événement central:
- date et lieu: Dimanche 26 aout 1973, 9h30, Paris, rue de la Roquette (quartier de la Bastille)
- faits: Outel Bono, médecin tchadien exilé, est abattu dans sa DS 21 de deux balles (joue et nuque) par un homme armé qui s'enfuit en 2CV
- similitude: l'affaire évoque immédiatement celle de Mehdi Ben Barka (1965), autre opposant africain assassiné à Paris
contexte politique immédiat:
- deux jours plus tôt (24 aout 1973), Bono avait diffusé le manifeste du MDRT (mouvement démocratique de rénovation tchadienne), parti d'opposition à François Tombalbaye
- le 25 aout, Tombalbaye lançait son propre parti unique; le mouvement national pour la révolution culturelle et sociale (MNRCS)
- le meurtre intervient donc dans un moment stratégique de rivalité idéologique et politique au Tchad
origines et formation:
- né en 1934 au Tchad, formé en France (médecine à Toulouse, années 1950)
- militant actif de la FEANF (fédération des étudiants d'Afrique Noire en France), acteur anticolonial influencé par la Chine maoïste et le tiers-mondisme (voyage en Chine avec la FEANF)
engagements politiques:
- adhère en 1957 au Parti africain de l'indépendance (PAI), branche radicale du mouvement anticolonial
- revient au Tchad (1962) après ses études, intègre le régime de Tombalbaye mais déchante très vite
- condamné à mort en 1963 pour "complot", libéré en 1965 grâce à une campagne internationale
- de nouveau arrêté en 1969 pour subversion, puis relâché et nommé directeur de la santé publique.
position politique:
- rejette à la fois les dérives autoritaires du régimes et la violence du FROLINAT (front de libération nationale du Tchad)
- conçoit une "troisième voie": un mouvement patriotique, réformiste, non-violent
exil et projet politique:
- s'exile en France en 1972, fondé le mouvement démocratique de rénovation tchadienne (MDRT)
- diffuse le manifeste du MDRT le 24 aout 1973 et meurt deux jours plus tard
Henri Bayonne:
- ancien du BCRA (services de renseignement de la France libre)
- introduit Bono dans les milieux politiques parisiens, participe à la relation du manifeste du MDRT
- peut-être un agent mandaté pour "encadrer" ou "piéger" Bono
Camille Gourvennec:
- métis franco-indochinois, né à Hanoï en 1923. Chef du centre de coordination et d'exploitation du renseignement (CCER) au Tchad
- crée une structure puissante, semi-autonome , inspirée des méthodes françaises
- suspecté d'avoir commandité l'assassinat (opération "homo") sur ordre de Tombalbaye
Claude Bocquel alias Léon Hardy:
- ancien CRS, aventurier en Afrique (Gabon, Centrafrique)
- recruté par Gourvennec en 1970 sous faux nom pour servir comme agent
- identifié en 1978 comme exécutant présumé du meurtre, mais non jugé
pierre Galopin:
- officier français missionné au Tchad, numéro 2 de la coordination. Fait prisonnier et exécuté par Hissène Habré (avril 1975)
- sa confession posthume accable les services secrets tchadiens.
Premières réactions (1973) :
- La police évoque d’abord un crime passionnel, malgré les indices politiques.
- L’appartement de Bono est perquisitionné illégalement ; son porte-documents disparaît.
Rebondissements (1975–1978) :
- En 1975, la confession de Galopin relance la piste tchadienne.
- En 1977–1978, la PJ identifie Bocquel/Léon Hardy comme tueur probable.
- Aucun procès : non-lieu prononcé en 1982, faute de coopération internationale et en raison du départ de Foccart (1974).
Françafrique = Continuum politico-militaire postcolonial
- Réseaux sécuritaires français sous De Gaulle et Pompidou.
- Arbitrages tacites entre Élysée, SDECE et chefs d’État africains.
Le cas tchadien :
- Tombalbaye, allié de la France, réclame soutien militaire contre la rébellion FROLINAT (opération Limousin, 1969–1972).
- Lorsque la France réduit son engagement, Tombalbaye se sent trahi.
- Les services français conservent néanmoins une influence secrète via Gourvennec.