Accroche
Le 25 janvier 2024, Laurent Wauquiez dénonçait un « coup d’État de droit » après la censure partielle de la loi « immigration » par le Conseil constitutionnel. Cette formule reflète une tension majeure dans les démocraties modernes : la souveraineté populaire face aux contre-pouvoirs perçus comme limitant l’expression directe du peuple.
Définitions et enjeux contemporains
- Souveraineté : Dérivé du latin super (« au-dessus »), désigne le pouvoir suprême et inconditionné d’un État.
- Jean Bodin (1576) : « puissance absolue et perpétuelle d’une République ».
- La suprématie constitutionnelle traduit cette souveraineté en normes juridiques.
- Défis modernes :
- Les concepts classiques de souveraineté (indépendance, indivisibilité) sont mis à mal par :
- La mondialisation (économie, climat, pandémies).
- L’intégration européenne et les délégations de compétences.
- L’émergence de nouveaux acteurs (multinationales, ONG, réseaux transnationaux).
Problématique
La souveraineté, conçue comme pouvoir absolu de l’État-nation, peut-elle répondre aux défis planétaires actuels, ou doit-elle évoluer vers des formes partagées et plurielles ?
I. L’État-nation souverain est menacé dans un contexte de mondialisation
A. La souveraineté populaire : fondement du pouvoir politique et de l’État-nation
- Une souveraineté indépendante des autorités religieuses et féodales
- La souveraineté étatique comme structure d’organisation
B. La souveraineté empêchée
- Le peuple est-il dépossédé de sa souveraineté ?
- La souveraineté des États-nations face à la mondialisation
II. L’illusion des réponses souverainistes dans un monde globalisé
A. L’essor du souverainisme : un reflet des inquiétudes face à la mondialisation
- Le retour de la souveraineté dans le débat public
- Crises récentes et vulnérabilités exposées
B. L’illusion souverainiste
- Une souveraineté nationale largement consentie et encadrée
- L’inadéquation des solutions nationales aux défis globaux
III. Vers une souveraineté adaptée aux interdépendances contemporaines
A. Repenser la souveraineté démocratique
- Limites du cadre stato-national
- Démultiplier la souveraineté du peuple
B. Construire une souveraineté partagée en Europe
- Une souveraineté européenne limitée et consentie
- Vers une souveraineté partagée et un renouveau européen
I. L’État-nation souverain est menacé dans un contexte de mondialisation
A. La souveraineté populaire : fondement du pouvoir politique et de l’État-nation
1. Une souveraineté indépendante des autorités religieuses et féodales
- Jean Bodin (Les Six Livres de la République, 1576) : La souveraineté est absolue (indépendante des lois extérieures) et perpétuelle (l’État survit à ses dirigeants).
- Exemple : L’édit de Villers-Cotterêts (1539), qui uniformise la langue et le droit en France, illustre cette centralisation.
- Thomas Hobbes (Le Léviathan) :
- La souveraineté garantit la paix civile et la sécurité collective, en concentrant le pouvoir dans une entité unique.
- Exemples contemporains :
- Déclaration de l’état d’urgence en novembre 2015 (attentats) et mars 2020 (Covid-19).
2. La souveraineté étatique comme structure d’organisation
- Centralisation contre féodalités et Église :
- Philippe le Bel (1302) convoque les états généraux pour affirmer l’autorité royale face à la papauté.
- Extension des fonctions de l’État :
- Figures de l’État selon Pierre Rosanvallon (L’État en France de 1789 à nos jours) :
- Providence (sécurité sociale en 1945).
- Régulateur économique (grands projets keynésiens).
B. La souveraineté empêchée par des dynamiques globales
1. La dépossession de la souveraineté populaire
- Critique marxiste : Karl Marx dénonce la démocratie bourgeoise comme un masque à la domination de classe.
- Exemples modernes :
- Les « deux cents familles » de la Troisième République et le pouvoir des grandes multinationales aujourd’hui.
- Rupture entre souveraineté théorique et réelle :
- Exemple : Réforme des retraites (2023), imposée par l’article 49-3 contre une majorité populaire opposée.
2. L’affaiblissement de la souveraineté des États-nations
- Effets de la mondialisation :
- Les organisations internationales (OMC, FMI) imposent des normes qui restreignent les marges de manœuvre des États.
- Union européenne :
- Exemples :
- Accords de Schengen (libre circulation des personnes) et union monétaire (perte de contrôle sur la monnaie nationale).
II. L’illusion des réponses souverainistes face à un monde globalisé
A. L’essor du souverainisme : réponse aux inquiétudes populaires
1. Retour du souverainisme dans le débat public
- Revendications diverses :
- Emmanuel Macron (souveraineté européenne), Jean-Luc Mélenchon (souveraineté populaire), droite nationaliste (souveraineté nationale).
- Exemple marquant : Brexit (2016) et le slogan « Take back control ».
2. Discours souverainistes amplifiés par les crises récentes
- Covid-19 et guerre en Ukraine : Démonstration des fragilités de la mondialisation (dépendance industrielle et énergétique).
- Réaction notable : Plan de relance franco-allemand (2020) de 500 milliards d’euros.
B. Les limites du souverainisme dans un monde interdépendant
1. Une souveraineté nationale largement consentie et encadrée
- Article 55 de la Constitution française :
- La primauté des traités internationaux repose sur la ratification volontaire des États.
- Consentement à la délégation :
- Les États restent libres de reprendre leurs compétences déléguées.
2. L’inadéquation des solutions nationales
- Propositions souverainistes : fermeture des frontières, retour au protectionnisme.
- Critique : Ces mesures sont inefficaces face aux défis planétaires (climat, économie).
III. Quelle souveraineté dans un monde globalisé ?
A. Repenser la souveraineté démocratique
1. Critique de la démocratie représentative
- Pierre Rosanvallon : La souveraineté populaire ne peut se réduire à une simple autorisation périodique des représentants.
- Proposition : Une démocratie d’exercice, où le peuple participe activement au contrôle et à l’évaluation des gouvernants.
2. Réformes possibles
- Multiplication des référendums et consultations populaires.
- Renforcement du rôle parlementaire pour une meilleure représentativité.
B. Une souveraineté européenne partagée et repensée
1. Une souveraineté consentie mais limitée
- L’UE exerce des compétences déléguées sans être souveraine au sens classique.
- Avis du Conseil constitutionnel (1976) : La souveraineté reste nationale.
2. Vers un renouveau européen
- Proposition de Céline Spector (No Demos ?) : Partage de souveraineté dans une République fédérative européenne.
- Recommandations :
- Renforcer le Parlement européen et responsabiliser la Commission devant les citoyens.
Conclusion
La souveraineté classique de l’État-nation, conçue comme absolue, se révèle inadaptée face aux interdépendances contemporaines. L’avenir réside dans des formes renouvelées et partagées de souveraineté, combinant démocratie locale et coopération internationale.