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Post-Bac
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Droit constitutionnel

Droit interne

Droit constitutionnel

Chapitre II : Les modalités d’adoption et de révision des constitutions

Seront examinées successivement l'adoption et la révision des constitutions.

Section I : L'adoption des constitutions

C'est le pouvoir constituant originaire (§1) qui adopte la constitution en recourant à diverses techniques (§2).

§1. Le pouvoir constituant originaire (P.C.O.)

Le pouvoir constituant originaire est le pouvoir d’adopter la constitution. Son titulaire doit fixer le statut de l'Etat en instituant des organes - appelés " pouvoirs constitués" et en répartissant les compétences étatiques entre ces organes.

Ce pouvoir a deux caractéristiques :

- comme son nom l'indique, il est en premier lieu originaire, initial, ce qui signifie qu'il ne dérive d'aucun autre pouvoir ;

- en second lieu, ce pouvoir est sans limites, inconditionné, il n'est tenu de respecter aucune règle de droit positif.

Ce pouvoir ne trouve à s'exercer que dans certaines circonstances qui sont toujours des situations de vide juridique. En effet, seule l'existence d'un tel vide permet d'expliquer qu'un pouvoir sans limites puisse s'exercer temporairement.

Quelles sont ces circonstances ?

- D'abord l'apparition d'un nouvel Etat. Il peut s’agir soit d’un Etat qui s'est détaché d'un Etat antérieur (tel a été le cas des pays colonisés lors de leur accession à l'indépendance ou des nouvelles Républiques issues de l’ex-URSS), soit d’un Etat qui s'est constitué par agrégation d'Etats antérieurement indépendants (les Etats-Unis d'Amérique en 1787).

- Seconde hypothèse : lorsque, dans un Etat donné, l'ordre juridique antérieur a été balayé : toutes les contraintes juridiques, c'est-à-dire toutes les règles juridiques qui venaient encadrer et limiter l'exercice du pouvoir, ont donc disparu. C'est l'hypothèse de la révolution, du coup d'Etat ou parfois de la guerre qui entraîne l'effondrement du régime politique antérieur et la mise entre parenthèse de la légalité au profit d'un pouvoir de fait (= d’un gouvernement de fait).

Il faut bien comprendre que dans tous les cas où s'exerce le pouvoir constituant originaire, il y a une situation de pur fait, une éclipse de la légalité, puisque la légalité ancienne est morte, a disparu et que la légalité nouvelle, future n'est pas encore née. En d'autres termes, le pouvoir constituant originaire est un pouvoir de pur fait, un pouvoir qui échappe au droit.

Ex : dans les colonies ayant accédé à l’indépendance, le droit de l’ancien colonisateur n’était plus applicable - la légalité ancienne n’existait plus. Il appartenait alors aux leaders de l’indépendance formant le nouveau pouvoir - de fait

- d’élaborer une constitution qui devait permettre de fonder une légalité nouvelle.

Le pouvoir d’élaborer une constitution nouvelle s’exerce non seulement en dehors de tout

fondement juridique mais même, le plus souvent, en totale rupture avec l’ordre juridique ancien. Ceci apparaît nettement dans un autre exemple qui est celui de la Révolution française : l’ordre juridique de l’Ancien Régime, qui était une monarchie absolue, a été balayé par la Révolution. Ce sont les Etats généraux, qui se

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 sont autoproclamés Assemblée nationale (17 juin 1789), puis Assemblée constituante (9 juillet 1789), qui ont exercé le PCO en élaborant la première constitution écrite française, celle de 1791, qui sera fondée sur la séparation des pouvoirs.

Je l’ai dit, un tel pouvoir n'est pas fondé sur le droit. Sur quoi est-il alors fondé ? sur la force. Cette force, ce pouvoir la tire au mieux de sa légitimité, donc du fait qu’il est accepté par la population, au pire de la violence dont il use à son égard.

En d’autres termes, c’est un pouvoir dont le droit doit constater l'existence. En effet, il permet de comprendre ce que l’on appelle la " dynamique constitutionnelle", c’est-à-dire le fait que des changements de régimes accompagnés de changements de constitutions puissent s’opérer dans la rupture et non pas dans la continuité (continuité qui se traduit par la révision de la constitution en

vigueur). Toutefois, c'est un pouvoir que le droit ne peut pas expliquer.

Ex : un Etat dans lequel s’applique une constitution. A lieu un coup d’Etat. Ses auteurs décident d’élaborer une

nouvelle constitution sans respecter la procédure prévue pour la modification de celle qui était en vigueur. Il y a donc bien rupture constitutionnelle – on va passer d’une constitution à l’autre. Et seule la violence, et non le droit, peut

l’expliquer.

§2. Les techniques d'adoption des constitutions

Qui détient le pouvoir constituant originaire, donc le pouvoir d’adopter une constitution, dans un Etat qui se trouve dans l'une des hypothèses que nous venons de décrire ? Ce sont les détenteurs effectifs du pouvoir politique, c. à. d. ceux qui monopolisent la force dans l’Etat, bref ceux qui forment le gouvernement de fait. Mais la façon dont ils décideront d'exercer ce pouvoir dépendra essentiellement de l'idée qu'ils se font du titulaire du pouvoir suprême, c. à. d. de celui que l'on appelle le souverain dans l’Etat.

1. Première hypothèse : ils estiment que le souverain, c’est eux. Dans ce cas, ils exerceront eux- mêmes ce pouvoir et la technique d'élaboration de la constitution sera dite autoritaire. La constitution sera octroyée au peuple qui ne participe pas à son élaboration. Ce mode d’établissement est celui choisi par toutes les dictatures, passées ou actuelles.

2. Seconde hypothèse : les détenteurs du pouvoir politique estiment que le souverain, c'est le peuple. Afin de respecter les exigences démocratiques, ils confieront l'exercice de ce pouvoir au peuple et la technique d'élaboration de la constitution sera en conséquence démocratique.

Cette participation peut se faire sous diverses formes :

- 1ère forme : l'assemblée constituante souveraine : le peuple est invité par le gouvernement provisoire à élire une telle assemblée qui est chargée de rédiger et d'adopter définitivement la constitution. Ce procédé a été choisi à plusieurs reprises en France, en particulier pour élaborer la Constitution de la IIIème République : c’est en effet l'Assemblée nationale élue en 1871 - donc après l’effondrement du second Empire - qui élabora et adopta les lois constitutionnelles de 1875 qui composent cette Constitution.

Le procédé de l'Assemblée constituante souveraine est très démocratique dans le sens où il permet une large discussion des dispositions constitutionnelles au sein de l’assemblée. Pourtant, depuis le XXème siècle, c'est un second système qui est souvent préféré à celui-ci.

- 2ème forme : l'assemblée constituante non souveraine : le peuple élit une assemblée constituante chargée d'élaborer une constitution mais cette constitution ne sera définitivement adoptée que si le peuple l'approuve par le biais d'un référendum. C'est là le procédé le plus démocratique d'élaboration des constitutions : l’assemblée n'est plus souveraine puisqu'elle partage le pouvoir constituant avec le peuple.

L’inconvénient de cette procédure d'élaboration de la constitution est sans conteste sa lourdeur mais le recours au référendum est une garantie très importante car la discussion au sein de

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 l'assemblée est ensuite prolongée par une discussion dans tout le pays, relayée par les partis politiques. Ce procédé, qui combine assemblée constituante et recours au référendum, est donc le plus conforme aux exigences de la démocratie. Ce procédé a été utilisé en France pour l'élaboration de la Constitution de la IVème République. Le peuple a d'ailleurs rejeté le premier projet datant du 19 avril 1946 élaboré par l'assemblée constituante élue en octobre 1945. Une seconde Assemblée a alors été élue et le projet élaboré par elle a été approuvé par référendum et est devenu la Constitution du 27 octobre 1946.

- La 3ème forme, qui est à certains égards moins démocratique, donc plus autoritaire, résulte de la collaboration d'une personnalité politique et du peuple. Dans un tel cas, le texte constitutionnel est le plus souvent élaboré par la personnalité politique dominante dans l’Etat - il s'agit le plus souvent du chef du gouvernement de fait - pour être soumis ensuite au peuple par référendum. Ce procédé est moins démocratique que les précédents, parce qu’aucune assemblée représentant le peuple ne dispose du pouvoir de discuter et éventuellement de modifier le texte. L’unique pouvoir qui appartient au peuple est de dire oui ou non à un texte sans possibilité intermédiaire, donc le plus souvent oui ou non à la personnalité qui lui soumet le texte, personnalité déjà politiquement dominante et dont la constitution risque fort de servir les intérêts. On appelle ces référendums des plébiscites (distinction étudiée dans la suite du cours). Ils permettent souvent l'instauration de régimes qui n’ont qu’une apparence démocratique et sont en réalité autoritaires.

Sous réserve de certaines nuances qui seront étudiées au début du cours de droit constitutionnel du S2, un tel procédé a également été utilisé par le général de Gaulle en 1958 pour l'adoption de la Constitution de la Vème République : c'est le projet élaboré par le gouvernement du général de Gaulle, donc sous sa direction, qui a été soumis au peuple par référendum.

Section II : La révision des constitutions

Une constitution pourrait-elle rester en vigueur pour l'éternité ? La réponse à cette question est négative.

Première raison : l'oeuvre des hommes n'est jamais parfaite.

Deuxième raison : même si une constitution devait être à l'origine proche de la perfection, les sociétés qui sont régies par ces constitutions évoluent et cette évolution risque fort de rendre la constitution imparfaite.

La conclusion qu'il faut tirer de ce double constat est la suivante : les constituants originaires doivent se donner les moyens de remédier à ces imperfections en insérant dans le corps même de la constitution une disposition qui prévoit une procédure de révision de la constitution.

§1. Le pouvoir constituant dérivé ou institué (P.C.D ou P.C.I)

Le pouvoir mis en oeuvre lors d'une révision de la constitution et l'autorité à laquelle appartient ce pouvoir sont appelés "pouvoir constituant dérivé" ou "pouvoir constituant institué". Je vous rappelle que le pouvoir constituant originaire détenait le pouvoir inconditionné et originaire d'adopter la constitution. Il n’en va pas de même du pouvoir constituant dérivé qui, comme son nom l’indique, dérive de la constitution, est institué par cette constitution. Il doit donc s'exercer dans le cadre posé par cette constitution. A la différence du PCO, il est donc à la fois second et conditionné, ce qui signifie qu'il n'est pas libre, il n'est pas souverain mais doit respecter les conditions posées par la constitution.

Seront étudiées successivement la distinction des constitutions souples et des constitutions rigides, qui prend en compte la plus ou moins grande difficulté de la procédure de révision, et les

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 limites de fond - c'est-à-dire de contenu - qui peuvent également s'imposer à l'exercice de ce pouvoir.

A. La distinction des constitutions souples et des constitutions rigides

La différence entre les constitutions souples et rigides est une différence qui concerne la procédure de révision qu'elles prévoient, qui peut en effet être plus ou moins facile à mettre en oeuvre.

- Une constitution est dite rigide lorsque la procédure qu'elle prévoit pour sa révision est une procédure particulière qui est plus contraignante ou plus solennelle que la procédure prévue pour l'adoption des lois ordinaires. Ces contraintes sont de diverses natures. Il peut s'agir d'un délai particulier de réflexion à observer avant l’adoption du texte, de la réunion des chambres en une assemblée unique, d'une majorité renforcée à observer (2/3 ou 3/5 des voix par exemple et non la majorité simple - la moitié des voix plus une - suffisante uniquement pour les lois ordinaires), d'une double intervention du Parlement et du peuple ou encore d'une double intervention du Parlement fédéral et des Etats fédérés lorsqu'on est en présence d'un Etat fédéral (v. suite du cours sur ce dernier point)

Quel est l’intérêt de mettre en place une telle procédure spéciale ? il s’agit de garantir le caractère durable de la constitution en tenant compte du caractère de gravité que comporte toujours la révision d'un tel acte. Il faut donc éviter que les pouvoirs auxquels la constitution a pour fonction de s'imposer puissent la modifier facilement. C’est pourquoi les constitutions des Etats fédéraux sont toujours des constitutions rigides afin de préserver les droits des Etats fédérés. De plus, les constituants qui souhaitent conférer des droits fondamentaux aux personnes et qui se méfient du Parlement adoptent également des constitutions rigides. Signalons que l’actuelle Constitution française est une constitution rigide dont la procédure de révision est organisée à l’article 89.

- Une constitution est dite souple lorsque sa révision n'est soumise à aucune procédure contraignante. Soit la procédure de révision est identique à la procédure législative ordinaire, soit elle s'en distingue mais reste très facile à mettre en oeuvre. Les constitutions coutumières sont le plus souvent des constitutions souples. Tel est le cas, du moins en théorie, de la Constitution du Royaume-Uni qui peut être modifiée par un acte législatif du Parlement. Mais, en pratique, il faut voir que de telles révisions sont assez rares car l'attachement du peuple à la tradition confère une certaine rigidité (de fait) aux constitutions coutumières. Il existe également des exemples de constitutions écrites souples, comme la Constitution de l'Etat d'Israël ou celle de la Chine.

L’inconvénient principal des constitutions souples est que la supériorité théorique de la constitution sur la loi ordinaire n'a aucune conséquence pratique. En effet, le Parlement peut modifier à sa guise la constitution en adoptant une loi ordinaire. Ce système peut donc être dangereux, en particulier si la constitution protège les libertés des personnes et si le parlement entend les écarter. Sur le plan juridique, la protection accordée aux droits des personnes est donc moindre dans un tel Etat que dans ceux qui ont une constitution rigide.

B. Les limites à l'exercice du pouvoir constituant dérivé

On vient de voir que la constitution peut imposer au pouvoir constituant dérivé le respect d'une procédure particulière. Mais la constitution peut également prévoir d'autres limitations, de temps ou/et de fond, à l'exercice du pouvoir de révision.

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 - Les limitations de temps ont pour objet d'interdire toute révision de la constitution durant certaines périodes. Dans certaines circonstances, la légitimité d'une révision qui serait opérée est en effet a priori douteuse. Ainsi, l'article 89 de la Constitution française interdit d'engager ou de poursuivre une procédure de révision lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire, c'est-à-dire en cas d'invasion ou d'occupation du territoire par des troupes étrangères. La liberté de l'acte de révision est en effet ici douteuse.

- Les limitations de fond ont pour objet d'interdire que certaines dispositions de la constitution soient révisées. Ainsi, le même article 89 de la Constitution française actuelle interdit de modifier la forme républicaine du gouvernement. Rappelons que la République est le régime politique fondé sur l’élection. Elle s’oppose à la monarchie qui est fondée sur la transmission héréditaire du pouvoir.

§2. Les techniques de révision des constitutions rigides

La révision peut être soit partielle, soit totale. A. La révision partielle des constitutions

La révision est dite partielle lorsqu'elle ne concerne que certaines dispositions - et non l'ensemble - de la constitution. Lorsque la constitution est rigide, la procédure de révision comporte le plus souvent trois phases distinctes qui font intervenir des organes différents :

- la première phase est celle de l'initiative. Les organes qui disposent du pouvoir de proposer une révision de la constitution varient selon les Etats. Dans la plupart des démocraties, ce droit appartient à la fois au pouvoir exécutif (Président et/ou Gouvernement) et aux membres du Parlement. Tel est le cas en France (al. 1 de l’art. 89). Il faut ajouter que certaines constitutions, assez rares d'ailleurs, prévoient une initiative populaire. Tel est le cas en Suisse et dans certains Etats fédérés américains : les citoyens peuvent alors prendre eux-mêmes l'initiative de la révision. La procédure s'ouvre par une pétition qui doit recueillir un nombre minimum de signatures prévu par la constitution (en Suisse, 100.000 signatures dans un délai maximum de 18 mois). Cette pétition oblige les assemblées à soumettre la proposition à un référendum.

- La deuxième phase est celle durant laquelle est adoptée la décision de prendre l'initiative en considération et de lui donner suite. Cette décision appartient le plus souvent au Parlement. Elle est fondamentale. En effet, c'est à ce niveau que se situe la discussion du projet de révision et que celui-ci peut éventuellement être amendé, c'est-à-dire modifié. En France, c’est l’alinéa 2 de l’article 89 qui prévoit que le projet de révision doit être adopté dans les mêmes termes par les deux chambres.

C'est justement cette deuxième phase qui gêna le général de Gaulle en 1962 et en 1969 puisqu'il décida de contourner l'obstacle constitué par l'article 89 de la Constitution en soumettant directement son projet à référendum en application de l'article 11. Il faut savoir qu’en 1962, la classe politique était dans son ensemble opposée à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct. Elle craignait en effet qu’une telle élection n’entraîne un déséquilibre des institutions au profit du chef de l'Etat, crainte qui s'est d'ailleurs réalisée.

- La troisième phase est la phase de l'adoption définitive du projet, encore appelée phase de ratification de la révision. Ce pouvoir est généralement attribué au peuple. Tel est le cas en France (al. 3 de l’art. 89). La constitution peut cependant prévoir une procédure alternative, qui pourra être utilisée en particulier pour les modifications constitutionnelles d'importance mineure. Pour la France, l'article 89 prévoit que le Président de la République peut décider, lorsqu'il s'agit d'un projet qui émane du pouvoir exécutif, de ne pas recourir au référendum mais de convoquer le Parlement en Congrès. Le Congrès est la réunion des deux chambres qui siègent ensemble (Assemblée

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 nationale et Sénat). Dans ce cas, la révision n'entrera en vigueur que si elle approuvée par le Congrès à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés.

B. La révision totale ou abrogation des constitutions

Les constitutions peuvent non seulement être révisées mais peuvent également être abrogées. Dans ce cas, la révision n'est pas partielle mais totale et l'ensemble du texte constitutionnel disparaît de l'ordonnancement juridique.

- Il existe une première technique d'abrogation des constitutions. C'est l'abrogation par la violence déjà étudiée à propos du pouvoir constituant originaire, abrogation qui est fréquente en cas de révolution ou de coup d'Etat. Dans ce cas, aucun pouvoir constituant dérivé ne s'exerce. En effet, la procédure de révision prévue par la constitution ancienne n'est pas respectée pour l’adoption de la constitution nouvelle. C'est justement cette rupture entre les deux régimes qui permet la mise en oeuvre du pouvoir constituant originaire - qui est un pouvoir inconditionné.

- Mais il existe d'autres techniques d'abrogation des constitutions qui ne recourent pas à la violence. Il peut s'agir en particulier de ce qu'on appelle une révision-abrogation, technique qui a été utilisée à deux reprises en France. Dans ce cas, la constitution est bien abrogée mais, à la différence du cas de figure antérieur, la procédure de révision prévue par la constitution en vigueur est respectée. Ce qui complique le problème, c'est que l’adoption de la nouvelle constitution est le plus souvent précédée d’une révision de la procédure de révision de la constitution en vigueur. Cette révision initiale a généralement pour objet de modifier le titulaire du pouvoir de révision en le confiant à la nouvelle personnalité politique dominante de l’Etat ou au nouvel organe politique dominant. Le PCD est, dans ce cas particulier, assez proche du PCO (il s'exerce dans une situation de crise du régime et aboutit souvent à sa transformation radicale) : en apparence, la transition est certes douce, contrairement à ce qui se passe dans le premier cas de figure, mais, en réalité, la révision initiale montre que le régime traverse une crise grave et que seule une personnalité extérieure - devenue chef du dernier gouvernement - est estimée capable de le faire évoluer, c'est-à-dire de l'abandonner pour mettre en place un régime totalement différent.

En résumé, ce sont deux étapes qui se succèdent :

- Durant la première étape, une première révision modifie le titulaire du pouvoir de révision (ex : c’était le Parlement qui était compétent, désormais c’est le Gouvernement).

- Durant la seconde étape, le nouveau titulaire du pouvoir de révision abroge la constitution et la remplace par une autre.

S'agissant de la France, il y a deux exemples :

- le régime de Vichy est né d’une révision-abrogation de la Constitution de la IIIème République. Elle a été permise par l’adoption de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 votée par les deux chambres composant le Parlement de la IIIème République. Ces deux chambres (réunies en Assemblée nationale - c'est le nom du Congrès de l'époque), quelques jours après la défaite face à l’Allemagne, ont utilisé leur pouvoir de révision de la Constitution de la IIIème République - non pas pour la réviser elles-mêmes - mais pour se dessaisir de leur pouvoir et confier au gouvernement du Maréchal Pétain celui d'élaborer une nouvelle constitution garantissant " les droits du travail, de la famille et de la patrie".

A première vue, la continuité entre les régimes est sauvegardée du fait du respect de la procédure de révision prévue par la constitution antérieure. Mais en réalité, la France, parce qu'elle a perdu la " bataille de France" (6 millions de français fuient devant l’avancée des troupes allemandes, le gouvernement quitte Paris pour Bordeaux), traverse une crise grave et ce désarroi s'exprime dans le transfert du pouvoir constituant et dans le contenu des nouvelles institutions mises en place. La

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 rupture est même totale car ce sont les fondements mêmes du régime précédent qui seront remis en cause. D’une République fondée sur la démocratie et les libertés dont la devise est " liberté, égalité, fraternité", on passe à une dictature qui va bafouer les droits les plus élémentaires des personnes. On voit bien quelles sont les conditions pour qu’une telle révision puisse advenir : un Parlement fragilisé (ici par la défaite face à l’Allemagne), une personnalité qui se présente comme celle du recours, comme providentielle (ici le héros de la première guerre mondiale), et le tour est joué. On bascule, tout en respectant en apparence la légalité, dans un régime particulièrement désastreux.

Second exemple : la Vème République est également née d’une révision-abrogation, cette fois de la Constitution de 1946. Vous y reviendrez au début du cours de droit constitutionnel du semestre 2 : le Parlement de la IVème République, par une loi constitutionnelle du 3 juin 1958, a confié au gouvernement du général de Gaulle, dernier gouvernement de la IVème République, le pouvoir d’adopter une nouvelle constitution. Afin que l'histoire ne se répète pas, il lui a toutefois imposé de respecter un certain nombre de principes essentiels. Ici encore, la République était fragilisée (par la guerre d'Algérie) et la personnalité providentielle sera cette fois le héros de la seconde guerre mondiale. Ainsi s'explique le transfert du pouvoir de révision de la tête du Parlement sur celle du Gouvernement et l'adoption d'une nouvelle constitution

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Chapitre II : Les modalités d’adoption et de révision des constitutions

Seront examinées successivement l'adoption et la révision des constitutions.

Section I : L'adoption des constitutions

C'est le pouvoir constituant originaire (§1) qui adopte la constitution en recourant à diverses techniques (§2).

§1. Le pouvoir constituant originaire (P.C.O.)

Le pouvoir constituant originaire est le pouvoir d’adopter la constitution. Son titulaire doit fixer le statut de l'Etat en instituant des organes - appelés " pouvoirs constitués" et en répartissant les compétences étatiques entre ces organes.

Ce pouvoir a deux caractéristiques :

- comme son nom l'indique, il est en premier lieu originaire, initial, ce qui signifie qu'il ne dérive d'aucun autre pouvoir ;

- en second lieu, ce pouvoir est sans limites, inconditionné, il n'est tenu de respecter aucune règle de droit positif.

Ce pouvoir ne trouve à s'exercer que dans certaines circonstances qui sont toujours des situations de vide juridique. En effet, seule l'existence d'un tel vide permet d'expliquer qu'un pouvoir sans limites puisse s'exercer temporairement.

Quelles sont ces circonstances ?

- D'abord l'apparition d'un nouvel Etat. Il peut s’agir soit d’un Etat qui s'est détaché d'un Etat antérieur (tel a été le cas des pays colonisés lors de leur accession à l'indépendance ou des nouvelles Républiques issues de l’ex-URSS), soit d’un Etat qui s'est constitué par agrégation d'Etats antérieurement indépendants (les Etats-Unis d'Amérique en 1787).

- Seconde hypothèse : lorsque, dans un Etat donné, l'ordre juridique antérieur a été balayé : toutes les contraintes juridiques, c'est-à-dire toutes les règles juridiques qui venaient encadrer et limiter l'exercice du pouvoir, ont donc disparu. C'est l'hypothèse de la révolution, du coup d'Etat ou parfois de la guerre qui entraîne l'effondrement du régime politique antérieur et la mise entre parenthèse de la légalité au profit d'un pouvoir de fait (= d’un gouvernement de fait).

Il faut bien comprendre que dans tous les cas où s'exerce le pouvoir constituant originaire, il y a une situation de pur fait, une éclipse de la légalité, puisque la légalité ancienne est morte, a disparu et que la légalité nouvelle, future n'est pas encore née. En d'autres termes, le pouvoir constituant originaire est un pouvoir de pur fait, un pouvoir qui échappe au droit.

Ex : dans les colonies ayant accédé à l’indépendance, le droit de l’ancien colonisateur n’était plus applicable - la légalité ancienne n’existait plus. Il appartenait alors aux leaders de l’indépendance formant le nouveau pouvoir - de fait

- d’élaborer une constitution qui devait permettre de fonder une légalité nouvelle.

Le pouvoir d’élaborer une constitution nouvelle s’exerce non seulement en dehors de tout

fondement juridique mais même, le plus souvent, en totale rupture avec l’ordre juridique ancien. Ceci apparaît nettement dans un autre exemple qui est celui de la Révolution française : l’ordre juridique de l’Ancien Régime, qui était une monarchie absolue, a été balayé par la Révolution. Ce sont les Etats généraux, qui se

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 sont autoproclamés Assemblée nationale (17 juin 1789), puis Assemblée constituante (9 juillet 1789), qui ont exercé le PCO en élaborant la première constitution écrite française, celle de 1791, qui sera fondée sur la séparation des pouvoirs.

Je l’ai dit, un tel pouvoir n'est pas fondé sur le droit. Sur quoi est-il alors fondé ? sur la force. Cette force, ce pouvoir la tire au mieux de sa légitimité, donc du fait qu’il est accepté par la population, au pire de la violence dont il use à son égard.

En d’autres termes, c’est un pouvoir dont le droit doit constater l'existence. En effet, il permet de comprendre ce que l’on appelle la " dynamique constitutionnelle", c’est-à-dire le fait que des changements de régimes accompagnés de changements de constitutions puissent s’opérer dans la rupture et non pas dans la continuité (continuité qui se traduit par la révision de la constitution en

vigueur). Toutefois, c'est un pouvoir que le droit ne peut pas expliquer.

Ex : un Etat dans lequel s’applique une constitution. A lieu un coup d’Etat. Ses auteurs décident d’élaborer une

nouvelle constitution sans respecter la procédure prévue pour la modification de celle qui était en vigueur. Il y a donc bien rupture constitutionnelle – on va passer d’une constitution à l’autre. Et seule la violence, et non le droit, peut

l’expliquer.

§2. Les techniques d'adoption des constitutions

Qui détient le pouvoir constituant originaire, donc le pouvoir d’adopter une constitution, dans un Etat qui se trouve dans l'une des hypothèses que nous venons de décrire ? Ce sont les détenteurs effectifs du pouvoir politique, c. à. d. ceux qui monopolisent la force dans l’Etat, bref ceux qui forment le gouvernement de fait. Mais la façon dont ils décideront d'exercer ce pouvoir dépendra essentiellement de l'idée qu'ils se font du titulaire du pouvoir suprême, c. à. d. de celui que l'on appelle le souverain dans l’Etat.

1. Première hypothèse : ils estiment que le souverain, c’est eux. Dans ce cas, ils exerceront eux- mêmes ce pouvoir et la technique d'élaboration de la constitution sera dite autoritaire. La constitution sera octroyée au peuple qui ne participe pas à son élaboration. Ce mode d’établissement est celui choisi par toutes les dictatures, passées ou actuelles.

2. Seconde hypothèse : les détenteurs du pouvoir politique estiment que le souverain, c'est le peuple. Afin de respecter les exigences démocratiques, ils confieront l'exercice de ce pouvoir au peuple et la technique d'élaboration de la constitution sera en conséquence démocratique.

Cette participation peut se faire sous diverses formes :

- 1ère forme : l'assemblée constituante souveraine : le peuple est invité par le gouvernement provisoire à élire une telle assemblée qui est chargée de rédiger et d'adopter définitivement la constitution. Ce procédé a été choisi à plusieurs reprises en France, en particulier pour élaborer la Constitution de la IIIème République : c’est en effet l'Assemblée nationale élue en 1871 - donc après l’effondrement du second Empire - qui élabora et adopta les lois constitutionnelles de 1875 qui composent cette Constitution.

Le procédé de l'Assemblée constituante souveraine est très démocratique dans le sens où il permet une large discussion des dispositions constitutionnelles au sein de l’assemblée. Pourtant, depuis le XXème siècle, c'est un second système qui est souvent préféré à celui-ci.

- 2ème forme : l'assemblée constituante non souveraine : le peuple élit une assemblée constituante chargée d'élaborer une constitution mais cette constitution ne sera définitivement adoptée que si le peuple l'approuve par le biais d'un référendum. C'est là le procédé le plus démocratique d'élaboration des constitutions : l’assemblée n'est plus souveraine puisqu'elle partage le pouvoir constituant avec le peuple.

L’inconvénient de cette procédure d'élaboration de la constitution est sans conteste sa lourdeur mais le recours au référendum est une garantie très importante car la discussion au sein de

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 l'assemblée est ensuite prolongée par une discussion dans tout le pays, relayée par les partis politiques. Ce procédé, qui combine assemblée constituante et recours au référendum, est donc le plus conforme aux exigences de la démocratie. Ce procédé a été utilisé en France pour l'élaboration de la Constitution de la IVème République. Le peuple a d'ailleurs rejeté le premier projet datant du 19 avril 1946 élaboré par l'assemblée constituante élue en octobre 1945. Une seconde Assemblée a alors été élue et le projet élaboré par elle a été approuvé par référendum et est devenu la Constitution du 27 octobre 1946.

- La 3ème forme, qui est à certains égards moins démocratique, donc plus autoritaire, résulte de la collaboration d'une personnalité politique et du peuple. Dans un tel cas, le texte constitutionnel est le plus souvent élaboré par la personnalité politique dominante dans l’Etat - il s'agit le plus souvent du chef du gouvernement de fait - pour être soumis ensuite au peuple par référendum. Ce procédé est moins démocratique que les précédents, parce qu’aucune assemblée représentant le peuple ne dispose du pouvoir de discuter et éventuellement de modifier le texte. L’unique pouvoir qui appartient au peuple est de dire oui ou non à un texte sans possibilité intermédiaire, donc le plus souvent oui ou non à la personnalité qui lui soumet le texte, personnalité déjà politiquement dominante et dont la constitution risque fort de servir les intérêts. On appelle ces référendums des plébiscites (distinction étudiée dans la suite du cours). Ils permettent souvent l'instauration de régimes qui n’ont qu’une apparence démocratique et sont en réalité autoritaires.

Sous réserve de certaines nuances qui seront étudiées au début du cours de droit constitutionnel du S2, un tel procédé a également été utilisé par le général de Gaulle en 1958 pour l'adoption de la Constitution de la Vème République : c'est le projet élaboré par le gouvernement du général de Gaulle, donc sous sa direction, qui a été soumis au peuple par référendum.

Section II : La révision des constitutions

Une constitution pourrait-elle rester en vigueur pour l'éternité ? La réponse à cette question est négative.

Première raison : l'oeuvre des hommes n'est jamais parfaite.

Deuxième raison : même si une constitution devait être à l'origine proche de la perfection, les sociétés qui sont régies par ces constitutions évoluent et cette évolution risque fort de rendre la constitution imparfaite.

La conclusion qu'il faut tirer de ce double constat est la suivante : les constituants originaires doivent se donner les moyens de remédier à ces imperfections en insérant dans le corps même de la constitution une disposition qui prévoit une procédure de révision de la constitution.

§1. Le pouvoir constituant dérivé ou institué (P.C.D ou P.C.I)

Le pouvoir mis en oeuvre lors d'une révision de la constitution et l'autorité à laquelle appartient ce pouvoir sont appelés "pouvoir constituant dérivé" ou "pouvoir constituant institué". Je vous rappelle que le pouvoir constituant originaire détenait le pouvoir inconditionné et originaire d'adopter la constitution. Il n’en va pas de même du pouvoir constituant dérivé qui, comme son nom l’indique, dérive de la constitution, est institué par cette constitution. Il doit donc s'exercer dans le cadre posé par cette constitution. A la différence du PCO, il est donc à la fois second et conditionné, ce qui signifie qu'il n'est pas libre, il n'est pas souverain mais doit respecter les conditions posées par la constitution.

Seront étudiées successivement la distinction des constitutions souples et des constitutions rigides, qui prend en compte la plus ou moins grande difficulté de la procédure de révision, et les

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 limites de fond - c'est-à-dire de contenu - qui peuvent également s'imposer à l'exercice de ce pouvoir.

A. La distinction des constitutions souples et des constitutions rigides

La différence entre les constitutions souples et rigides est une différence qui concerne la procédure de révision qu'elles prévoient, qui peut en effet être plus ou moins facile à mettre en oeuvre.

- Une constitution est dite rigide lorsque la procédure qu'elle prévoit pour sa révision est une procédure particulière qui est plus contraignante ou plus solennelle que la procédure prévue pour l'adoption des lois ordinaires. Ces contraintes sont de diverses natures. Il peut s'agir d'un délai particulier de réflexion à observer avant l’adoption du texte, de la réunion des chambres en une assemblée unique, d'une majorité renforcée à observer (2/3 ou 3/5 des voix par exemple et non la majorité simple - la moitié des voix plus une - suffisante uniquement pour les lois ordinaires), d'une double intervention du Parlement et du peuple ou encore d'une double intervention du Parlement fédéral et des Etats fédérés lorsqu'on est en présence d'un Etat fédéral (v. suite du cours sur ce dernier point)

Quel est l’intérêt de mettre en place une telle procédure spéciale ? il s’agit de garantir le caractère durable de la constitution en tenant compte du caractère de gravité que comporte toujours la révision d'un tel acte. Il faut donc éviter que les pouvoirs auxquels la constitution a pour fonction de s'imposer puissent la modifier facilement. C’est pourquoi les constitutions des Etats fédéraux sont toujours des constitutions rigides afin de préserver les droits des Etats fédérés. De plus, les constituants qui souhaitent conférer des droits fondamentaux aux personnes et qui se méfient du Parlement adoptent également des constitutions rigides. Signalons que l’actuelle Constitution française est une constitution rigide dont la procédure de révision est organisée à l’article 89.

- Une constitution est dite souple lorsque sa révision n'est soumise à aucune procédure contraignante. Soit la procédure de révision est identique à la procédure législative ordinaire, soit elle s'en distingue mais reste très facile à mettre en oeuvre. Les constitutions coutumières sont le plus souvent des constitutions souples. Tel est le cas, du moins en théorie, de la Constitution du Royaume-Uni qui peut être modifiée par un acte législatif du Parlement. Mais, en pratique, il faut voir que de telles révisions sont assez rares car l'attachement du peuple à la tradition confère une certaine rigidité (de fait) aux constitutions coutumières. Il existe également des exemples de constitutions écrites souples, comme la Constitution de l'Etat d'Israël ou celle de la Chine.

L’inconvénient principal des constitutions souples est que la supériorité théorique de la constitution sur la loi ordinaire n'a aucune conséquence pratique. En effet, le Parlement peut modifier à sa guise la constitution en adoptant une loi ordinaire. Ce système peut donc être dangereux, en particulier si la constitution protège les libertés des personnes et si le parlement entend les écarter. Sur le plan juridique, la protection accordée aux droits des personnes est donc moindre dans un tel Etat que dans ceux qui ont une constitution rigide.

B. Les limites à l'exercice du pouvoir constituant dérivé

On vient de voir que la constitution peut imposer au pouvoir constituant dérivé le respect d'une procédure particulière. Mais la constitution peut également prévoir d'autres limitations, de temps ou/et de fond, à l'exercice du pouvoir de révision.

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 - Les limitations de temps ont pour objet d'interdire toute révision de la constitution durant certaines périodes. Dans certaines circonstances, la légitimité d'une révision qui serait opérée est en effet a priori douteuse. Ainsi, l'article 89 de la Constitution française interdit d'engager ou de poursuivre une procédure de révision lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire, c'est-à-dire en cas d'invasion ou d'occupation du territoire par des troupes étrangères. La liberté de l'acte de révision est en effet ici douteuse.

- Les limitations de fond ont pour objet d'interdire que certaines dispositions de la constitution soient révisées. Ainsi, le même article 89 de la Constitution française actuelle interdit de modifier la forme républicaine du gouvernement. Rappelons que la République est le régime politique fondé sur l’élection. Elle s’oppose à la monarchie qui est fondée sur la transmission héréditaire du pouvoir.

§2. Les techniques de révision des constitutions rigides

La révision peut être soit partielle, soit totale. A. La révision partielle des constitutions

La révision est dite partielle lorsqu'elle ne concerne que certaines dispositions - et non l'ensemble - de la constitution. Lorsque la constitution est rigide, la procédure de révision comporte le plus souvent trois phases distinctes qui font intervenir des organes différents :

- la première phase est celle de l'initiative. Les organes qui disposent du pouvoir de proposer une révision de la constitution varient selon les Etats. Dans la plupart des démocraties, ce droit appartient à la fois au pouvoir exécutif (Président et/ou Gouvernement) et aux membres du Parlement. Tel est le cas en France (al. 1 de l’art. 89). Il faut ajouter que certaines constitutions, assez rares d'ailleurs, prévoient une initiative populaire. Tel est le cas en Suisse et dans certains Etats fédérés américains : les citoyens peuvent alors prendre eux-mêmes l'initiative de la révision. La procédure s'ouvre par une pétition qui doit recueillir un nombre minimum de signatures prévu par la constitution (en Suisse, 100.000 signatures dans un délai maximum de 18 mois). Cette pétition oblige les assemblées à soumettre la proposition à un référendum.

- La deuxième phase est celle durant laquelle est adoptée la décision de prendre l'initiative en considération et de lui donner suite. Cette décision appartient le plus souvent au Parlement. Elle est fondamentale. En effet, c'est à ce niveau que se situe la discussion du projet de révision et que celui-ci peut éventuellement être amendé, c'est-à-dire modifié. En France, c’est l’alinéa 2 de l’article 89 qui prévoit que le projet de révision doit être adopté dans les mêmes termes par les deux chambres.

C'est justement cette deuxième phase qui gêna le général de Gaulle en 1962 et en 1969 puisqu'il décida de contourner l'obstacle constitué par l'article 89 de la Constitution en soumettant directement son projet à référendum en application de l'article 11. Il faut savoir qu’en 1962, la classe politique était dans son ensemble opposée à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct. Elle craignait en effet qu’une telle élection n’entraîne un déséquilibre des institutions au profit du chef de l'Etat, crainte qui s'est d'ailleurs réalisée.

- La troisième phase est la phase de l'adoption définitive du projet, encore appelée phase de ratification de la révision. Ce pouvoir est généralement attribué au peuple. Tel est le cas en France (al. 3 de l’art. 89). La constitution peut cependant prévoir une procédure alternative, qui pourra être utilisée en particulier pour les modifications constitutionnelles d'importance mineure. Pour la France, l'article 89 prévoit que le Président de la République peut décider, lorsqu'il s'agit d'un projet qui émane du pouvoir exécutif, de ne pas recourir au référendum mais de convoquer le Parlement en Congrès. Le Congrès est la réunion des deux chambres qui siègent ensemble (Assemblée

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 nationale et Sénat). Dans ce cas, la révision n'entrera en vigueur que si elle approuvée par le Congrès à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés.

B. La révision totale ou abrogation des constitutions

Les constitutions peuvent non seulement être révisées mais peuvent également être abrogées. Dans ce cas, la révision n'est pas partielle mais totale et l'ensemble du texte constitutionnel disparaît de l'ordonnancement juridique.

- Il existe une première technique d'abrogation des constitutions. C'est l'abrogation par la violence déjà étudiée à propos du pouvoir constituant originaire, abrogation qui est fréquente en cas de révolution ou de coup d'Etat. Dans ce cas, aucun pouvoir constituant dérivé ne s'exerce. En effet, la procédure de révision prévue par la constitution ancienne n'est pas respectée pour l’adoption de la constitution nouvelle. C'est justement cette rupture entre les deux régimes qui permet la mise en oeuvre du pouvoir constituant originaire - qui est un pouvoir inconditionné.

- Mais il existe d'autres techniques d'abrogation des constitutions qui ne recourent pas à la violence. Il peut s'agir en particulier de ce qu'on appelle une révision-abrogation, technique qui a été utilisée à deux reprises en France. Dans ce cas, la constitution est bien abrogée mais, à la différence du cas de figure antérieur, la procédure de révision prévue par la constitution en vigueur est respectée. Ce qui complique le problème, c'est que l’adoption de la nouvelle constitution est le plus souvent précédée d’une révision de la procédure de révision de la constitution en vigueur. Cette révision initiale a généralement pour objet de modifier le titulaire du pouvoir de révision en le confiant à la nouvelle personnalité politique dominante de l’Etat ou au nouvel organe politique dominant. Le PCD est, dans ce cas particulier, assez proche du PCO (il s'exerce dans une situation de crise du régime et aboutit souvent à sa transformation radicale) : en apparence, la transition est certes douce, contrairement à ce qui se passe dans le premier cas de figure, mais, en réalité, la révision initiale montre que le régime traverse une crise grave et que seule une personnalité extérieure - devenue chef du dernier gouvernement - est estimée capable de le faire évoluer, c'est-à-dire de l'abandonner pour mettre en place un régime totalement différent.

En résumé, ce sont deux étapes qui se succèdent :

- Durant la première étape, une première révision modifie le titulaire du pouvoir de révision (ex : c’était le Parlement qui était compétent, désormais c’est le Gouvernement).

- Durant la seconde étape, le nouveau titulaire du pouvoir de révision abroge la constitution et la remplace par une autre.

S'agissant de la France, il y a deux exemples :

- le régime de Vichy est né d’une révision-abrogation de la Constitution de la IIIème République. Elle a été permise par l’adoption de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 votée par les deux chambres composant le Parlement de la IIIème République. Ces deux chambres (réunies en Assemblée nationale - c'est le nom du Congrès de l'époque), quelques jours après la défaite face à l’Allemagne, ont utilisé leur pouvoir de révision de la Constitution de la IIIème République - non pas pour la réviser elles-mêmes - mais pour se dessaisir de leur pouvoir et confier au gouvernement du Maréchal Pétain celui d'élaborer une nouvelle constitution garantissant " les droits du travail, de la famille et de la patrie".

A première vue, la continuité entre les régimes est sauvegardée du fait du respect de la procédure de révision prévue par la constitution antérieure. Mais en réalité, la France, parce qu'elle a perdu la " bataille de France" (6 millions de français fuient devant l’avancée des troupes allemandes, le gouvernement quitte Paris pour Bordeaux), traverse une crise grave et ce désarroi s'exprime dans le transfert du pouvoir constituant et dans le contenu des nouvelles institutions mises en place. La

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 rupture est même totale car ce sont les fondements mêmes du régime précédent qui seront remis en cause. D’une République fondée sur la démocratie et les libertés dont la devise est " liberté, égalité, fraternité", on passe à une dictature qui va bafouer les droits les plus élémentaires des personnes. On voit bien quelles sont les conditions pour qu’une telle révision puisse advenir : un Parlement fragilisé (ici par la défaite face à l’Allemagne), une personnalité qui se présente comme celle du recours, comme providentielle (ici le héros de la première guerre mondiale), et le tour est joué. On bascule, tout en respectant en apparence la légalité, dans un régime particulièrement désastreux.

Second exemple : la Vème République est également née d’une révision-abrogation, cette fois de la Constitution de 1946. Vous y reviendrez au début du cours de droit constitutionnel du semestre 2 : le Parlement de la IVème République, par une loi constitutionnelle du 3 juin 1958, a confié au gouvernement du général de Gaulle, dernier gouvernement de la IVème République, le pouvoir d’adopter une nouvelle constitution. Afin que l'histoire ne se répète pas, il lui a toutefois imposé de respecter un certain nombre de principes essentiels. Ici encore, la République était fragilisée (par la guerre d'Algérie) et la personnalité providentielle sera cette fois le héros de la seconde guerre mondiale. Ainsi s'explique le transfert du pouvoir de révision de la tête du Parlement sur celle du Gouvernement et l'adoption d'une nouvelle constitution

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