QUI EST COLETTE ?
- Sidonie-Gabrielle Colette est née à Saint-Sauveur en Bourgogne en 1873. Elle y passe son enfance entourée de ses proches, sa mère qui s'appelle Sido, qui a eu 2 enfants d'un premier mariage, appelés Juliette et Achille. Son père, appelé "Le Capitaine" était un ancien soldat qui s'est fait amputer de la jambe gauche. Son frère Léopold. Léo et Achille sont surnommés "Les Sauvages" par Colette.
- En 1895, Colette épouse Henry Gauthier Villars surnommé Willy, qui était un journaliste parisien. Il introduit sa jeune épouse dans les milieux littéraires et l'incite à écrire une série de romans d'inspiration autobiographique qui ont été regroupés dans le cycle des Clodines. Willy s'attribue la paternité de ses succès littéraires et est infidèle à sa femme.
- En 1904, Colette publie son premier recueil sous une signature personnelle et elle signe donc Colette Willy. Dans cet ouvrage elle met en scène les discussions de Toby le chien et de Kiki la doucette car on retrouve ces personnages dans Les VDV.
- L'année 1905 marque une rupture dans la vie de Colette, elle se sépare de son mari. Elle entame une relation avec Mathilde de Morny appelée Missy. Plusieurs chapitres des VDV lui sont dédiés: "Nuit blanche"; "Jour gris"; "Dernier feu".
- Parallèlement Colette commence une carrière de journaliste et elle se produit dans des spectacles de musique.
- En 1908 elle publie Les VDV où se reflètent ses années tumultueuses et sa vocation d'écrire. Certains chapitres de l'ouvrage correspondent à des articles parus dans la presse.
- En 1912 Colette perds son frère Achille et sa mère.
- De 1912 à 1923 Colette est mariée à Henry de Jouvenel qui était rédacteur en chef du journal "Le matin". Ensemble ils ont eu une fille.
- En 1930 elle publie Sido. Colette meurt en 1954 et reçoit des obsèques nationales.
À PROPOS DES RECUEILS
- Colette écrit Les VDV et Sido sur une période qui va de 1908 à 1933. Les évènements historiques ont assez peu de place dans ses oeuvres qui sont centrées sur les expériences intimes de l'auteure et ses souvenirs personnels.
- Néanmoins les textes reflètent les mentalités et l'atmosphère de l'époque. La Belle-Époque (1900-1914) se trouve évoquée sous la plume de Colette à travers les loisirs dont il est question dans Les VDV avec les spectacles et les vacances balnéaires (en marge d'une page blanche). Dans Sido, Colette se tourne vers l'enfance comme pour oublier la morosité des années 1930. Dans ses oeuvres Colette s'intéresse sur la place et le statut des femmes.
- Sido apparaît comme un récit autobiographique original: en effet Colette n'adopte pas l'ordre chronologique pour raconter son histoire et celle de ses proches. L'auteure propose 3 parties centrées respectivement sur sa mère, son père et ses frères. Colette esquisse leur portrait à travers des anecdotes qui leur rendent hommage, indirectement elle livre l'autoportrait de la femme libre qu'elle est devenue.
- Les VDV constitue un ensemble de texte narratif courts et indépendants. Colette y livre des impressions personnelles et y dévoile sa vision. Elle est à la fois le sujet et la narratrice. Il lui arrive de passer par la fiction pour se raconter elle-même, c'est le cas dans les chapitres qui relèvent du conte tels que "Les VDV", qui relèvent du dialogue animalier tel que "Toby le chien parle", qui relèvent de la nouvelle "La dame qui chante". On peut donc parler d'autofiction pour Les VDV.
- Dans les 2 ouvrages Colette s'attache à célébrer la beauté du monde et recourt pour cela à des procédés poétiques tels que des jeux sur les rythmes et les sonorités, des images et des synesthésies; elle traite des thèmes traditionnels du lyrisme et c'est pourquoi on peut parler pour Colette de prose poétique.
A retenir :
LA CÉLÉBRATION DU MONDE
I. L'enfance: entre ode et élégie
1-Le portrait de la famille
- La célébration du monde passe avant tout par la célébration des êtres chers qui motive particulièrement l'écriture de Sido. La mère est mise en avant comme l'indique le titre: elle acquiert la dimension d'une prophétesse voire d'une déesse célébrée à la manière de la tradition lyrique. Fière de sa progéniture et mère possessive, voire jalouse elle sait se montrer impitoyable envers ses enfants; amoureuse sincère, la tendresse de l'épouse se dissimule sous une apparence d'indifférence ou de suspicion. Colette réinvente la figure maternelle en insistant sur l'héritage que cette dernière lui a légué: le culte de la beauté et de la création.
- Le père n'est pas étranger à la vocation d'écrivain de sa fille. Si le titre du premier recueil consacre la figure maternelle, il fait entendre d'emblée la parole du père, Colette préférant nommer sa mère par le diminutif que lui donnait son époux. Le père stimule les talents littéraires de sa fille (il est décrit avant tout comme un artiste construisant des objets à l'enfant et collectionnant des crayons de couleurs), bien qu'ils ne partagent pas la même conception du lyrisme. Les pages manifestent la bravoure du héros de guerre, l'écrivain compensant le handicap de l'amputé en insistant sur sa musculature virile, en exhibant son panache et en rappelant son passé de beau saint-cyrien. Colette ressuscite le défunt en faisant entendre à plusieurs reprises sa fantaisie de musicien, parsemant la narration de chants poétiques et amoureux. C'est le père et non la mère qui veille sur sa fille par-delà la mort. Héritage paternel: elle justifie non seulement son humeur impulsive, mais elle révèle surtout la face cachée de celui qui lui a transmis sa vocation d'écrivain, accomplissant dès lors le projet d'écriture du capitaine.
- Les frères sont reconnus comme "sauvages". Colette porte un regard ému, attendri et amusé sur la période de l'enfance qu'elle actualise en faisant entendre les dialogues fraternels, le discours direct occupant plus de la moitié de la 3e section. Sauvages et vagabonds, "sobres et vertueux" vivant volontiers en marge de l'humanité, en quête du "non-foulé", les sauvages deviennent les protagonistes de quelques épisodes singuliers qui suggèrent leur caractère atypique (les pruneaux, la cagnotte, le mariage de la soeur). Libres, rêveurs et poètes, les garçons sont à leur tour mythifiés, le cadet devenant même sous la plume de Colette un être surnaturel et aérien. Grâce à l'esthétique du contraste, le portrait des enfants parisiens sert de faire-valoir à la vie sauvageonne célébrée. Colette par le biais de Sido, présente Mimi Antonin et par extension tous les enfants de Paris qui portent des chaussettes en été et s'apparentent davantage à des forains. L'opposition entre les sauvages provinciaux et les "petits Parigots" est accentuée dans le 2e volet d'"En marge d'une page blanche", la narratrice usant de l'hyperbole pour esquisser les traits des vacanciers. Cependant, ce mythe du bon sauvage est nuancé dans certaines pages, les enfants, tenant de leur mère leur sauvagerie peu charitable, n'étant pas dénués d'une certaine férocité, méprisant le passant ou leur camarade de classe. Si les jeux enfantins peuvent être innocents (cuire au soleil, collectionner les papillons, construire un jet d'eau), ils peuvent révéler d'une certaine "perversité", ce qu'illustre l'épisode mystérieux dans lequel MathieuM... devient la victime des sauvages, ces derniers se complaisant dans leur rôle de bourreau.
- Les membres de la famille se distinguent par leur refus des conventions bourgeoises, défiant l'autorité.
A retenir :
2-Le jardin de l'enfance
- C'est celui de Saint-Sauveur où l'on retrouve une nature généreuse et protectrice. C'est un univers clos, entouré de vieux murs hauts, protégé par des arbres et circonscrit par les points cardinaux. Colette fait de sa description un parterre fleuri et coloré.
- Les traits caractéristiques de la commère ou de la mère un peu bourrue disparaissent quand Sido franchit le seuil de son jardin: la nature, véritable "antidote", semble alors absorber cette femme dont le portrait est mythifié. Femme-nature, arborant un "glorieux visage de jardin", la mère est aussi celle qui s'émerveille devant la nature, protège les fleurs et les animaux, parle à la jument et initie sa fille aux trésors dont la nature est porteuse. Comparéé à l'hirondelle, à la hase ou à la chatte, la mère devient pédagogue et donne à sa fille tantôt une leçon de botanique, tantôt une leçon sur l'interprétation des postures du chat. Conteuse avérée, elle fascine sa fille par des récits extravagants qui célèbrent la puissance des éléments et réhabilitent les animaux tels que le sanglier, le loup ou le renard. Contrairement à sa femme, le capitaine Colette est un homme "banni des éléments": il ne comprend pas la nature qu'il considère seulement comme un décor agréable, cadre propice aux repas dominicaux.
- Au sein de cet univers, les éléments végétaux sont humanisés: Sido soigne de façon très maternelle le géranium, provoquant la jalousie de sa fille; elle coiffe tantôt sa fille, tantôt les fleurs, ou déshabille l'oignon, comptant ses différentes robes. Elle accuse sa fille d'être la "petite meurtrière" de la chrysalide et refuse de participer à l'hécatombe des fleurs disposées sur un cercueil.
- C'est une terre à explorer où l'enfant éprouve "la solitaire ivresse du chercheur de trésor".
- C'est un lieu de communion: lors de la promenade à l'aube, Colette y éprouve "un état de grâce indicible".
A retenir :
3-Un chant nostalgique
- Célébrer c'est aussi commémorer et donc déplorer la perte du passé parfois: "je dus quitter ensemble le bonheur et mon plus jeune âge".
- Les étés de l'adulte sont de couleur ocre alors que ceux de l'enfance sont de la couleur vive des géraniums ou des digitales.
- Par ailleurs, c'est en respirant le parfum inaltérable des violettes que la narratrice parvient à ressusciter les printemps de son enfance, la fragrance naturelle constituant un rempart à l'écoulement du temps. C'est aussi en inhalant le parfum des roses qu'"Elle" peut à nouveau sentir et goûter les roses de l'enfance.
- Le monde de l'enfance demeure, grâce à l'écriture, un monde où se réfugier: la réminiscence des violettes dans "Le Dernier feu" permet de faire ressurgir le temps heureux de l'enfance.
- Leopold incarne cette nostalgie qui souhaiterait figer un âge d'or révolu.
- Avec l'"ivresse du chercheur de trésor", Colette enfant, nouvelle Ève, aime dénuder et hisser au jour ce que l'oeil humain n'a pas. L'hymne à la nature se fait dès lors exaltation lorsque la fillette devient la spectatrice d'un monde pur et primitif, qui permet à l'enfant d'appréhender le monde dans son harmonie originelle. Ce constat est particulièrement frappant dans les pages consacrées à la promenade à l'aube: l'enfant, immergée dans un monde primitif, peut établir un contact avec ce qui fait l'essence du monde. La promenade retrace un itinéraire sensoriel qui reconstruit la beauté du monde dans toute sa plénitude, l'enfant ayant même le privilège de goûter l'eau de jouvence des "sources perdues".
A retenir :
II-LE VIVANT SOUS TOUTES SES FORMES
- La nature
- Colette a été initiée par Sido aux secrets et au respect des éléments: la mère sait prédire le temps à venir en observant les vents et les nuages (bourrasque d'Ouest); elle refuse de couper des roses-mousse pour parer un corbillard ou une tombe. Son père au contraire, ne sait pas consulter le ciel pour juger de la pluie, ce qui lui vaut le mépris amusé de sa femme, "jamais un chien n'a obéi" au Capitaine.
- Colette hérite de sa mère l'amour des animaux et célèbre la complicité qui la lie à ces derniers. La narratrice, vivant entre un chien, une chatte et un livre, selon le témoignage de Valentine, célèbre les animaux dont elle partage le destin et auxquels elle s'identifie volontiers. Colette se compare, en tant qu'écrivain, aux animaux ailés et à leur soif de liberté: le rossignol ("Les VDV") ou la mouette ("Jour gris"). La narratrice préfère la compagnie de sa chatte qui partage ses repas, son goût de la solitude ou ses promenades au crépuscule. Dans l'hiver parisien, elle contemple la neige et court en compagnie de sa bull et de sa bergère flamande: l'empathie est telle que la narratrice dit galoper et aboyer comme ses compagnes. À plusieurs reprises, les animaux par leur sagesse, semblent supérieurs aux humains: non seulement ils réconfortent le maître et l'apaisent en répondant à son besoin de reconnaissance, mais ils l'enrichissent par leur aptitude à lui donner une leçon de maîtrise de soi. Au début de "Rêverie du nouvel an", il est impossible de décider si la narratrice est un être humain ou un chien.
- L'amour et le plaisir
- Colette reprend la tradition du lyrisme amoureux, notamment dans "Nuit blanche".
- En évoquant Missy, l'écrivain célèbre des liens et des désirs mal acceptés à son époque.
- Par contraste, le personnage de Valentine permet de dénoncer le ridicule des histoires d'amour engoncées dans les conventions bourgeoises.
- La liberté et la vie
- Les VDV s'ouvre sur l'image du rossignol libéré des liens qui l'avaient entravé tandis qu'il dormait et qui recouvre son chant.
- À travers la nature, Colette célèbre la liberté: elle affirme son "goût pour tout ce qui respire à l'air libre et loin de l'homme". À l'âge adulte, elle s'épanouit dans les paysages de la baie de Somme ("En marge d'une page blanche") et de la Côte d'Azur ("Printemps de la Riviera").
- C'est aussi dans la mode du music-hall qu'elle se libère: "Je veux faire ce que je veux. Je veux jouer la pantomime, même la comédie. Je veux danser nue".
- Il s'agit d'"échapper à une contrainte civilisée, sauf la liberté totale de rêver et de se taire", à l'image de Leopold.
- Les garçons, "coiffés de jonc", absorbés par les bois, courant, ivres de liberté, à travers les prés marécageux et les ronciers, préfèrent rentrer chez eux à pied - et non dans la victoria. Colette enfant fait elle-même l'expérience de cette ivresse sauvage, allant explorer le monde à trois heures et demie du matin et devenant la spectatrice privilégiée de la naissance du jour et de l'éveil de la nature.
A retenir :
III- L'ÉCRITURE DE LA CÉLÉBRATION
- Une prose réaliste
- La précision lexicale: "un bosquet de lauriers-cerises dominés par un junko-biloba" (Sido).
- L'énumération: "les sanguines filles du rosier, de la croix-de-Malte, des hortensias et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkékenge".
- Colette célèbre aussi la puissance du langage à nommer et faire advenir les choses.
- Des tableaux impressionistes
- Colette saisit les occasions de célébrer la beauté du monde: l'anecdote de la neige en juillet vue par Sido dévoile une peinture de rouge et de blanc (roses, cerises, tomates couvertes de flocons).
- Les impressions sont subjectives: "tout le jardin se nourrissait d'une lumière jaune, à tremblements rouges et violets, mais je ne pourrais dire si ce rouge, ce violet dépendaient encore d'un sentimental bonheur ou d'un éblouissement optique".
- Les synesthésies se multiplient sous la plume de l'auteure: "de l'horizon venaient un bruit égal de perles versées dans l'eau et la plate odeur de l'étang criblé de pluie, vanné sur ses vases verdâtres".
- La musicalité de l'écriture
- Le rythme des phrases est expressif et rappelle la poésie versifiée: " Mon cher dimanche de paresse et de lit tiède, mon dimanche de gourmandise, de sommeil, de lecture" (Les VDV); les groupes de 12 puis 8 syllabes, puis les groupes de 3 syllabes donnent une régularité qui suggère la lenteur et l'engourdissement.
- Les sonorités: les vibrantes dans "Les VDV"; les dentales "trilles tremblés et cristallins" du rossignol.
- Les notations visuelles ont bien évidemment la 1e place, l'écrivain offrant toute une palette de couleurs - rouge, rose, violet- lorsqu'elle décrit les fleurs du jardin ou les différentes nuances de bleu des violettes. Il faut être attentif au bruit du monde: le ronflement de la mer, le sanglot de la source ou le bruit de la pluie...