Ⅰ. Le Japon d'avant 1947 : un système impérial
✦ Un système établi par la Constitution Meiji (1889–1947) : la Constitution a été promulguée par l’empereur Meiji (1852-1912) le 11 février 1889
➜ Un régime reposant sur une monarchie constitutionnelle inspirée du modèle prussien où l'empereur exerce une souveraineté absolue
➜ Le Japon est marquée par une modernisation rapide, mais il est gouverné par un pouvoir autoritaire
⇾ Le modèle impérial est aussi marqué par de nombreuses faiblesses : entre la faible responsabilité politique, la montée du militarisme dans les années 1930 (Showa), l'érosion du parlementarisme ainsi que la Guerre du Pacifique qui s'est conclue par une défaite et l'occupation américaine
ⅠⅠ. La Constitution de 1947, une constitution de l'après-guerre
✦ Les principes de la Constitution de 1947
➜ L'affirmation d'une souveraineté populaire
➜ L'Empereur devient le symbole de l’État
➜ Une volonté pacifiste (Article 9)
➜ Le respect des droits fondamentaux
➜ Une stricte séparation des pouvoirs
« Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l’ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux. Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l’État ne sera pas reconnu » Article 9, extrait de la Constitution japonaise de 1947 sur le droit de renonciation à la guerre
a) Une dépendance militaire et une reconstruction économique
✤ La doctrine d'après-guerre Yoshida
✦ Une doctrine portant le nom du premier ministre japonais ayant exercé ses fonctions entre 1946 et 1954, Shigeru Yoshida (1878-1967)
➜ Ces mesures appuient en priorité sur la reconstruction économique japonaise au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale
➜ Le pays du soleil levant dépend désormais des États-Unis en matière de sécurité
➜ La doctrine appuie la position de neutralité japonais au profit de son développement en matière de commerce
➜ Elle pose les bases de la politique étrangère jusqu'aux années 1970
✦ Concrètement, ces dispositions visent à reconstruire économiquement tout en s'appuyant sur une base économique solide
➜ Un encouragement dans la constitution de grands conglomérats
➜ Les États-Unis deviennent le 1er marché d'exportation du Japon : cet dernier recevra par ailleurs 2 000 milliards de prêts de sa part
➜ 1951 signe la fin de l'occupation américaine au Japon
➜ La doctrine Yoshida marque le début du traité de sécurité afin de « rééquilibrer » l'alliance entre les deux nations. Cependant, la priorité reste la reconstruction économique et le retour à la « normale »
⇾ Avec une croissance très soutenu, on parle de « miracle économique » dès 1980 : opération qui va drastiquement se transformer en grave crise économique en Asie, durant les années 1990. Le Japon sera particulièrement touché avec les « bulles japonaises », un impact qui suscitera de vives critiques à l'égard de la doctrine notamment avec la forme de dépendance que la Japon possède vis-à-vis des États-Unis puisque cela entraîne une perte de compétitivité avec la Corée du Sud, Taïwan et la Chine. En « sous-traitant » sa sécurité, le Japon a freiné son adaptation géopolitique puisque l'on a soutenu le développement industriel plutôt que l'innovation. Avec les conglomérats, on a soutenu les industries lourdes (automobiles) et les exportations : les grandes entreprises et les grandes banques sont des systèmes stables mais rigide, cela signifie que la demande intérieure devient stagnante et qu'elle aboutira aux prémices d'une remise en cause de l'hyper-consommation
b) Le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire
Schéma de l'organisation des pouvoirs au Japon
✦ Le pouvoir législatif japonais repose sur la Diète nationale (Kokkai)
➜ Une institution elle-même divisée en deux chambres : la Chambre des représentants (basse) et la Chambre des conseillers (haute)
➜ Le Kokkai possède comme pouvoirs le vote des lois et du budget, la ratification des traités, la nomination du Premier ministre et un exerce une forme de contrôle du Cabinet notamment par l'intermédiaire de la motion de censure
✦ Le pouvoir exécutif est lui composé du Cabinet et du Premier ministre
➜ Le Premier ministre est élu par la Diète, nommé par l’empereur tandis que le Cabinet est composé de ministres, principalement parlementaires et responsables collectivement devant la Diète
➜ Ils ont pour fonction la mise en œuvre des lois, la politique étrangère, le domaine de la défense et celui du budget
✦ Le pouvoir judiciaire relève de la Cour suprême et des instances inférieures
➜ La Cour suprême est composée d'un président et de 14 autres juges, tous
nommés par le Cabinet
➜ Les affaires pénales sont en général traitées par les tribunaux de première
instance
⇾ Un système de juges laïcs a été mis en place en 2009, depuis ce sont 6 citoyens adultes, âgés de 20 ans ou plus, qui sont sélectionnés arbitrairement pour agir comme juges laïcs dans les affaires criminelles jugées par les tribunaux de district
✦ L'Empereur du Japon possède plusieurs rôles
➜ Tous les actes de l'Empereur accomplis en matière de représentation de l'Etat
requièrent l'avis et l'approbation du chef du gouvernement, qui en est responsable.
➜ Il a un rôle religieux puisqu'il est considéré à l'origine comme le descendant de la déesse Amaterasu et comme le prêtre suprême du shintoïsme : cependant, il n'a plus aucune responsabilité religieuse officielle depuis la séparation de l'Église et de l'État énoncée dans l'article 20 de la Constitution de 1947. Il effectue donc les rites à titre privé
➜ Il a un rôle politique puisqu'il nomme le Premier ministre et le Président de la Cour suprême, promulgue des amendements, les lois, les décrets et traités, convoque la Diète et l'élection générale de ses membres, et peut dissoudre la Chambre des représentants
➜ Il a un rôle symbolique puisqu'il symbolise l'État et l'unité du peuple et le représente aux cérémonies officielles
ⅠⅡ. Le système carcéral
a) Le système des prisons au Japon
✤ Les prisons japonaises : entre discipline et réinsertion
✦ Le système pénitentiaire est l'un des plus difficiles au monde
➜ Selon une étude récente, près de 86% des personnes interrogés au Japon sont favorable à la peine de mort
➜ Un système qui remonte à l'Ère Edo où la perception de la justice punitive fait régner l'ordre dans une société où les peines peuvent être la crucifixion ou la décapitation
➜ L'Ère Meiji marque l'arrivée de la prison moderne notamment par l'intermédiaire de Gustave Émile Boissonade (1825-1910), père du droit japonais qui a notamment participé à l'abolition de la torture et à la rédaction des codes juridiques japonais
➜ Les prisons sont inspirées du modèle panoptique de Jeremy Bentham (1748-1832)
⇾ La première prison moderne ouvre ses portes en 1974 (Kari-Bachi), portant le nom d'Ichigaya, elle permet le remplacement du travail forcé : pour les pires criminelles, Habachiri ouvre ses portes quelques années auparavant, en l'occurrence en 1912
➜ La première loi sur la peine de mort est mise en place en 1873 dans le but d'abolir les châtiments corporels
✦ La prison moderne repose sur une organisation très stricte
➜ On distingue deux types de prisons : la prison pour peine ainsi que la maison d'arrêt, dernière étant réservée aux condamnés à mort
➜ Les prisonniers/prisonnières sont classés par rang : A, B, C.... Par exemple, W pour les femmes et F pour les étrangères
➜ La relation entre le prisonnier et le surveillant est basée sur la confiance puisqu'il est interdit de parler, les prisonniers sont réveillés toutes les 30 minutes et sont marqués par un contrôle constant
➜ Les condamnés à mort ne sont prévenus que quelques heures avant leur exécution
✦ Ce sont près de 1 000 personnes qui permettent l'insertion sociale des prisonniers
➜ Les hogoshi sont les « anges-gardien » qui accompagne les prisonniers, on en dénombre près de 47 000, travaillant bénévolement
✦ Malgré cela, il y a 99% de chance d'aller en prison après avoir commis une infraction
➜ Les conditions difficiles ont par ailleurs été dénoncées par des organisations comme l'ONU ou Amnesty International
➜ Avec un taux d'occupation de 106% des prisons, s'accompagne près de 47% de récidive en 2023. Deux paramètre qui témoigne du faible taux de réinsertion
⇾ Le système est pensé comme une forme de moralisation
b) La peine de mort et la santé en milieu carcéral
✦ La peine de mort est marquée par plusieurs caractéristiques
➜ D'abord son maintien s'effectue dans le plus grand secret
➜ Les exécutions sont opérées sans préavis
➜ Aucune exécution ne se faire sans l'autorisation ou l'appuie du Premier ministre
➜ Elle est une thématique marquée par un soutien populaire malgré les critiques
internationales
✦ Le rôle de la médecine correctionnelle
“Nombre de ces soignants ont tout d’abord commencé leur
carrière en tant que gardiens de prison avant d’apprendre le
métier d’infirmier, pour pouvoir remplir ces deux fonctions dans
le milieu carcéral”
➜ Même dans le milieu carcéral, on assiste à un phénomène de vieillissement de la population
Ⅳ. Les dernières affaires judiciaires très médiatisées
a) L'exemple du procès de Carlos Ghosn (1954)
✤ Le procès de Carlos Ghosn vu par la presse japonaise et internationale
✦ Brève présentation du contexte
➜ Carlos Ghosn est un homme d'affaire franco-libano brésilien qui a permis le redressement du groupe Renault
➜ Il est impliqué dans une affaire financière pour corruption et détournement de fonds
➜ Arrêté en novembre 2018 par les autorités japonaises, il est détenu pendant 53 jours : il sera libéré sous caution après avoir été incarcéré à la prison de Tokyo. Il quittera le territoire le 29 décembre 2019 de manière illégale. Le 2 janvier 2020, Interpol l'enregistre dans la liste rouge en tant que fugitif international : en 2022, il reçoit un nouveau mandat d'arrêt international
➜ Une affaire qui dépasse donc largement le cadre juridique puisqu'elle a créée un froid entre la France et le Japon. Ajoutons à cela, l'idée que le Liban refuse d'extrader 1 de ces ressortissants
✦ La vision de cette affaire sous l'angle des médias japonais
➜ Carlos Ghosn est qualifié de « corrompu », de « tueur de coûts » et de « dictateur »
➜ La police est aussi fortement critiquée à travers une forme d'incompétence
⇾ Avec une forte confiance du public envers le système carcéral et une forte valorisation de l'intégrité : on peut remarquer l'opinion qu'on les japonais vis-à-vis de cette affaire
✦ La vision française
➜ Les médias portent un bilan plus mitigé : ils remettent en cause le système judiciaire puisqu'aucun homme n'est au dessus des lois
➜ L'émergence de théorie du complot selon laquelle Carlos Ghosn a été arrêté suite à l'évincement du groupe Nissan
➜ Certains parlent d'un dirigeant controversé
➜ La presse internationale a surtout évoquée les retombées économiques
⇾ Cette affaire met en lumière les différences culturelles et morales entre les pays
b) L'abduction d'enfants après le divorce
✦ Le Japon se démarque par son système de garde d'enfant après une procédure de divorce
➜ En effet, il n'y a pas de garde partagée après un divorce : un seul parent obtient la
garde. Cela conduit souvent à l'enlèvement parental qui est souvent toléré, parfois même encouragé par le système judiciaire
⇾ Avec une vision traditionnelle de la famille comme une unité indivisible, un rôle genré des parents, cela produit des impacts sur les droits de l’enfant et du parent non gardien. Face à ce constat, une innovation pour une garde alternée pourrait être examinée dans le cadre d'une révision de la loi
c) Le Cas Shiori Ito, un « moment #metoo »
✦ Shiori Ito (1989) est une journaliste, réalisatrice de documentaires et écrivaine japonaise. Elle est connue pour avoir porté plainte pour viol contre un ancien journaliste, Noriyuki Yamaguchi, affaire qui a suscité une large attention médiatique au Japon
➜ Une affaire qui met en lumière des violences sexuelles invisibilisées
➜ Une définition juridique restrictive jusqu’en 2017
➜ Cette affaire montre comment les victimes « culpabilisées », ont accès à peu de recours légaux effectifs
➜ Marquée par une forte pression sociale pour ne pas « faire de vagues ». Cela ne l'a pas empêcher de résister à la culture du silence, aboutissant au début d’un #MeToo japonais
⇾ Cette affaire a suscitée des controverses, une polarisation et s'est conclut par une reconnaissance judiciaire partielle
✦ Le Japon est une démocratie parlementaire stable mais marquée par des héritages autoritaires et une culture du consensus. Son système judiciaire reste efficace mais rigide, très légaliste, et parfois en décalage avec les normes internationales. Les affaires Ghosn, Ito et celles liées à la garde d’enfants montrent
à quel point la société japonaise évolue lentement, entre respect de la hiérarchie et ouverture aux valeurs universelles des droits humains