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texte TD 23 octobre

L'auteur: Jean-Pierre Bat

éléments biographiques:

  • Jean-Pierre Bat 'né en 1978) est un archiviste-historien français, attaché aux archives nationales et chercheur associé au centre africain de recherches sur les sociétés et les politiques africaines (CARSPA)
  • spécialiste de la Françafrique, il étudie la politique africaine de la France, les réseaux d'influence post coloniaux et le rôle du renseignement dans les états africains.

ouvrages majeurs:

  • le syndrome foccart (Gallimard, 2012): référence sur les réseaux franco-africains sous De Gaulle, Pompidou, Giscard et Mitterand
  • Afrique: la Françafrique, du général de Gaulle à Emmanuel Macron (Taillandier, 2021)

perspective de l'auteur:

  • historien d'archives, Bat mobilise des sources policières, diplomatiques et militaires. Il adopte une approche politico-criminelle du fait divers, ou le crime devient un outil d'analyse du système françafricain
Description du meurtre et contexte immédiat (Paris, aout 1973)

événement central:

  • date et lieu: Dimanche 26 aout 1973, 9h30, Paris, rue de la Roquette (quartier de la Bastille)
  • faits: Outel Bono, médecin tchadien exilé, est abattu dans sa DS 21 de deux balles (joue et nuque) par un homme armé qui s'enfuit en 2CV
  • similitude: l'affaire évoque immédiatement celle de Mehdi Ben Barka (1965), autre opposant africain assassiné à Paris

contexte politique immédiat:

  • deux jours plus tôt (24 aout 1973), Bono avait diffusé le manifeste du MDRT (mouvement démocratique de rénovation tchadienne), parti d'opposition à François Tombalbaye
  • le 25 aout, Tombalbaye lançait son propre parti unique; le mouvement national pour la révolution culturelle et sociale (MNRCS)
  • le meurtre intervient donc dans un moment stratégique de rivalité idéologique et politique au Tchad
l'itinéraire d'outil Bono

origines et formation:

  • né en 1934 au Tchad, formé en France (médecine à Toulouse, années 1950)
  • militant actif de la FEANF (fédération des étudiants d'Afrique Noire en France), acteur anticolonial influencé par la Chine maoïste et le tiers-mondisme (voyage en Chine avec la FEANF)

engagements politiques:

  • adhère en 1957 au Parti africain de l'indépendance (PAI), branche radicale du mouvement anticolonial
  • revient au Tchad (1962) après ses études, intègre le régime de Tombalbaye mais déchante très vite
  • condamné à mort en 1963 pour "complot", libéré en 1965 grâce à une campagne internationale
  • de nouveau arrêté en 1969 pour subversion, puis relâché et nommé directeur de la santé publique.

position politique:

  • rejette à la fois les dérives autoritaires du régimes et la violence du FROLINAT (front de libération nationale du Tchad)
  • conçoit une "troisième voie": un mouvement patriotique, réformiste, non-violent

exil et projet politique:

  • s'exile en France en 1972, fondé le mouvement démocratique de rénovation tchadienne (MDRT)
  • diffuse le manifeste du MDRT le 24 aout 1973 et meurt deux jours plus tard
les acteurs de l'affaire

Henri Bayonne:

  • ancien du BCRA (services de renseignement de la France libre)
  • introduit Bono dans les milieux politiques parisiens, participe à la relation du manifeste du MDRT
  • peut-être un agent mandaté pour "encadrer" ou "piéger" Bono

Camille Gourvennec:

  • métis franco-indochinois, né à Hanoï en 1923. Chef du centre de coordination et d'exploitation du renseignement (CCER) au Tchad
  • crée une structure puissante, semi-autonome , inspirée des méthodes françaises
  • suspecté d'avoir commandité l'assassinat (opération "homo") sur ordre de Tombalbaye

Claude Bocquel alias Léon Hardy:

  • ancien CRS, aventurier en Afrique (Gabon, Centrafrique)
  • recruté par Gourvennec en 1970 sous faux nom pour servir comme agent
  • identifié en 1978 comme exécutant présumé du meurtre, mais non jugé

pierre Galopin:

  • officier français missionné au Tchad, numéro 2 de la coordination. Fait prisonnier et exécuté par Hissène Habré (avril 1975)
  • sa confession posthume accable les services secrets tchadiens.
le rôle des réseaux franco-africains
  • Jacques Foccart, conseiller de De Gaulle puis de Pompidou, reste le pivot de la Françafrique, réseau d'influence mêlant politique, renseignement et affaires économiques.
  • Les réseaux africains (SDECE, CCER, CCFA, etc.) s’appuient sur des intermédiaires comme Bayonne, Gourvennec, Bocquel.
  • L’affaire Bono illustre un assassinat politique transnational, croisant intérêts français et tchadiens, masqué par le secret-défense et le brouillage judiciaire.
L'enquête et ses blocages

Premières réactions (1973) :

  • La police évoque d’abord un crime passionnel, malgré les indices politiques.
  • L’appartement de Bono est perquisitionné illégalement ; son porte-documents disparaît.

Rebondissements (1975–1978) :

  • En 1975, la confession de Galopin relance la piste tchadienne.
  • En 1977–1978, la PJ identifie Bocquel/Léon Hardy comme tueur probable.
  • Aucun procès : non-lieu prononcé en 1982, faute de coopération internationale et en raison du départ de Foccart (1974).


Lecture géopolitique: la françafrique

Françafrique = Continuum politico-militaire postcolonial

  • Réseaux sécuritaires français sous De Gaulle et Pompidou.
  • Arbitrages tacites entre Élysée, SDECE et chefs d’État africains.

Le cas tchadien :

  • Tombalbaye, allié de la France, réclame soutien militaire contre la rébellion FROLINAT (opération Limousin, 1969–1972).
  • Lorsque la France réduit son engagement, Tombalbaye se sent trahi.
  • Les services français conservent néanmoins une influence secrète via Gourvennec.
épilogue et enjeux judiciaires
  • 1975 : Assassinat de Tombalbaye.
  • 1978 : Mort suspecte de Gourvennec.
  • 1982 : Non-lieu français, impunité totale.
  • Le dossier illustre l’impuissance judiciaire face au secret d’État, et la fragilité des exilés africains en France.
Analyse critique et portée historique
  1. Lecture politique : L’assassinat d’Outel Bono s’inscrit dans une logique d’élimination des alternatives démocratiques africaines suscitant l’inquiétude des régimes soutenus par la France.
  2. Lecture structurelle : La continuité des appareils de renseignement postcoloniaux et la confusion entre intérêts nationaux et réseaux personnels.
  3. Lecture mémorielle : L’affaire reste occultée, niée par les autorités françaises et tchadiennes.

texte TD 23 octobre

L'auteur: Jean-Pierre Bat

éléments biographiques:

  • Jean-Pierre Bat 'né en 1978) est un archiviste-historien français, attaché aux archives nationales et chercheur associé au centre africain de recherches sur les sociétés et les politiques africaines (CARSPA)
  • spécialiste de la Françafrique, il étudie la politique africaine de la France, les réseaux d'influence post coloniaux et le rôle du renseignement dans les états africains.

ouvrages majeurs:

  • le syndrome foccart (Gallimard, 2012): référence sur les réseaux franco-africains sous De Gaulle, Pompidou, Giscard et Mitterand
  • Afrique: la Françafrique, du général de Gaulle à Emmanuel Macron (Taillandier, 2021)

perspective de l'auteur:

  • historien d'archives, Bat mobilise des sources policières, diplomatiques et militaires. Il adopte une approche politico-criminelle du fait divers, ou le crime devient un outil d'analyse du système françafricain
Description du meurtre et contexte immédiat (Paris, aout 1973)

événement central:

  • date et lieu: Dimanche 26 aout 1973, 9h30, Paris, rue de la Roquette (quartier de la Bastille)
  • faits: Outel Bono, médecin tchadien exilé, est abattu dans sa DS 21 de deux balles (joue et nuque) par un homme armé qui s'enfuit en 2CV
  • similitude: l'affaire évoque immédiatement celle de Mehdi Ben Barka (1965), autre opposant africain assassiné à Paris

contexte politique immédiat:

  • deux jours plus tôt (24 aout 1973), Bono avait diffusé le manifeste du MDRT (mouvement démocratique de rénovation tchadienne), parti d'opposition à François Tombalbaye
  • le 25 aout, Tombalbaye lançait son propre parti unique; le mouvement national pour la révolution culturelle et sociale (MNRCS)
  • le meurtre intervient donc dans un moment stratégique de rivalité idéologique et politique au Tchad
l'itinéraire d'outil Bono

origines et formation:

  • né en 1934 au Tchad, formé en France (médecine à Toulouse, années 1950)
  • militant actif de la FEANF (fédération des étudiants d'Afrique Noire en France), acteur anticolonial influencé par la Chine maoïste et le tiers-mondisme (voyage en Chine avec la FEANF)

engagements politiques:

  • adhère en 1957 au Parti africain de l'indépendance (PAI), branche radicale du mouvement anticolonial
  • revient au Tchad (1962) après ses études, intègre le régime de Tombalbaye mais déchante très vite
  • condamné à mort en 1963 pour "complot", libéré en 1965 grâce à une campagne internationale
  • de nouveau arrêté en 1969 pour subversion, puis relâché et nommé directeur de la santé publique.

position politique:

  • rejette à la fois les dérives autoritaires du régimes et la violence du FROLINAT (front de libération nationale du Tchad)
  • conçoit une "troisième voie": un mouvement patriotique, réformiste, non-violent

exil et projet politique:

  • s'exile en France en 1972, fondé le mouvement démocratique de rénovation tchadienne (MDRT)
  • diffuse le manifeste du MDRT le 24 aout 1973 et meurt deux jours plus tard
les acteurs de l'affaire

Henri Bayonne:

  • ancien du BCRA (services de renseignement de la France libre)
  • introduit Bono dans les milieux politiques parisiens, participe à la relation du manifeste du MDRT
  • peut-être un agent mandaté pour "encadrer" ou "piéger" Bono

Camille Gourvennec:

  • métis franco-indochinois, né à Hanoï en 1923. Chef du centre de coordination et d'exploitation du renseignement (CCER) au Tchad
  • crée une structure puissante, semi-autonome , inspirée des méthodes françaises
  • suspecté d'avoir commandité l'assassinat (opération "homo") sur ordre de Tombalbaye

Claude Bocquel alias Léon Hardy:

  • ancien CRS, aventurier en Afrique (Gabon, Centrafrique)
  • recruté par Gourvennec en 1970 sous faux nom pour servir comme agent
  • identifié en 1978 comme exécutant présumé du meurtre, mais non jugé

pierre Galopin:

  • officier français missionné au Tchad, numéro 2 de la coordination. Fait prisonnier et exécuté par Hissène Habré (avril 1975)
  • sa confession posthume accable les services secrets tchadiens.
le rôle des réseaux franco-africains
  • Jacques Foccart, conseiller de De Gaulle puis de Pompidou, reste le pivot de la Françafrique, réseau d'influence mêlant politique, renseignement et affaires économiques.
  • Les réseaux africains (SDECE, CCER, CCFA, etc.) s’appuient sur des intermédiaires comme Bayonne, Gourvennec, Bocquel.
  • L’affaire Bono illustre un assassinat politique transnational, croisant intérêts français et tchadiens, masqué par le secret-défense et le brouillage judiciaire.
L'enquête et ses blocages

Premières réactions (1973) :

  • La police évoque d’abord un crime passionnel, malgré les indices politiques.
  • L’appartement de Bono est perquisitionné illégalement ; son porte-documents disparaît.

Rebondissements (1975–1978) :

  • En 1975, la confession de Galopin relance la piste tchadienne.
  • En 1977–1978, la PJ identifie Bocquel/Léon Hardy comme tueur probable.
  • Aucun procès : non-lieu prononcé en 1982, faute de coopération internationale et en raison du départ de Foccart (1974).


Lecture géopolitique: la françafrique

Françafrique = Continuum politico-militaire postcolonial

  • Réseaux sécuritaires français sous De Gaulle et Pompidou.
  • Arbitrages tacites entre Élysée, SDECE et chefs d’État africains.

Le cas tchadien :

  • Tombalbaye, allié de la France, réclame soutien militaire contre la rébellion FROLINAT (opération Limousin, 1969–1972).
  • Lorsque la France réduit son engagement, Tombalbaye se sent trahi.
  • Les services français conservent néanmoins une influence secrète via Gourvennec.
épilogue et enjeux judiciaires
  • 1975 : Assassinat de Tombalbaye.
  • 1978 : Mort suspecte de Gourvennec.
  • 1982 : Non-lieu français, impunité totale.
  • Le dossier illustre l’impuissance judiciaire face au secret d’État, et la fragilité des exilés africains en France.
Analyse critique et portée historique
  1. Lecture politique : L’assassinat d’Outel Bono s’inscrit dans une logique d’élimination des alternatives démocratiques africaines suscitant l’inquiétude des régimes soutenus par la France.
  2. Lecture structurelle : La continuité des appareils de renseignement postcoloniaux et la confusion entre intérêts nationaux et réseaux personnels.
  3. Lecture mémorielle : L’affaire reste occultée, niée par les autorités françaises et tchadiennes.
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