INTRODUCTION
Organiser une exposition temporaire dans un établissement culturel – musée, monument historique, bibliothèque, centre d’interprétation – constitue un acte à fort enjeu réglementaire. Ce type d’opération modifie temporairement les conditions d’exploitation d’un ERP, en impactant :
- la configuration des espaces,
- les flux de circulation,
- la nature des matériaux,
- la jauge d’accueil,
- le niveau de risque global : incendie, sûreté, accessibilité, conservation.
Ce projet relève donc d’un encadrement juridique strict, principalement issu de l’arrêté du 25 juin 1980 relatif à la sécurité dans les ERP, du Code de la construction et de l’habitation, du Code du travail, et des prescriptions des commissions de sécurité et d’accessibilité.
Il mobilise une coordination interservices rigoureuse, des arbitrages documentés, et engage directement la responsabilité du chef de service, tant sur le plan opérationnel qu’institutionnel.
I – CADRE RÉGLEMENTAIRE APPLICABLE ET AUTORISATIONS À ANTICIPER
1.1 – Fonctionnement courant : ERP de type Y
Les musées relèvent du type Y dans la classification des ERP. Le fonctionnement régulier de ces établissements est encadré par le règlement de sécurité applicable (arrêté du 25 juin 1980 – art. Y3).
L’effectif théorique est fixé à 1 personne pour 5 m² accessible au public.
Une exposition temporaire reste dans le régime de fonctionnement habituel si elle n’affecte ni :
- la jauge réglementaire (avec une tolérance de +15 %),
- la configuration des issues,
- la destination des locaux.
Au-delà de +15 %, un système de comptage du public fiable (manuel ou automatisé) devient obligatoire, avec régulation des flux et dispositif d’alerte en cas de dépassement. Le tout doit être documenté et intégré au registre de sécurité.
1.2 – Régime de la manifestation exceptionnelle (GN6)
Dès lors que l’exposition transforme la destination des lieux ou affecte des éléments fondamentaux de sécurité (modification des flux, ajout de cloisons, usage de matériaux combustibles), elle relève du régime GN6 – manifestation exceptionnelle.
Cela impose :
- le dépôt d’un dossier complet auprès de l’autorité de police compétente (préfet ou maire),
- au moins un mois avant l’ouverture au public,
- avec les pièces suivantes :
- notice de sécurité actualisée,
- plans de circulation et d’évacuation,
- nature et classement des matériaux (certificats M1/M2),
- notice d’accessibilité à jour.
La décision finale peut inclure un passage obligatoire en commission de sécurité, voire une suspension temporaire d’ouverture si la conformité ne peut être garantie.
1.3 – Situations entraînant obligatoirement la consultation de la commission de sécurité
- Réduction ou obstruction des dégagements,
- Création de volumes clos, de niches ou d’alcôves non prévues,
- Utilisation de matériaux non certifiés ou combustibles,
- Modification de l’évacuation ou du cloisonnement,
- Changement d’usage d’un local ou dépassement durable de capacité.
II – CONFORMITÉ : SÉCURITÉ, SÛRETÉ, ACCESSIBILITÉ, CONSERVATION
2.1 – Sécurité incendie et évacuation
- Dégagements : aucune réduction de la largeur ou du nombre d’unités de passage (UP) – 1 UP = 0,60 m, minimum 0,90 m pour la première issue.
- Portes de sortie : ouverture dans le sens de la fuite obligatoire au-delà de 50 personnes ; barres anti-panique conformes à l’article CO 47.
- Matériaux : classement au feu M1 ou M2 exigé ; les certificats de réaction au feu doivent être datés, nominatifs et consultables sur demande de la commission.
- Système de Sécurité Incendie (SSI) : aucun élément scénographique ne doit masquer un détecteur automatique, un DM, un DAS, un extincteur ou le CMSI. Test du SSI obligatoire avant l’ouverture, avec consignation dans le registre.
- Permis de feu : exigé pour toute opération à risque (découpe, soudure, flamme nue) ; désactivation partielle du SSI encadrée par des mesures compensatoires : surveillance humaine permanente, extincteurs en doublon, isolement des zones concernées, mention au registre de sécurité.
2.2 – Sûreté et contrôle d’accès
- Analyse de vulnérabilité en amont : angles morts créés par la scénographie, modifications des zones de visibilité.
- Vidéoprotection mobile ou renforcée si besoin.
- Agents supplémentaires affectés à la surveillance si configuration sensible.
- Pour le chantier de montage/démontage :
- badges différenciés (par fonction ou entreprise),
- organigramme de clefs vérifié, registre de prêt signé,
- contrôle d’identité, des véhicules, et des zones autorisées.
- Les consignes doivent être intégrées aux briefings quotidiens et relayées par les TSC.
2.3 – Accessibilité
- Maintien des cheminements PMR en permanence.
- En cas d’obstacle : itinéraire compensatoire balisé, signalétique adaptée.
- Aucune rupture de niveau non compensée (rampes, ressauts ≤ 2 cm).
- Médiation accessible : signalétique gros caractères, audiodescription, sous-titrage, plans tactiles.
- Toute dérogation doit faire l’objet d’une justification documentée, validée par la commission accessibilité.
2.4 – Conservation préventive
- Conditions climatiques maîtrisées : température entre 18 et 22 °C, hygrométrie stable entre 45 et 55 %, contrôlée via dataloggers.
- Lumière : seuil de 150 lux pour œuvres sensibles (papier, textile), filtres UV obligatoires.
- PSBC mis à jour :
- identification des œuvres prioritaires à évacuer ou protéger,
- matériel disponible (caisses, housses, transpalettes),
- procédures compatibles avec le plan d’évacuation humaine.
III – PILOTAGE OPÉRATIONNEL, COORDINATION ET TRAÇABILITÉ
3.1 – Organisation des phases critiques
- Planning détaillé du chantier (montage/démontage), horaires définis, validation technique préalable.
- Vérification systématique du bon fonctionnement du SSI avant et après chaque session.
- Plan de prévention formalisé en cas de coactivité (chantier + public), conformément à l’article R.4512-6 du Code du travail.
- Réunion interservices obligatoire réunissant régisseurs, sécurité incendie, sûreté, conservation, scénographie, TSC, responsable RH si nécessaire.
- Possibilité d’un exercice test de circulation ou d’évacuation, avec retour d’expérience intégré.
3.2 – Documentation exigible
- Notice de sécurité ERP mise à jour, intégrant :
- flux de circulation,
- classement des matériaux,
- scénographie,
- effectif prévisionnel.
- Registre de sécurité :
- consignation des essais SSI,
- mentions des prescriptions levées,
- validation des dispositifs techniques et du permis de feu.
- Fiches réflexes à jour pour les agents (évacuation, alerte attentat, incident technique).
- Plan d’intervention SDIS actualisé : points d’accès, réserves d’eau, coupures électricité/gaz.
3.3 – Clôture et retour d’expérience
- Levée de doute sécurité incendie après démontage.
- Récolement physique post-expo, constats d’état retour des œuvres.
- Rédaction d’un bilan écrit :
- synthèse RH, sécurité, sûreté, conservation,
- satisfaction des visiteurs,
- incidents éventuels.
- Intégration des enseignements dans les outils de pilotage (DUERP, PSBC, plan de formation, Service Publics+).
CONCLUSION
Organiser une exposition temporaire dans un ERP culturel est une opération à la fois réglementée, stratégique, collective et engageante.
Elle mobilise l’ensemble des fonctions de pilotage d’un cadre A : anticipation réglementaire, coordination interservices, culture de sécurité, gestion du risque, traçabilité complète et arbitrage professionnel.
C’est un test de maîtrise, de méthode et de responsabilité. Ce que le jury attend, c’est non seulement une connaissance des textes, mais une capacité à les incarner, à les articuler au terrain, et à garantir que la valorisation du patrimoine ne se fasse jamais au détriment de la sécurité, de l’accessibilité et de la conservation.