A retenir :
Introduction
- Contexte : Le Mariage de Figaro (1778) est la deuxième pièce de la trilogie de Beaumarchais. Comédie satirique, elle critique la noblesse et ses privilèges.
- Résumé de la pièce : Le Comte Almaviva tente de séduire Suzanne, la fiancée de son valet Figaro, mais celle-ci, aidée de la Comtesse, met en place un stratagème pour déjouer ses avances.
- Situation de l'extrait : L’Acte V est le point culminant de la pièce, où les quiproquos et déguisements se multiplient dans une scène de confusion générale.
- Problématique : Comment Beaumarchais utilise-t-il le comique de situation pour dénoncer l'inconstance amoureuse et les abus des puissants ?
📖 Analyse de la scène
I. Une scène de quiproquos et de confusion (l. 1-19)
- Un jeu de rôles et une mise en abyme :
- La Comtesse se fait passer pour Suzanne, ce qui trompe le Comte et met en place un comique de situation.
- Le théâtre dans le théâtre est renforcé par les didascalies indiquant que la Comtesse "imite le parler de Suzanne", jouant ainsi un rôle à l'intérieur de la pièce.
- Le comique de situation et de langage :
- L’obscurité du décor favorise les malentendus et permet aux personnages de ne pas se reconnaître.
- Les apartés de Figaro et Suzanne (« Ni moi. ») créent un effet de comédie en multipliant les échos involontaires, poussant le Comte à s’interroger naïvement : « Il y a de l’écho ici. »
- Les répétitions de mots et les exclamations (« Suzon ! Ma beauté ! ») renforcent l’aveuglement du Comte et sa dévotion comique envers celle qu’il croit être Suzanne.
II. Un comique au service d'une leçon morale (l. 20-42)
- Ironie dramatique :
- Le spectateur sait que le Comte est en train de séduire sa propre femme, alors que lui-même est persuadé de tromper la Comtesse.
- La Comtesse joue habilement de la situation en posant des questions rhétoriques (« Vous ne l’aimez plus ? ») qui poussent le Comte à se confondre davantage.
- Le ridicule du Comte à travers ses propres paroles :
- Il idéalise Suzanne au détriment de sa femme, sans se rendre compte qu’il parle de la même personne : « Mais quelle peau fine et douce ! »
- Il exagère les qualités qu’il prête à Suzanne, enchaînant les hyperboles (« ces jolis doigts pleins de grâce et d’espièglerie ») et rendant ainsi son aveuglement encore plus risible.
- La Comtesse souligne cette absurdité en aparté avec un commentaire moqueur : « Oh ! la prévention ! »
- Les apartés et le rôle de spectateurs internes :
- Figaro et Suzanne, cachés, commentent la scène en direct, ce qui renforce l'effet de comédie.
- Figaro, persuadé que Suzanne est en train de le tromper, s'exclame "Coquine !", tandis que Suzanne admire la performance de la Comtesse avec "Charmante !".
III. Un aveu révélateur sur l’amour et le mariage (l. 43-65)
- Une vision cynique de l’amour :
- Le Comte considère que l’amour n’est qu’une illusion : « L’amour… n’est que le roman du cœur ». Il oppose l’amour idéalisé au plaisir immédiat, qu’il considère comme une vérité universelle.
- La métaphore du "roman" contre "l’histoire" traduit son rejet du sentiment au profit du désir charnel.
- Un discours moralisateur et sexiste :
- Le Comte affirme que les femmes sont responsables de la lassitude conjugale : « elles n’étudient pas assez l’art de soutenir notre goût ». Il les accuse de ne pas entretenir le désir chez leur époux.
- L’utilisation du présent de vérité générale (« Nos femmes croient tout accomplir en nous aimant ») donne un ton sentencieux et absolu à son discours.
- Il légitime ainsi son infidélité en arguant que les hommes sont faits pour conquérir (« Notre tâche, à nous, fut de les obtenir ») et les femmes pour retenir leur amour.
- Une dénonciation implicite du personnage :
- La Comtesse oppose une simple interrogation ironique à ce discours : « Donc elles doivent tout ? ».
- Le spectateur perçoit ici toute l’hypocrisie et l’égoïsme du Comte, qui se ridiculise davantage en défendant une morale qui ne le sert plus.
📌 Conclusion
- Une scène comique et critique :
- Le déguisement et les quiproquos sont au service d’une dénonciation des mœurs aristocratiques et du privilège masculin.
- Le Comte, qui voulait user de son pouvoir pour séduire Suzanne, se retrouve trompé et piégé par sa propre épouse.
- Une leçon inversée :
- Le Comte prône une morale qui le décrédibilise, tandis que la Comtesse, en jouant avec les codes de la séduction, renverse le rapport de force.
- L’ironie et l’humiliation du Comte renforcent le message de Beaumarchais contre les abus de pouvoir et l’inconstance des hommes.
- Ouverture :
- Cette scène illustre parfaitement la remise en question des privilèges et annonce les idées révolutionnaires sur l’égalité et la place des femmes.