La "refondation de l'école" sous François Hollande
Etabli par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école de 2005, le "socle commun des savoirs indispensables" a été refondu par le décret du 31 mars 2015, qui l'organise en 5 domaines de formations intitulés :
- "les langages pour penser et communiquer"
- "les méthodes et les outils pour apprendre"
- "la formation de la personne et du citoyen"
- "les systèmes naturels et les systèmes techniques"
- "les représentations du monde et l'activité".
Ils doivent être acquis durant la scolarité obligatoire, organisée en 3 cycles d'enseignement :
- "le cycle des apprentissages fondamentaux " (CP à CE2)
- "le cycle de consolidation" (CMI, CM2 et 6ème)
- "le cycle des approfondissements" (5ème à 3ème).
Leur mise en oeuvre a impliqué la définition de nouveaux programmes et une refonte du collège. Elle s'est traduite notamment par l'introduction de la LV2 en 5ème pour tous en échange de la remise en cause des sections européennes et par l'extension au collège de l'accompagnement personnalisé (AP) institué au lycée par Luc Chatel en 2010.
Chaque établissement décide de 20% de son emploi du temps pour le travail en petits groupes et de la mise en oeuvre des nouveaux enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), inspirés des travaux pratiques encadrés (TPE) de 1ère. Les modalités du Diplôme national du brevet (DNB) ont été modifiées à compter de 2017 : 5 et non plus 3 épreuves finales, dont un oral : le contrôle continu ne porte plus sur les notes mais sur la maitrise des compétences.
"L'école de la confiance" selon Jean-Michel Blanquer
En 2017, le nouvel exécutif est revenu en partie sur ces réformes : les collèges peuvent ainsi réintroduire les sections européennes et les classes bilingues en 6ème, mais à moyens constants, tandis que l'enseignement du latin et du grec est "dépoussiéré". Plusieurs signes sont interprétés comme la volonté de mettre fin au "pédagogisme" : la méthode syllabique d'apprentissage de la lecture est officiellement recommandée, et les "quatre opérations en CP" sont définies comme une priorité. Le retour à un contenu plus dense doit être appuyé par le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire (REP+) : en septembre 2019, cela concerne 300 000 élèves, 20% d'une classe d'âge selon le ministère. En avril 2019, Emmanuel Macron a ajouté l'objectif de limiter à 24 élèves les classes de grande section, CP et CE1 "là où c'est possible"...
A l'école et au collège, le téléphone portable a été interdit pour favoriser le travail, et le dispositif "devoirs faits" offre un temps d'étude avec enseignants de 4 heures par élève volontaire dans les 7 100 collèges pour réaliser le travail personnel requis. Enfin, au nom de l'égalité des chances, la scolarité est rendue obligatoire dès 3 ans à la rentrée 2019 au motif que ce serait un moment stratégique pour éviter le décrochage ensuite. A noter que près de 97% des enfants de 3 à 6 ans sont déjà scolarisés, la mesure ne portant que sur 26 000 des 800 000 élèves de ces niveaux, majoritairement en outre-mer.
L'orientation des lycées vers le supérieur est l'autre grand chantier de Jean-Michel Blanquer, concrétiser d'abord par la loi relative à l'orientation et la réussite des étudiants (ORE) en 2018. Une nouvelle plateforme de gestion des admissions dans l'enseignement supérieur (Parcoursup) est mise en oeuvre. Les différences principales avec la précédente sont l'absence de classement des voeux par les lycéens, qui a permis une demande massive de filières sélectives, et l'introduction d'une forme discrète de sélection à l'université : les licences sous tension peuvent désormais recruter non plus par tirage au sort mais en fonction des résultats scolaires et du projet personnel du lycéen, exposé dans une lettre de motivation. Un deuxième professeur principal a été créé pour chaque classe de terminale pour aider les lycéens à préparer leur candidature, tandis que 54 heures sont consacrées à l'orientation dans chaque niveau. Enfin, le dispositif "Oui, si" doit permettre aux universités de proposer un "parcours de formation personnalisé" à ceux qui n'ont pas le niveau de telle ou telle formation afin d'assurer à tous une formation supérieure.
L'autre pan de ce chantier est la réforme du baccalauréat, lancée le 14 février 2018, avec application à partir de la 1ère 2019 et l'ambition de faire de l'examen un "tremplin pour la réussite". Les filières L, S et ES, remplacées par le choix de 3 spécialités en 1ère, 2 en terminale, qui s'ajoutent à un tronc commun. Outre l'épreuve de français en 1ère, 4 épreuves sont organisées en terminale, 2 de spécialités entre janvier et avril, une épreuve écrite de philosophie en juin et un "grand oral". l'ensemble compte pour 60% de la note, tandis que 40% relève du contrôle continu, composé d'épreuves organisées par les établissements sur des sujets tirés d'une banque commune et de notes du bulletin scolaire. Cette organisation s'applique aussi aux bacs technologiques. L'application de la réforme a été chaotique de par la contestation des épreuves de contrôle continu, ou "E3C", en 2020, puis par la crise sanitaire de la Covid-19. le résultat est un contrôle continu consistant uniquement en moyennes annuelles et le maintien des épreuves terminales, sauf pour la session exceptionnelle de 2020, qui a été opérée uniquement en contrôle continu à cause du confinement.
A noter que le baccalauréat professionnel a fait également l'objet d'une réforme, annoncé en mai 2023, qui vise à regrouper les quelque 80 baccalauréats existants en une quinzaine de "familles de métiers". L'enjeu est de mieux associer formation générale et et réelle employabilités des bacheliers, alors que la filière est marquée par le décrochage et les faibles débouchés à l'issu du diplôme. Il s'agit aussi de faire mieux connaitre les métiers au collège, développer le mentorat contre le décrochage et adapter l'année de terminale pour l'orientation. Des moyens supplémentaires déclinent le "pacte" "sur mesure" pour les enseignants de la filière, et les stages en entreprise seront désormais indemnisés d'un montant variable selon la classe.
D'une manière générale, la proportion d'une classe d'âge titulaire du baccalauréat est désormais proche de 80% (77,3% en 2014), avec la moitié pour le baccalauréat général (51%) et l'autre moitié se partage entre le baccalauréat technologique (20%) et le professionnel (30%). Le baccalauréat 2023, passé par 743 900 candidats, a eu un taux de réussite de 90,7%.
Le "choc des savoirs"
Le 5 octobre 2023, le nouveau ministre Gabriel Attal annonce un "choc des savoirs" pour "élever le niveau de l'école" et remédier à la baisse du niveau en collège, confirmée par les récents classements Pisa. La réforme comprend 3 axes :
- le 1er intitulé "mieux soutenir les professeurs pour mener la bataille des savoirs", comprend notamment une redéfinition du "socle commun" en privilégiant le contenu aux savoir-faire et la précision d'objectifs annuels pour les programmes. Il s'agit aussi d'encadrer davantage le travail des enseignants en labellisant des manuels en mathématiques et en français dans le 1er degré, ce qui les rendrait obligatoires.
- L'axe 2 vise à "adapter l'organisation des enseignements aux besoins de chaque élève", ce qui se traduit par l'instauration de groupes de niveaux flexibles dans les collèges pour les mathématiques et le français, l'accueil de 8 heures à 18 heures dans 200 collèges en réseaux d'éducation prioritaire (REP), le renforcement des horaires de matières générales en lycée professionnels, ainsi que l'usage raisonné du numérique et de l'intelligence artificielle pour personnaliser les apprentissages et individualiser la progression des élèves.
- L'axe 3 ambitionne de "rehausser le niveau d'exigence et d'ambition pour tous les élèves", avec plusieurs mesures cherchant à renforcer la crédibilité du DNB, du baccalauréat et du CAP. Le DNB deviendra nécessaire pour passer en 2nde en 2025, et ceux qui échoueront iront dans une "prépa-seconde".
A noter : la fin des modifications de notes par les rectorats après les harmonisations, elles, maintenues. Au primaire, le passage en classe supérieure ne doit pas être systématique si le redoublement apparait comme profitable. Une nouvelle épreuve anticipée de culture mathématique et scientifique sera instaurée en fin de premières générale et technologique.
Cette réforme cristallise l'opposition d'une partie des syndicats : sans surprise, ils dénoncent une remise en cause du "collège unique" issu de la loi Haby de 1975, un "tri sélectif" des élèves, qui ne ferait, finalement, que prolonger un tri social, une volonté utopique de retourner à l'école d'antan. Ce dernier reproche peut s'appuyer sur l'expérimentation d'une "tenue commune" (moins complète qu'un "uniforme") dans 100 établissements ou l'invocation de la création "d'écoles normales du XXIème siècle".