La modification du RM après le mariage, bien qu'aujourd'hui courante n'a pas toujours été possible.
Jusqu'en 1965, le RM était intangible, ce qui empêchait tout changement.
Cela s'expliquait par le fait que le contrat de mariage était souvent conçu comme un "contrat de famille" dépassant la simple volonté des époux et impliquant un engagement envers les autres membres de la famille.
I / L'évolution législatives
A. Réforme de 1965
La loi de 1965 marque le début de l'assouplissement du RM.
- Introduction du principe d'immutabilité relative = cela permet aux époux de changer de régime sous certaines conditions.
- Ancien article 1396 : modifications avant mariage formalisées par un acte. Une fois le mariage célébré; le changement de régime nécessitait une procédure d'homologation du juge.
- Ancien article 1397 : après 2 ans de mariage les époux pouvaient dans l'intérêt de la famille, modifier le RM par un acte notarié, mais cette modification devant aussi être homologuée par le juge.
B . Réforme de 2006
Il y a ici une volonté du législateur de faciliter la modification du RML en supprimant l'homologation du juge obligatoire :
- L'homologation restait toujours nécessaire si les époux avaient des enfants mineurs
- Si les créanciers ou enfants majeurs s'opposaient au changement le juge pouvait être saisi pour décider d'homologuer ou non.
C. Réforme de 2019
Il y a une simplification des démarches pour les époux, leur permettant de changer de manière plus souple = plus d'homologation même en cas d'enfants mineurs.
II / L'enjeu du changement de régime matrimonial
A. L'intérêt de la famille
Définition
L'intérêt de la famille
L’intérêt de la famille est une notion vague il est vain de lui en donner une définition précise et définitive. La famille est celle constituer par les époux et des enfants. En outre il est unanimement admis que l’intérêt de la famille recouvre les intérêts patrimoniaux et extrapatrimoniaux.
C’est sur la technique de son appréciation que la JP est intervenue est l’intérêt de la famille que vise l’article 217 s’apprécie de la même manière que l’article 1297 du CC (changement de régime). C’est à l’occasion de l’application de ce texte que la CCass dans un arrêt du 6 janv 1976 Alessandrie à préciser la méthode d’appréciation, de l’intérêt de la famille décide que l’existence et la légitimité de l’intérêt de la famille doit faire l’objet d’une appréciation d’ensemble, le seul fait qu’un seul des membres risquerait de se trouver laisser n’interdisant pas nécessairement le changement de régime.
Le changement de RM doit être guidé par l'intérêt de la famille. Cet intérêt est souvent laissé à l'appréciation du juge qui doit prendre en compte chaque situation familiale.
- Le seul fait que l'intérêt d'un ou de plusieurs membres de la famille soient contrarié par le changement de RM ne suffit pas à ce qu'il soit interdit.
1) Adaptation au contexte professionnel
Par exemple, pour un époux exerçant une activité commerciale, un régime de séparation de biens pourrait être plus adapté pour protéger l’autre conjoint des dettes commerciales.
2) Conflits d'intérêts potentiels
L’intérêt des enfants et celui des parents peuvent diverger. En cas de décès, le choix d’un régime de communauté universelle avec clause d’attribution intégrale peut favoriser l’époux survivant, mais peut être perçu comme défavorable aux enfants.
3) L'équité et protection du conjoint survivant
Dans certaines situations, le juge peut privilégier l’intérêt du conjoint survivant, notamment s’il n’a pas de revenus suffisants pour maintenir son niveau de vie.
Exemple Jurisprudentiel :
Un arrêt de la Cour de cassation du 25 juin 2002 a annulé un changement de régime matrimonial lorsque les époux n’ont pas informé le juge de l’existence d’enfants issus d’une première union. Le non-respect de cette information, en particulier pour un passage à un régime communautaire, peut mener à des sanctions.
B . L'intérêt des créanciers
Les créanciers peuvent se trouver désavantagés par un changement de régime matrimonial qui affecte les biens sur lesquels ils ont des garanties. Toutefois, des sauvegardes légales protègent les droits des créanciers.
1) La protection des droits des créanciers
Même si le couple passe, par exemple, d’un régime de communauté à un régime de séparation des biens, les droits des créanciers sont protégés de deux manières :
- Report des droits : Les créanciers gardent leurs droits sur les biens communs, qui deviennent des biens indivis en attendant d’être partagés. Ils conservent donc un accès aux biens qui étaient auparavant en communauté.
- Action contre les deux époux : Une fois le partage effectué, les créanciers peuvent poursuivre l’époux qui a contracté la dette pour la totalité et l’autre époux pour la moitié. Cela leur permet de récupérer leurs créances malgré le changement de régime.
Ces mécanismes garantissent aux créanciers que leurs droits ne seront pas significativement réduits.
2) Risques de fraude
Malgré ces protections, des situations de fraude peuvent encore survenir lorsque le couple cherche à diminuer artificiellement le gage des créanciers.
- Exemple de fraude : Le couple pourrait attribuer tous les biens de grande valeur à l’époux non endetté et laisser uniquement des biens moins intéressants au conjoint débiteur, rendant le recouvrement plus difficile pour les créanciers.
- Poursuite partielle seulement : Bien que les créanciers aient théoriquement le droit de saisir les biens de l’époux non endetté pour la moitié de la dette, ils ne sont pas toujours informés de cette possibilité. Et comme ils ne peuvent poursuivre cet époux que pour la moitié de la dette, cela limite leur recours en cas de fraude organisée par les époux.
- Modification de clauses contractuelles : Les époux peuvent profiter de la modification du régime pour ajouter des clauses réduisant la part de l’époux débiteur dans la répartition des biens, ce qui diminue les garanties des créanciers.
Dans de tels cas, les créanciers peuvent faire valoir la fraude paulienne (article 1341-2 du Code civil), qui annule les actes de fraude. Cela leur permet d'agir comme si le changement de régime n’avait pas eu lieu.
3) Droit d'opposition, de recours des créanciers
Pour se prémunir contre ces situations, la loi permet aux créanciers de s’opposer au changement de régime avant son homologation en justice. Lorsqu’ils s’opposent, les créanciers sont entendus par le juge, qui prend en compte leurs droits et intérêts avant de valider le changement de régime. De plus, en faisant opposition, les créanciers obtiennent un accès au projet de liquidation transmis par le notaire, ce qui leur permet d’analyser le partage prévu.
Si les créanciers ne s’opposent pas au moment du changement, ils conservent la possibilité d’agir
plus tard s’ils découvrent une fraude. L’article 1397, alinéa 8 du Code civil leur permet d’attaquer le changement en invoquant la fraude paulienne (article 1341-2 du Code civil). Dans ce cas, si la fraude est prouvée, les actes frauduleux sont déclarés inopposables aux créanciers.
4) Différence entre opposition et tierce opposition
Il faut noter que la tierce opposition, qui permet de contester un jugement en cas de préjudice, n’est pas applicable ici car les créanciers sont informés de la procédure et peuvent déjà faire opposition en amont.
A retenir :
La loi protège les créanciers en cas de changement de régime matrimonial par des garanties de maintien de leurs droits. Si les époux tentent de frauder pour diminuer le gage des créanciers, ces derniers peuvent s’opposer au changement ou invoquer la fraude pour défendre leurs intérêts.
III / La procédure de modification du régime matrimonial
La réforme de 2006 a simplifié la procédure de changement de régime matrimonial en supprimant l’homologation obligatoire, même pour les couples avec enfants mineurs. Bien que cela accélère la démarche et réduit les coûts, un acte notarié reste nécessaire, notamment pour la liquidation des biens.
A. L'intervention du notaire
Le changement de régime nécessite un acte notarié, conformément au principe de réciprocité des formes. Le notaire évalue la situation patrimoniale et perçoit des honoraires pour la liquidation. Aujourd'hui, la procédure est simplifiée grâce à la suppression de l’homologation. Le changement de régime se fait par un acte notarié, qui est payant.
B. Procédure selon la situation familiale
Absence d'enfants ou enfants majeurs :
- Les époux peuvent signer directement l’acte notarié si ni enfants mineurs ni majeurs n'existent.
- En présence d'enfants majeurs, les époux doivent les informer personnellement du changement, comme prévu par l’article 1397, alinéa 2 du Code civil. Cela inclut une lettre recommandée précisant leur droit d’opposition et la procédure à suivre.
- Si les enfants majeurs ne s’opposent pas dans un délai de trois mois, la modification peut être finalisée. En cas d’opposition, le Tribunal de grande instance est saisi et les époux doivent être représentés par un avocat. Le dossier soumis au juge doit inclure un acte notarié, un projet de liquidation et une requête.
Enfants mineurs :
- Bien que l’intervention du juge ne soit plus systématique, le notaire peut décider de le saisir si nécessaire.
C. Publicité et information des créanciers
L'article 1397, alinéa 3 du Code civil exige la publication d’un avis de changement de régime matrimonial dans un journal d’annonces légales. Cela permet d'informer les créanciers, qui disposent alors d’une possibilité d’opposition si leurs droits sont menacés.
Bien que le juge ne soit plus automatiquement saisi, cette procédure protège les droits des créanciers et des enfants majeurs, qui peuvent exprimer leurs objections. Cette quasi-disparition de l’homologation vise à simplifier la démarche, justifiée par le fait que les tribunaux homologuaient souvent sans réserve.
IV / La prise d'effet du changement de régime matrimonial
L’article 1397 alinéa 6 du Code civil distingue les effets du changement entre les époux et envers les tiers.
Le changement de régime matrimonial prend effet à deux moments distincts :
- Entre les époux : Le changement prend effet dès la signature de l’acte notarié ou du jugement, ce qui signifie que les nouveaux droits et obligations s’appliquent immédiatement entre eux.
- À l’égard des tiers : Le changement prend effet trois mois après sa publication en marge de l’acte de mariage (article 1397, alinéa 6 du Code civil). Durant ces trois mois, les créanciers et autres tiers peuvent continuer d’appliquer les règles de l’ancien régime.
Par exemple, si le régime de séparation est adopté, pendant les trois mois suivant la publication, les créanciers peuvent considérer que les règles de l'ancien régime (ex : communauté) continuent de s’appliquer.
Ainsi, pendant cette période de trois mois :
- Les créanciers peuvent considérer que les règles de l’ancien régime s’appliquent encore, y compris pour saisir les biens ou les salaires des époux.
- Un créancier dont la créance naît durant cette période peut également agir sur les biens de chacun des époux, à moins d’avoir été informé du changement de régime.
A retenir :
En résumé, bien que l’homologation judiciaire ne soit plus obligatoire, la procédure notariée et les obligations d’information permettent de protéger les créanciers et les enfants, en donnant la possibilité de s’opposer au changement de régime matrimonial.