🔍 ANALYSE LINÉAIRE : Le Mal, Arthur Rimbaud (1870)
🎯 Introduction (1 minute)
Le poème « Le Mal », extrait des Cahiers de Douai d'Arthur Rimbaud, a été écrit en 1870, alors que la guerre franco-prussienne éclate. Le jeune poète, alors âgé de 16 ans, mêle dans ce poème une violente dénonciation de la guerre et une critique virulente de la religion.
Ce texte s’inscrit dans le parcours « Émancipations créatrices » car Rimbaud se libère des formes traditionnelles et des discours dominants : il dénonce l’hypocrisie d’un Dieu qui tolère la souffrance humaine et s’éloigne du discours religieux consensuel. C’est un poème de combat, lyrique et satirique.
🧩 Mouvement 1 : Vers 1 à 4 — Une guerre absurde et sanglante (2 minutes)
<<Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ;
Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;>>
- Image violente de la guerre : la métaphore des "crachats rouges" évoque le sang et la brutalité des armes. Le mot "crachats" déshumanise la violence, suggérant le mépris.
- Antithèse entre "l’infini du ciel bleu" et la mitraille : la nature semble indifférente ou opposée à la guerre.
- "Le Roi qui les raille" : critique directe du pouvoir politique, qui reste à distance et se moque des soldats envoyés à la mort.
- Le champ lexical de la destruction (mitraille, feu, croulent) appuie une vision mécanique, impersonnelle et absurde de la guerre.
💡 Idée centrale : Rimbaud dénonce une guerre industrielle, inhumaine, et la complicité du pouvoir politique.
🧩 Mouvement 2 : Vers 5 à 8 — L’opposition entre Nature et guerre (2 minutes)
<<Tandis qu’une folie épouvantable, broie
Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant ;
– Pauvres morts ! Dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie,
Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !.. –>>
- "Folie épouvantable" : personnification de la guerre comme une force incontrôlable.
- L’homme est réduit à un "tas fumant" : déshumanisation totale des victimes.
- Le poète s’adresse directement à la Nature, invoquée comme une force bienveillante et créatrice, à l’opposé de la guerre.
- Ton lyrique et pathétique : l’exclamation "Pauvres morts !" et l’apostrophe à la Nature renforcent l’émotion.
- Le mot "saintement" donne une dimension sacrée à l’homme, opposée à la barbarie de la guerre.
💡 Idée centrale : Rimbaud souligne le contraste entre la beauté de la Nature et la folie destructrice des hommes.
🧩 Mouvement 3 : Vers 9 à 14 — La critique du Dieu complice (3 minutes)
<<– Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées
Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or ;
Qui dans le bercement des hosannah s’endort,
Et se réveille, quand des mères, ramassées
Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !>>
- Dénonciation virulente du Dieu chrétien : il "rit", "s’endort", il est indifférent à la souffrance humaine.
- Ironie amère : les "nappes damassées", "encens", "calices d’or" représentent une Église riche, déconnectée du peuple.
- Le Dieu de Rimbaud est hypocrite, endormi dans le confort des rituels, réveillé uniquement par la piété naïve des pauvres.
- L’image finale : une mère qui donne une aumône malgré sa douleur, incarne l’absurdité de la foi dans la souffrance.
- L’utilisation du terme "Dieu" avec une minuscule implicite marque une prise de distance.
💡 Idée centrale : Rimbaud dénonce une religion complice des injustices, manipulant les plus faibles.
🎁 Conclusion (1 minute)
Ce poème s’inscrit dans la tradition de la poésie engagée : Rimbaud y exprime une révolte précoce contre la guerre, la monarchie et la religion. À travers une langue poétique violente et imagée, il affirme un regard lucide et critique sur son temps, tout en revendiquant une forme de pureté dans la nature et dans l’homme.
Ce texte illustre bien l’idée d’émancipation créatrice : Rimbaud s’affranchit des discours dominants pour faire entendre une voix singulière, libre et provocatrice.