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Lycée
Première

Olympe de Gouges

Histoire culturelle

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Le XVIIIe siècle est un siècle de contrastes : les progrès économiques et le rayonnement culturel de la France en Europe n'altèrent pas le sentiment de violentes inégalités sociales qui, alimenté par les idées nouvelles de la philosophie des Lumières, va s'exprimer dans la Révolution de 1789.

La Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne d’Olympe de Gouges a été rendue publique à l’issue des travaux parlementaires de la première assemblée révolutionnaire dite Constituante qui, en septembre 1791, avait remis solennellement son œuvre constitutionnelle à Louis XVI avec, en préambule, la Déclaration des Droits de l’Homme, qui eut un immense retentissement. Or cette déclaration des Droits – mise au point le 27 août 1789 – qui reconnaissait et déclarait les droits naturels de l’Homme, avait été appliquée de façon délibérément restrictive par l’Assemblée et ses comités. On n’avait pas cru bon devoir laisser les femmes, les Noirs et également les plus démunis des citoyens français, librement accéder à l’exercice plein et entier de la citoyenneté. D’où l’idée géniale d’Olympe de Gouges d’un pastiche de la Déclaration, déclinée en dix-sept articles au féminin. Cette observation du contexte de l’écriture de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, explique le choix de la problématique adoptée pour l’étudier œuvre : Comment cette œuvre illustre-t-elle le combat en faveur des droits de la femme ?

Mais d'abord qui est Olympe de Gouges?

 Déclarée sous le nom de Marie Gouze, fille d’un maître boucher, la rumeur, à Montauban où elle a passé sa jeunesse, la disait fille illégitime de son parrain, le marquis Lefranc de Pompignan, poète. Sa mère, fille d’un avocat, lui permit de recevoir une éducation assez soignée. Première femme à dénoncer l'esclavage au théâtre, première femme à revendiquer pour les femmes l'égalité non seulement civile, mais aussi politique, première femme condamnée à mort pour la publication de textes politiques pendant la Révolution, Olympe de Gouges est une figure fascinante de la fin du XVIIIe siècle.





Le titre de cette ouvre reprend officiellement celui de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen présentée au rois Louis XIV et votée le 26 aout 1789. En changeant "les droits de l'Homme" par "les droits de la femme", Olympe de Gouges veut souligner que le masculin n'a pas une valeur universelle: la femme doit aussi être prise en compte dans le combat pour l'égalité. En effet , si les privilèges de l'Ancien Régime ont été abolis, il subsiste encore des inégalités dans la société , notamment entre les hommes et les femmes.


L’œuvre porte en son centre, comme son modèle, dix-sept articles, précédés d’une courte introduction, intitulée « Préambule », qui remplace le titre du modèle masculin, « Déclaration des droits de l’homme en société ».

Mais nous notons trois éléments particulièrement originaux :

une adresse « À la reine », en forme de dédicace où elle déclare vouloir ainsi lui « faire hommage de cette singulière production ».

sous le titre « Les droits de la femme », trois paragraphes interpellent violemment celui qui fait figure d’adversaire : « Homme, es-tu capable d’être juste ? »

un « Postambule », qui formule plus clairement un appel à la « Femme », soutenu par une argumentation personnelle et directe.


Ainsi, Olympe de gouges traita dans sa déclaration de plusieurs thèmes ;

L'image de la femme sous l'Ancien Régime 

La déclaration oppose nettement deux époques, la première évoquant les temps révolutionnaires, la seconde l’époque de l’ancien régime, structure signalée par « Passons maintenant », à la ligne 22, mais à laquelle dès le début elle fait fréquemment allusion. Ces temps anciens, qui reposaient sur une image traditionnelle de la femme, sont marqués comme achevés par le passé composé « ce que vous avez été dans la société ».

Mais sont-ils vraiment révolus ? Telle est la question que pose Olympe de Gouges, quand elle décrit la contradiction entre faiblesse et force qui caractérise, selon elle, les femmes sous l’ancien régime.


La condition féminine


?Nous retrouvons, dans la description de la condition féminine, l’image traditionnelle de la femme séductrice, tirant de là son pouvoir, ce que souligne la négation restrictive : « Une femme n’avait besoin que d’être belle ou aimable ». Ce pouvoir est immédiatement associé à l’argent, dont elle accentue le rôle, à travers les deux cas envisagés :

Le premier, « quand elle possédait ces deux avantages, elle voyait cent fortunes à ses pieds », transforme la femme en une sorte de prostituée, que se disputent les séducteurs ;

Le second, inversement, sous forme d’hypothèse, montre la rareté de celles qui ne cherchent pas à tirer un avantage de la séduction : « Si elle n’en profitait pas, elle avait un caractère bizarre, ou une philosophie peu commune qui la portait aux mépris des richesses ». Non seulement cette attitude semble incompréhensible, mais même elle se retourne contre celle qui refuse, alors blâmée au lieu d’être considérée comme vertueuse : « alors elle n’était plus considérée que comme une mauvaise tête. »

Le rôle de l’argent est ainsi mis en valeur par le champ lexical, « l’or », les termes « commerce » et « industrie » pour évoquer la fréquentation des femmes, ou même « crédit », qui sous-entend que, comme dans la finance, c’est l’argent qui ouvre à la femme un pouvoir d’action. Selon Olympe de Gouges, les valeurs étaient donc inversées, puisque la morale n’a plus d’importance : « La plus indécente se faisait respecter » par la seule fortune que lui valaient ses charmes.


La faiblesse de la femme


Aux yeux des hommes la femme n’est que faiblesse, par « nature » d’abord : « femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? », voilà la question qui fonde son infériorité. Les « décrets de la nature » seraient donc la loi absolue, justifiant que « la force leur [ait] ravi » toute forme de pouvoir social.

À cet argument est venu s’ajouter le poids de la religion, à laquelle fait allusion l’ironique formule « le bon mot du Législateur des noces de Cana », très irrespectueuse puisqu’il s’agit du Christ lui-même. Celui-ci, à sa mère, Marie, qui lui avait signalé que les convives n’avaient « plus de vin », a, en effet, sèchement répondu : « Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore venue. » Et Marie s’était respectueusement inclinée. 

Aux yeux de l’auteur, cette réponse ne fait que reprendre le mépris attaché à la nature féminine depuis le péché d’Ève, et ne relève que de ce qu’elle résume par l’énumération péjorative, « préjugés, [...] fanatisme, [...] superstition et [...] mensonges », ou par la métaphore, « les nuages de la sottise ».

Ainsi Olympe de Gouges inverse la réponse à son interrogation oratoire initiale « qu’y a -t-il de commun entre vous et nous ? » : au « rien », réponse de la « morale » traditionnelle, fondée sur la religion, elle substitue le pronom « Tout » lancé énergiquement en tête de phrase. 



Le pouvoir des femmes


?Mais, paradoxalement, cet état de faiblesse n’a pas empêché les femmes d’exercer un pouvoir, que signale le champ lexical qui parcourt le texte : « régné » (l. 9), « Votre empire » (l. 9), « tout leur était soumis » (l. 29, repris l. 34), « elles commandaient » (l. 29). Mais quelle valeur accorder à ce pouvoir ? 


Olympe de Gouges le critique sévèrement, d’abord parce qu’elles n’ont fait, en usant de leur séduction, que profiter de « la faiblesse des hommes », incapables de leur « résister » et dépeints, de façon très péjorative, comme de « serviles adorateurs rampant à [leurs] pieds ». Leur pouvoir, qui ne pouvait pas s’exercer ouvertement, a dû prendre des formes détournées. Elles ont donc mis en œuvre « toutes les ressources de leurs charmes », qui sont autant de défauts qu’Olympe de Gouges énumère : « la contrainte et la dissimulation », « la ruse », « leur indiscrétion », « la cupidité [...] et l’ambition ». Ainsi, « dans les siècles de corruption », elles ont pu étendre leur influence qu’une hyperbole amplifie : « le plus irréprochable ne leur résistait pas ». Puis une longue énumération, « ambassade, commandement, ministère, présidence, pontificat, cardinalat, enfin tout ce qui caractérise la sottise des hommes, profane et sacré, tout a été soumis », nous rappelle leur rôle à la Cour et dans les milieux mondains, où elles ont pu infléchir la politique du « gouvernement français », jouer les espionnes (« le cabinet n’avait point de secret pour leur indiscrétion »), et nul n’y a échappé. Mais la formule « administration nocturne », puisqu’elle n’ont pas le droit d’exercer au grand jour des fonctions officielles, ramène en réalité ce pouvoir à une forme de prostitution, et les comparaisons en soulignent les effets négatifs : « Les femmes ont fait plus de mal que de bien », « Elles commandaient au crime comme à la vertu », et ne reculaient pas devant « Le poison, le fer »…

Ainsi les femmes ne sortent pas grandies de ce tour d’horizon qui affirme, soit leur faiblesse, soit une force, mais pernicieuse. C’est contre cette opinion si négative que s’élève Olympe de Gouges, pour les appeler à réagir.


La volonté de changement

?

Mais l’opposition temporelle entre l’imparfait, utilisé pour dépeindre la situation sous « l’ancien régime », et le futur, affirmation catégorique, marque nettement l’objectif d’Olympe de Gouges : détruire ce rôle de l’argent, « qui désormais n’aura plus de crédit ». Le premier acquis de la révolution a, en effet, été l’abolition des privilèges : il n’y a plus de « première classe », celle des privilégiés, les citoyens étant égaux en droits. C’est ce qui lui permet de formuler, par l’irréel du passé, un espoir que la fin de ce matérialisme triomphant marquera, parallèlement, la fin des « vices » : « S’il en avait encore, la révolution serait perdue, et sous de nouveaux rapports, nous serions toujours corrompus. » Elle exprime donc sa confiance en un progrès apporté par la révolution.



Un bilan critique de la Révolution


?


Olympe de Gouges commence par tirer un bilan de la Révolution, très critique en soulignant une contradiction fondamentale entre les « principes » affichés par les révolutionnaires, et leur application concrète. 


Des principes libérateurs


Dans les premiers temps de la Révolution, les femmes ont aidé à mettre en place ces principes – liberté, égalité, fraternité –, comme le traduit l’image : « L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin des tiennes pour briser ses fers ».

En théorie, la révolution s’est voulu libératrice, comme le montre l’énumération imagée : « Le puissante empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges ». Une allégorie vient renforcer ce progrès : « Le flambeau de la vérité a dissipé les nuages de la sottise et de l’usurpation », image qui rappelle l'appellation même de « siècle des Lumières ». 


Des droits refusés


Mais, dans la réalité, quel résultat pour les femmes ? Les principes sont niés puisque règnent les « injustices des hommes », dont l’auteur affirme « la conviction ». L'homme est donc coupable d’« inconséquence », c’est-à-dire d’un manque de logique : « Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne ». Elle interpelle d’ailleurs directement les femmes : « Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la révolution ? » Les réponses à cette interrogation oratoire sont négatives, d’abord dans une phrase nominale hyperbolique : « Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé ». Cette idée est reprise à la fin de l’extrait, accentuée par le chiasme qui met en parallèle les temps anciens et les temps nouveaux : « ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé ». L’opposition entre les adjectifs, « méprisable », « respectable », qui signalent une potentialité, et les participes passés, « respecté » et « méprisé », constat d'un fait réalisé, fait pleinement ressortir le fait que les femmes n’ont gagné, par la révolution, qu’une égalité trop théorique, qui ne s’inscrit pas dans les faits.



Une société corrompue


?Elle révèle à quel point la société est corrompue, malgré la Révolution, puisque l’image fait de la pauvreté elle-même le signe du rejet moral : elle est « [l]e jouet du mépris », et « les portes même de la bienfaisance lui sont fermées. » Elle ne recevra aucune aide, blâmée non pas pour son immoralité, mais pour ne pas avoir su en tirer profit. Le discours rapporté directement met en évidence cette inversion des valeurs, qui retourne le blâme contre la femme : « Elle est pauvre et vieille, dit-on, pourquoi n’a-t-elle pas su faire fortune ? » 



L'appel à la révolte


?Dans ces conditions, Olympe de Gouges ne peut qu’appeler les femmes à reprendre la lutte. Le ton de ce postambule est, en effet, injonctif, déjà à travers l’interpellation initiale de la destinatrice, d’abord au singulier et familièrement avec le tutoiement : « Femme, réveille-toi ». Mais très vite l’appel s’élargit, avec le pluriel, et devient enflammé : « Ô femmes, femmes… » Ajoutons à cela le rôle de l’impératif, qui parcourt le texte : « réveille-toi », « reconnais tes droits », « opposez courageusement », « réunissez-vous », « déployez toute l’énergie de votre caractère ». L’appel gagne donc en énergie, et, dès le début, nous comprenons qu’il s’agit d’une véritable guerre à mener, dont sonne l’alarme : « le tocsin de la raison sonne dans tout l’univers ».


Les armes du combat


?La raison


Pour mener cette guerre, une arme s’impose en cette fin de « siècle des Lumières », « la force de la raison », principe qui a guidé toute la réflexion des philosophes de cette époque. Ainsi le signe de ralliement de ces femmes-soldats sera bien « les étendards de la philosophie ». La raison doit donc à la fois guider la lutte, et soutenir la réflexion pour que les femmes sortent de leur passivité, de leur acceptation résignée, image d’un sommeil avec « réveille-toi ». Et la notion de lumières s’affirme dans l’interrogation oratoire, « quand cesserez-vous d’être aveugles ? »

Il s’agit bien d’inciter les femmes à sortir des ténèbres dans lesquelles elles sont encore enfermées. 


L'éducation


Pour y parvenir, un seul moyen, l’éducation, droit revendiqué à la fin du premier paragraphe : « puisqu’il est question, en ce moment, d’une éducation nationale, voyons si nos sages Législateurs penseront sainement sur l’éducation des femmes ». Que les femmes ne soient pas renvoyées à l’apprentissage des tâches ménagères, au seul enseignement d’une morale religieuse que leur ont donné, pendant longtemps, les couvents, voilà ce qu’implique l’adverbe « sainement » ici choisi. On notera pourtant qu’Olympe de Gouges ne balaie que la « superstition », un mauvais usage de la religion, mais conserve l’idée d’un « Être suprême », chère aux révolutionnaires, assimilé à la « nature », dont les « sages décrets » ont proclamé l’égalité entre les sexes.


Les droits revendiqués


?Les articles de sa Déclaration, en reprenant ceux de la Déclaration de 1789, réclament le respect des trois principes fondateurs de la Révolution : liberté, égalité, fraternité.

Ils doivent d’abord être appliqués dans le domaine politique, comme l’indique le titre de l'œuvre qui introduit « la citoyenne », en accordant aux femmes le droit de participer, comme tout homme, aux assemblées qui font la loi, « le droit de monter à la tribune ».

Puis, ils doivent s’exercer dans l’ensemble de la société, en lui ouvrant des charges dans « l’Administration publique », donc le droit de travailler, de participer au développement économique du pays. Mais, pour cela, la femme doit avoir le droit à une solide instruction, égale à celle des hommes.

Ce sont aussi des droits économiques et financiers, la participation à l’impôt et à son contrôle, mais aussi la gestion de sa propre fortune, y compris en cas de divorce.


Lycée
Première

Olympe de Gouges

Histoire culturelle

null

Le XVIIIe siècle est un siècle de contrastes : les progrès économiques et le rayonnement culturel de la France en Europe n'altèrent pas le sentiment de violentes inégalités sociales qui, alimenté par les idées nouvelles de la philosophie des Lumières, va s'exprimer dans la Révolution de 1789.

La Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne d’Olympe de Gouges a été rendue publique à l’issue des travaux parlementaires de la première assemblée révolutionnaire dite Constituante qui, en septembre 1791, avait remis solennellement son œuvre constitutionnelle à Louis XVI avec, en préambule, la Déclaration des Droits de l’Homme, qui eut un immense retentissement. Or cette déclaration des Droits – mise au point le 27 août 1789 – qui reconnaissait et déclarait les droits naturels de l’Homme, avait été appliquée de façon délibérément restrictive par l’Assemblée et ses comités. On n’avait pas cru bon devoir laisser les femmes, les Noirs et également les plus démunis des citoyens français, librement accéder à l’exercice plein et entier de la citoyenneté. D’où l’idée géniale d’Olympe de Gouges d’un pastiche de la Déclaration, déclinée en dix-sept articles au féminin. Cette observation du contexte de l’écriture de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, explique le choix de la problématique adoptée pour l’étudier œuvre : Comment cette œuvre illustre-t-elle le combat en faveur des droits de la femme ?

Mais d'abord qui est Olympe de Gouges?

 Déclarée sous le nom de Marie Gouze, fille d’un maître boucher, la rumeur, à Montauban où elle a passé sa jeunesse, la disait fille illégitime de son parrain, le marquis Lefranc de Pompignan, poète. Sa mère, fille d’un avocat, lui permit de recevoir une éducation assez soignée. Première femme à dénoncer l'esclavage au théâtre, première femme à revendiquer pour les femmes l'égalité non seulement civile, mais aussi politique, première femme condamnée à mort pour la publication de textes politiques pendant la Révolution, Olympe de Gouges est une figure fascinante de la fin du XVIIIe siècle.





Le titre de cette ouvre reprend officiellement celui de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen présentée au rois Louis XIV et votée le 26 aout 1789. En changeant "les droits de l'Homme" par "les droits de la femme", Olympe de Gouges veut souligner que le masculin n'a pas une valeur universelle: la femme doit aussi être prise en compte dans le combat pour l'égalité. En effet , si les privilèges de l'Ancien Régime ont été abolis, il subsiste encore des inégalités dans la société , notamment entre les hommes et les femmes.


L’œuvre porte en son centre, comme son modèle, dix-sept articles, précédés d’une courte introduction, intitulée « Préambule », qui remplace le titre du modèle masculin, « Déclaration des droits de l’homme en société ».

Mais nous notons trois éléments particulièrement originaux :

une adresse « À la reine », en forme de dédicace où elle déclare vouloir ainsi lui « faire hommage de cette singulière production ».

sous le titre « Les droits de la femme », trois paragraphes interpellent violemment celui qui fait figure d’adversaire : « Homme, es-tu capable d’être juste ? »

un « Postambule », qui formule plus clairement un appel à la « Femme », soutenu par une argumentation personnelle et directe.


Ainsi, Olympe de gouges traita dans sa déclaration de plusieurs thèmes ;

L'image de la femme sous l'Ancien Régime 

La déclaration oppose nettement deux époques, la première évoquant les temps révolutionnaires, la seconde l’époque de l’ancien régime, structure signalée par « Passons maintenant », à la ligne 22, mais à laquelle dès le début elle fait fréquemment allusion. Ces temps anciens, qui reposaient sur une image traditionnelle de la femme, sont marqués comme achevés par le passé composé « ce que vous avez été dans la société ».

Mais sont-ils vraiment révolus ? Telle est la question que pose Olympe de Gouges, quand elle décrit la contradiction entre faiblesse et force qui caractérise, selon elle, les femmes sous l’ancien régime.


La condition féminine


?Nous retrouvons, dans la description de la condition féminine, l’image traditionnelle de la femme séductrice, tirant de là son pouvoir, ce que souligne la négation restrictive : « Une femme n’avait besoin que d’être belle ou aimable ». Ce pouvoir est immédiatement associé à l’argent, dont elle accentue le rôle, à travers les deux cas envisagés :

Le premier, « quand elle possédait ces deux avantages, elle voyait cent fortunes à ses pieds », transforme la femme en une sorte de prostituée, que se disputent les séducteurs ;

Le second, inversement, sous forme d’hypothèse, montre la rareté de celles qui ne cherchent pas à tirer un avantage de la séduction : « Si elle n’en profitait pas, elle avait un caractère bizarre, ou une philosophie peu commune qui la portait aux mépris des richesses ». Non seulement cette attitude semble incompréhensible, mais même elle se retourne contre celle qui refuse, alors blâmée au lieu d’être considérée comme vertueuse : « alors elle n’était plus considérée que comme une mauvaise tête. »

Le rôle de l’argent est ainsi mis en valeur par le champ lexical, « l’or », les termes « commerce » et « industrie » pour évoquer la fréquentation des femmes, ou même « crédit », qui sous-entend que, comme dans la finance, c’est l’argent qui ouvre à la femme un pouvoir d’action. Selon Olympe de Gouges, les valeurs étaient donc inversées, puisque la morale n’a plus d’importance : « La plus indécente se faisait respecter » par la seule fortune que lui valaient ses charmes.


La faiblesse de la femme


Aux yeux des hommes la femme n’est que faiblesse, par « nature » d’abord : « femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? », voilà la question qui fonde son infériorité. Les « décrets de la nature » seraient donc la loi absolue, justifiant que « la force leur [ait] ravi » toute forme de pouvoir social.

À cet argument est venu s’ajouter le poids de la religion, à laquelle fait allusion l’ironique formule « le bon mot du Législateur des noces de Cana », très irrespectueuse puisqu’il s’agit du Christ lui-même. Celui-ci, à sa mère, Marie, qui lui avait signalé que les convives n’avaient « plus de vin », a, en effet, sèchement répondu : « Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore venue. » Et Marie s’était respectueusement inclinée. 

Aux yeux de l’auteur, cette réponse ne fait que reprendre le mépris attaché à la nature féminine depuis le péché d’Ève, et ne relève que de ce qu’elle résume par l’énumération péjorative, « préjugés, [...] fanatisme, [...] superstition et [...] mensonges », ou par la métaphore, « les nuages de la sottise ».

Ainsi Olympe de Gouges inverse la réponse à son interrogation oratoire initiale « qu’y a -t-il de commun entre vous et nous ? » : au « rien », réponse de la « morale » traditionnelle, fondée sur la religion, elle substitue le pronom « Tout » lancé énergiquement en tête de phrase. 



Le pouvoir des femmes


?Mais, paradoxalement, cet état de faiblesse n’a pas empêché les femmes d’exercer un pouvoir, que signale le champ lexical qui parcourt le texte : « régné » (l. 9), « Votre empire » (l. 9), « tout leur était soumis » (l. 29, repris l. 34), « elles commandaient » (l. 29). Mais quelle valeur accorder à ce pouvoir ? 


Olympe de Gouges le critique sévèrement, d’abord parce qu’elles n’ont fait, en usant de leur séduction, que profiter de « la faiblesse des hommes », incapables de leur « résister » et dépeints, de façon très péjorative, comme de « serviles adorateurs rampant à [leurs] pieds ». Leur pouvoir, qui ne pouvait pas s’exercer ouvertement, a dû prendre des formes détournées. Elles ont donc mis en œuvre « toutes les ressources de leurs charmes », qui sont autant de défauts qu’Olympe de Gouges énumère : « la contrainte et la dissimulation », « la ruse », « leur indiscrétion », « la cupidité [...] et l’ambition ». Ainsi, « dans les siècles de corruption », elles ont pu étendre leur influence qu’une hyperbole amplifie : « le plus irréprochable ne leur résistait pas ». Puis une longue énumération, « ambassade, commandement, ministère, présidence, pontificat, cardinalat, enfin tout ce qui caractérise la sottise des hommes, profane et sacré, tout a été soumis », nous rappelle leur rôle à la Cour et dans les milieux mondains, où elles ont pu infléchir la politique du « gouvernement français », jouer les espionnes (« le cabinet n’avait point de secret pour leur indiscrétion »), et nul n’y a échappé. Mais la formule « administration nocturne », puisqu’elle n’ont pas le droit d’exercer au grand jour des fonctions officielles, ramène en réalité ce pouvoir à une forme de prostitution, et les comparaisons en soulignent les effets négatifs : « Les femmes ont fait plus de mal que de bien », « Elles commandaient au crime comme à la vertu », et ne reculaient pas devant « Le poison, le fer »…

Ainsi les femmes ne sortent pas grandies de ce tour d’horizon qui affirme, soit leur faiblesse, soit une force, mais pernicieuse. C’est contre cette opinion si négative que s’élève Olympe de Gouges, pour les appeler à réagir.


La volonté de changement

?

Mais l’opposition temporelle entre l’imparfait, utilisé pour dépeindre la situation sous « l’ancien régime », et le futur, affirmation catégorique, marque nettement l’objectif d’Olympe de Gouges : détruire ce rôle de l’argent, « qui désormais n’aura plus de crédit ». Le premier acquis de la révolution a, en effet, été l’abolition des privilèges : il n’y a plus de « première classe », celle des privilégiés, les citoyens étant égaux en droits. C’est ce qui lui permet de formuler, par l’irréel du passé, un espoir que la fin de ce matérialisme triomphant marquera, parallèlement, la fin des « vices » : « S’il en avait encore, la révolution serait perdue, et sous de nouveaux rapports, nous serions toujours corrompus. » Elle exprime donc sa confiance en un progrès apporté par la révolution.



Un bilan critique de la Révolution


?


Olympe de Gouges commence par tirer un bilan de la Révolution, très critique en soulignant une contradiction fondamentale entre les « principes » affichés par les révolutionnaires, et leur application concrète. 


Des principes libérateurs


Dans les premiers temps de la Révolution, les femmes ont aidé à mettre en place ces principes – liberté, égalité, fraternité –, comme le traduit l’image : « L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin des tiennes pour briser ses fers ».

En théorie, la révolution s’est voulu libératrice, comme le montre l’énumération imagée : « Le puissante empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges ». Une allégorie vient renforcer ce progrès : « Le flambeau de la vérité a dissipé les nuages de la sottise et de l’usurpation », image qui rappelle l'appellation même de « siècle des Lumières ». 


Des droits refusés


Mais, dans la réalité, quel résultat pour les femmes ? Les principes sont niés puisque règnent les « injustices des hommes », dont l’auteur affirme « la conviction ». L'homme est donc coupable d’« inconséquence », c’est-à-dire d’un manque de logique : « Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne ». Elle interpelle d’ailleurs directement les femmes : « Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la révolution ? » Les réponses à cette interrogation oratoire sont négatives, d’abord dans une phrase nominale hyperbolique : « Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé ». Cette idée est reprise à la fin de l’extrait, accentuée par le chiasme qui met en parallèle les temps anciens et les temps nouveaux : « ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé ». L’opposition entre les adjectifs, « méprisable », « respectable », qui signalent une potentialité, et les participes passés, « respecté » et « méprisé », constat d'un fait réalisé, fait pleinement ressortir le fait que les femmes n’ont gagné, par la révolution, qu’une égalité trop théorique, qui ne s’inscrit pas dans les faits.



Une société corrompue


?Elle révèle à quel point la société est corrompue, malgré la Révolution, puisque l’image fait de la pauvreté elle-même le signe du rejet moral : elle est « [l]e jouet du mépris », et « les portes même de la bienfaisance lui sont fermées. » Elle ne recevra aucune aide, blâmée non pas pour son immoralité, mais pour ne pas avoir su en tirer profit. Le discours rapporté directement met en évidence cette inversion des valeurs, qui retourne le blâme contre la femme : « Elle est pauvre et vieille, dit-on, pourquoi n’a-t-elle pas su faire fortune ? » 



L'appel à la révolte


?Dans ces conditions, Olympe de Gouges ne peut qu’appeler les femmes à reprendre la lutte. Le ton de ce postambule est, en effet, injonctif, déjà à travers l’interpellation initiale de la destinatrice, d’abord au singulier et familièrement avec le tutoiement : « Femme, réveille-toi ». Mais très vite l’appel s’élargit, avec le pluriel, et devient enflammé : « Ô femmes, femmes… » Ajoutons à cela le rôle de l’impératif, qui parcourt le texte : « réveille-toi », « reconnais tes droits », « opposez courageusement », « réunissez-vous », « déployez toute l’énergie de votre caractère ». L’appel gagne donc en énergie, et, dès le début, nous comprenons qu’il s’agit d’une véritable guerre à mener, dont sonne l’alarme : « le tocsin de la raison sonne dans tout l’univers ».


Les armes du combat


?La raison


Pour mener cette guerre, une arme s’impose en cette fin de « siècle des Lumières », « la force de la raison », principe qui a guidé toute la réflexion des philosophes de cette époque. Ainsi le signe de ralliement de ces femmes-soldats sera bien « les étendards de la philosophie ». La raison doit donc à la fois guider la lutte, et soutenir la réflexion pour que les femmes sortent de leur passivité, de leur acceptation résignée, image d’un sommeil avec « réveille-toi ». Et la notion de lumières s’affirme dans l’interrogation oratoire, « quand cesserez-vous d’être aveugles ? »

Il s’agit bien d’inciter les femmes à sortir des ténèbres dans lesquelles elles sont encore enfermées. 


L'éducation


Pour y parvenir, un seul moyen, l’éducation, droit revendiqué à la fin du premier paragraphe : « puisqu’il est question, en ce moment, d’une éducation nationale, voyons si nos sages Législateurs penseront sainement sur l’éducation des femmes ». Que les femmes ne soient pas renvoyées à l’apprentissage des tâches ménagères, au seul enseignement d’une morale religieuse que leur ont donné, pendant longtemps, les couvents, voilà ce qu’implique l’adverbe « sainement » ici choisi. On notera pourtant qu’Olympe de Gouges ne balaie que la « superstition », un mauvais usage de la religion, mais conserve l’idée d’un « Être suprême », chère aux révolutionnaires, assimilé à la « nature », dont les « sages décrets » ont proclamé l’égalité entre les sexes.


Les droits revendiqués


?Les articles de sa Déclaration, en reprenant ceux de la Déclaration de 1789, réclament le respect des trois principes fondateurs de la Révolution : liberté, égalité, fraternité.

Ils doivent d’abord être appliqués dans le domaine politique, comme l’indique le titre de l'œuvre qui introduit « la citoyenne », en accordant aux femmes le droit de participer, comme tout homme, aux assemblées qui font la loi, « le droit de monter à la tribune ».

Puis, ils doivent s’exercer dans l’ensemble de la société, en lui ouvrant des charges dans « l’Administration publique », donc le droit de travailler, de participer au développement économique du pays. Mais, pour cela, la femme doit avoir le droit à une solide instruction, égale à celle des hommes.

Ce sont aussi des droits économiques et financiers, la participation à l’impôt et à son contrôle, mais aussi la gestion de sa propre fortune, y compris en cas de divorce.