La France et le patrimoine : Valorisation et protection
Problématique : Comment évoluent les politiques françaises du patrimoine aux XXe et XXIe siècles ?
I. Une politique patrimoniale en mutation
A. Une gestion centralisée par l’État (années 1960-70)
- Depuis Louis XIV, l’État est au centre de la politique patrimoniale.
- Sous De Gaulle, le ministère des Affaires culturelles est confié à André Malraux (1959-69).
- Objectifs : démocratiser la culture, protéger les monuments, soutenir la création contemporaine.
- Actions principales :
- Création des Maisons de la Culture (8 entre 1961 et 1969).
- Organisation de grandes expositions internationales
- Lois-programmes pour restaurer des monuments symboliques (Versailles, Louvre…).
- Inventaire général des richesses artistiques dès 1964 avec André Chastel.
- Création de secteurs sauvegardés pour préserver les centres historiques (1962).
- CNAC (1967) : Centre national d’art contemporain.
B. Une démocratisation et diversification du patrimoine (1980-1990)
- L’État lance en 1980 l’Année du patrimoine, pour démocratiser l’accès à la culture.
- Création en 1984 par Jack Lang des Journées du Patrimoine, devenues européennes en 1991.
- Ouverture à de nouveaux patrimoines : industriels, ethnologiques, photographiques...
- On passe du patrimoine monumental à une logique de patrimoines pluriels (culturels, immatériels...).
C. Décentralisation et montée en puissance des acteurs locaux
- Loi de décentralisation (1982-83) : les collectivités territoriales (communes, régions) deviennent responsables de la gestion patrimoniale.
- Répartition :
- 51 % du patrimoine → collectivités territoriales.
- 46 % → propriétaires privés.
- 4 % → État.
- Problèmes de financement pour les petites communes.
- Rôle croissant du privé :
- Mécénat d’entreprise (loi 2003),
- Loto du patrimoine (2018) : 312 M€ récoltés, 69 sites restaurés.
II. Le patrimoine industriel : entre mémoire et reconversion
A. Le patrimoine industriel comme élément identitaire
- Apparition de la notion dans les années 1970, suite aux crises pétrolières.
- Déclin industriel, multiplication de friches et fermeture d’usines.
- En 1974, création du premier écomusée au Creusot.
- Le patrimoine industriel renvoie à l’histoire ouvrière, à la transformation des paysages, et à une mémoire collective locale.
- Exemples de reconversions :
- Stade de France (Saint-Denis, 1998),
- Nantes : parc des chantiers,
- Mulhouse : quartier DMC.
B. Processus de reconversion et muséification
- Depuis les années 1990 : territoires en déclin → reconvertis à des fins touristiques ou culturelles.
- Exemples :
- Terrils transformés en bases de loisirs (ski, randonnée…),
- Reconstitution du mode de vie des mineurs (cités minières, corons),
- Décor de cinéma (film Germinal, 2015).
- Cette reterritorialisation a souvent entraîné des conflits entre habitants et promoteurs.
- Le pays noir devient un pays vert : reconversion réussie d’espaces miniers.
C. Étude de cas : Le Louvre-Lens
- Créé pour démocratiser l’accès à la culture dans une région sinistrée.
- Projet lancé début des années 2000, musée inauguré en 2012.
- Objectifs :
- Toucher un public éloigné de la culture.
- Stimuler le tourisme dans le Nord.
- Bilan :
- Succès de fréquentation (100 000 élèves/an),
- Mais retombées économiques limitées (peu de touristes restent à Lens).
III. Le patrimoine immatériel : un levier d’influence internationale
A. Un patrimoine vivant et identitaire
- 2010 : Le repas gastronomique français inscrit au patrimoine mondial immatériel de l’Unesco.
- Pas uniquement la haute gastronomie, mais aussi les traditions régionales et familiales.
- Autres exemples :
- Fest-noz (danses bretonnes),
- Équitation française,
- Dentelle d’Alençon,
- Baguette (2022),
- Chants créoles.
- La France se positionne comme gardienne de savoir-faire régionaux dans un monde globalisé.
- Diversité des patrimoines gastronomiques :
- Savoirs artisanaux,
- Architecture (ex : caves de Champagne),
- Terroirs agricoles,
- Arts de la table.
B. La gastronomie, un outil de soft power
- Soft power = pouvoir d’influence par la culture
- Outil diplomatique :
- Dîners d’État prestigieux, souvent décisifs dans les relations internationales.
- Exemple : dîner entre De Gaulle et Kennedy à Versailles (1961).
- La gastronomie française = vitrine du luxe, du savoir-vivre et du raffinement.
- Ex : Opération “Good France” (ambassades, chefs, restaurants du monde entier mobilisés).
C. Enjeux économiques et culturels
- La gastronomie attire :
- 1/3 des touristes étrangers déclarent venir en France pour sa cuisine et son vin.
- Exportations majeures : vins, champagnes, fromages…
- Exemple : la Chine est devenue le 1er importateur mondial de vin rouge dès 2017.
- Enjeu géopolitique :
- Conflits commerciaux : “taxe Trump” sur les vins français → exemple de vulnérabilité économique par la diplomatie culinaire.
Conclusion
- Depuis 1945, la politique patrimoniale française a connu une profonde transformation :
- D’une gestion centralisée par l’État (Malraux) à une diversification des acteurs (collectivités, citoyens, privés).
- D’un patrimoine monumental et historique à une approche plurielle et inclusive : industriel, immatériel, identitaire.
- Le patrimoine est aujourd’hui un enjeu politique, économique, touristique et diplomatique.
- Outil de cohésion sociale,
- Facteur de rayonnement international,
- Vecteur de reconversion et dynamisme territorial.
Par Assil et Mihailo