel approuvé par le peuple.

C. La relativisation de la distinction entre Constitution écrite et coutumière

Aucune Constitution n’est exclusivement écrite ou coutumière. En effet, même les Constitutions écrites incluent des pratiques coutumières pour pallier des ambiguïtés ou des lacunes.

  • Exemple de la Grande-Bretagne : Bien que la Constitution britannique repose principalement sur des coutumes, elle inclut certains textes écrits tels que la Magna Carta (1215) et le Bill of Rights (1689).
  • Exemple de la France : Certaines pratiques non écrites complètent la Constitution de 1958, comme la coutume de la démission du gouvernement en cas de perte de majorité.

D. Les types de coutumes constitutionnelles

Il existe trois types de coutumes constitutionnelles qui complètent ou précisent les règles écrites :

  1. Coutumes interprétatives : Elles clarifient les textes constitutionnels lorsque ceux-ci sont ambigus.
  2. Coutumes supplétives : Elles comblent les lacunes de la Constitution écrite, en fournissant des solutions aux situations non couvertes par les textes.
  3. Coutumes contralegem : Elles contredisent parfois le texte écrit. Elles peuvent être tolérées si elles répondent aux besoins pratiques des institutions.


2. Le titulaire du pouvoir constituant originaire

Le pouvoir constituant originaire est celui qui crée la Constitution et fonde l'ordre constitutionnel d'un État. Il peut être exercé par différents processus d'élaboration qui varient selon le contexte politique.

a) Les procédés autoritaires d’élaboration

Il existe deux types de procédés autoritaires pour l'établissement d'une Constitution :

  • Les procédés octroyés : Le pouvoir constituant est exercé par un monarque qui, de son propre chef, octroie une Constitution au peuple. Cela signifie que la Constitution est imposée, sans consultation ou participation populaire (exemple : Louis XVIII, qui a octroyé une Charte en 1814).
  • Les procédés semi-autoritaires : Dans ce cas, le monarque engage une négociation avec des représentants ou des Assemblées (pacte politique), aboutissant à un compromis ou une charte adoptée par les deux parties (exemple : certains régimes constitutionnels européens du XIXe siècle).

b) Les procédés démocratiques d’établissement d’une Constitution

Les procédés démocratiques impliquent une participation active du peuple et des organes démocratiquement élus :

  • Élaboration par un organe non élu suivie d’une approbation populaire directe : Un comité ou une commission rédige la Constitution et soumet le texte à l’approbation du peuple, généralement par référendum. Le danger réside dans le risque de dérive plébiscitaire, où le peuple peut approuver par simple adhésion à l'autorité de ceux qui rédigent le texte.
  • Élaboration par une Assemblée démocratiquement élue sans approbation populaire : Une Assemblée élue spécifiquement pour rédiger la Constitution le fait sans la nécessité d'un référendum ultérieur. Exemple : la Constitution française de 1791, adoptée par l'Assemblée constituante.
  • Élaboration par une Assemblée démocratiquement élue suivie d’une approbation populaire directe : Dans ce modèle, le pouvoir constituant est doublement légitimé, d'abord par une Assemblée élue, puis par la validation directe du peuple (exemple : la Constitution de 1793 en France, ratifiée par référendum).

3. L’encadrement du pouvoir constituant originaire

La liberté et les limites du pouvoir constituant

Le pouvoir constituant originaire est, par définition, souverain et libre. Il peut choisir ses modalités de travail, la méthode d’élaboration, et les règles qu'il fixe pour la Constitution.

Cependant, il existe des exceptions et des encadrements à cette liberté :

  • Textes pré-constitutionnels : Ces textes sont adoptés avant l'élaboration de la Constitution proprement dite et ont pour but d'encadrer le pouvoir constituant. Exemple : la loi constitutionnelle du 2 novembre 1945, qui a limité le pouvoir constituant originaire avant l'adoption de la Constitution de 1946.
  • Limitation par des lois antérieures : Par exemple, la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 a limité le pouvoir constituant en encadrant les aspects procéduraux et de fond dans l'élaboration de la Constitution de 1958, rendant nécessaire une approbation populaire directe.

B. Le pouvoir constituant dérivé : la révision de la Constitution

Le pouvoir constituant dérivé concerne la révision de la Constitution après sa mise en place. Il suit une procédure différente de celle de l’élaboration initiale et peut être plus ou moins complexe selon le type de Constitution.

1. La distinction entre la Constitution rigide et souple

La différence réside dans la procédure requise pour modifier la Constitution :

  • Constitution rigide : La procédure de révision est plus complexe que pour adopter une loi ordinaire. Une Constitution rigide a une valeur supérieure à toutes les autres normes juridiques et protège la stabilité du cadre constitutionnel.
  • Constitution souple : La procédure de révision est équivalente à celle des lois ordinaires, ce qui permet une révision plus rapide et facile. Toutefois, cela comporte un risque de changements fréquents en fonction des fluctuations politiques.

Conséquences juridiques :

  • Dans une Constitution rigide, elle est supérieure aux autres lois, conférant une certaine stabilité.
  • Dans une Constitution souple, elle est sur le même niveau juridique que les autres lois, donc moins stable.

Jean-Louis Delolme résume cette distinction en affirmant : « Le Parlement peut tout faire, sauf changer un homme en femme », signifiant que le Parlement a la capacité de faire adopter toute règle, sauf celles qui relèvent de la Constitution.

2. L’exercice du pouvoir constituant dérivé

Le pouvoir constituant dérivé sert à réviser la Constitution. Bien qu'il soit de la même nature que le pouvoir constituant originaire (création de normes constitutionnelles), il existe des différences essentielles dans leur exercice :

  • Révision : Modifier, compléter ou abroger des dispositions de la Constitution existante. Le Conseil constitutionnel a confirmé que les deux pouvoirs (originaire et dérivé) sont souverains, mais le pouvoir originaire organise la procédure du pouvoir dérivé.

Modalités de révision

Il existe plusieurs façons de réviser une Constitution, en fonction des règles établies par le pouvoir constituant originaire :

  • Organe spécifique : Un organe particulier est désigné pour procéder à la révision de la Constitution.
  • Organe déjà existant : Une Assemblée déjà en place est chargée de la révision, suivant une procédure spéciale.
  • Intervention du peuple : Le peuple peut être consulté directement par référendum pour approuver ou non la révision.

Limites au pouvoir constituant dérivé

Le pouvoir constituant dérivé peut être limité par le pouvoir constituant originaire, notamment par des limites temporelles et matérielles :

  • Limites temporelles : Certaines Constitutions interdisent toute révision avant un certain délai (ex : Constitution de 1791 qui imposait une limite de 10 ans, bien que non respectée).
  • Limites matérielles : Certaines dispositions sont intangibles, comme l'interdiction de modifier la forme républicaine du gouvernement (en France depuis 1884).

Exemple : En Allemagne, les premiers articles de la Loi fondamentale (qui fonde la République fédérale) sont considérés comme immuables, représentant une limite matérielle à toute révision.

§3 : Une définition normative : la Constitution comme norme suprême

La Constitution en tant que norme suprême

La Constitution est généralement considérée comme la norme suprême dans l'ordre juridique d'un État. Elle fixe les conditions d'édiction des autres normes et leur confère validité au sein de cet ordre. En tant que norme fondamentale, elle établit une hiérarchie des normes, et toute autre norme doit être conforme à cette Constitution pour être valide. Cela inclut à la fois la procédure d’adoption des lois (ex : la loi adoptée par l’Assemblée nationale) et leur conformité au fond (ex : interdiction de la peine de mort).

La théorie de Kelsen et la hiérarchie des normes

La théorie de Kelsen définit la formation du droit par un système de normes hiérarchisées. Selon cette théorie, chaque norme est fondée sur une norme supérieure. La Constitution est la première norme, et elle est suprême, c’est-à-dire qu’elle habilite les autorités (Président, ministres) à créer des normes inférieures dans le cadre de cette hiérarchie. Bien que la Constitution ait toujours été proclamée comme la norme suprême, son effectivité n'a pas toujours été garantie.


A. L'affirmation de la suprématie de la Constitution

1. Aux États-Unis

La première affirmation claire de la suprématie de la Constitution provient des États-Unis. Cela est en partie dû à la structure fédérale des États-Unis, où la Constitution fédérale prime sur les lois des États fédérés. Le contrôle de constitutionnalité a été instauré dès 1803 par la Cour suprême, garantissant ainsi la primauté de la Constitution sur les législations des États. Ce contrôle a été conçu pour assurer l'unité de l'État fédéral.

2. En Europe

En Europe, bien que le concept de la Constitution comme norme suprême ait été accepté, il a fallu plus de temps pour instaurer des mécanismes permettant de vérifier la conformité des lois à la Constitution. Ce principe est désormais admis dans la majorité des États, avec les juridictions nationales jouant un rôle actif. En France, par exemple, le Conseil d'État (1998), la Cour de cassation (2000, arrêt Fraisse), et le Conseil constitutionnel (2004) ont affirmé la suprématie de la Constitution.

3. Le droit international et européen

Le droit international, lui, se considère comme supérieur à la Constitution nationale. Selon des arrêts comme Costa contre Enel (Cour de justice de l'Union européenne, 1964) et International Handelsgesellschaft, le droit européen prime sur les législations nationales, y compris sur les Constitutions. Cela implique que les États membres ne peuvent pas se prévaloir d'une "protection constitutionnelle" pour contourner les règles européennes.


B. La garantie de la suprématie constitutionnelle : le contrôle de constitutionnalité

En France, l'instauration du contrôle de constitutionnalité a tardé par rapport aux États-Unis. Bien que le principe de la suprématie de la Constitution soit admis, il ne fut pleinement appliqué qu'après 1958. Le Président de la République en France est considéré comme le gardien de la Constitution, mais un contrôle plus systématique a été nécessaire.

1. L’objectif du contrôle de constitutionnalité

Le contrôle de constitutionnalité vise à empêcher que des lois contraires à la Constitution soient adoptées ou restent en vigueur. Ce contrôle doit être confié à une autorité indépendante, souvent un juge, pour garantir son objectivité et son impartialité. Le juge constitutionnel n'est pas sous l'influence du pouvoir politique, ce qui permet d'éviter toute pression politique.

Le contrôle de constitutionnalité s'est développé d'abord aux États-Unis, où la Cour suprême a affirmé sa compétence pour examiner les lois fédérales et étatiques. Cette compétence est liée à la nécessité de maintenir l'unité de l'État fédéral.

En Europe, et notamment en France, le contrôle constitutionnel a été formalisé après 1958. Il comporte deux objectifs principaux :

  • Juridique : Vérifier la conformité des lois avec la Constitution.
  • Idéologique : Protéger les libertés et assurer le respect de l'État de droit, dans lequel les autorités de l'État doivent respecter le cadre juridique.

2. Les critiques du contrôle juridictionnel

Une critique majeure du contrôle de constitutionnalité est le "gouvernement des juges", où certains estiment que les juges peuvent imposer leurs propres convictions politiques plutôt que de se limiter à une interprétation du droit. Un exemple cité est celui de la loi Veil (légalisant l’avortement), qui a été soumise au contrôle constitutionnel, malgré l'opposition personnelle de certains juges, comme François Goguel, rédacteur du rapport, mais qui a validé la loi.

Aux États-Unis, de 1880 à 1935, la Cour suprême a parfois été perçue comme exerçant un gouvernement des juges en raison de ses décisions qui ne prenaient pas uniquement en compte des principes juridiques mais aussi des considérations politiques. Cependant, des figures comme Robert Badinter ont soutenu que "mieux vaut un gouvernement des juges que sans juges", soulignant l'importance de garantir la primauté du droit.

3. L'argument démocratique

Certains remettent en question la légitimité du juge constitutionnel, qui n'est pas élu par le peuple mais a le pouvoir de déterminer la conformité des lois à la Constitution. Ce pouvoir se heurte à l'argument selon lequel le Parlement, élu par le peuple, devrait être celui qui valide la légalité des lois.

En réponse, la décision n°85-197 DC (France) affirme que la loi n'exprime la volonté générale que si elle respecte la Constitution. Autrement dit, la loi n'est conforme à la volonté générale que dans la mesure où elle respecte le cadre constitutionnel, et non seulement parce qu'elle est votée par des représentants élus.

Enfin, la possibilité de soumettre une loi à un référendum permet d'éviter le contrôle de constitutionnalité, car une loi validée par le peuple ne peut plus être contestée sur la base de son absence de conformité à la Constitution. Cela renforce l'idée que la volonté générale du peuple prime sur les décisions des juges.

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