Section 2 : La distinction entre les prélèvements fiscaux et non fiscaux
§1 – Les prélèvements de nature fiscale
1. Contexte général :
Le financement de l’interventionnisme public peut se faire :
- Par la solidarité (financement par les contribuables).
- Par la tarification d’un service (paiement par les usagers).
Importance de la distinction fiscale / non fiscale :
- Elle permet de définir les compétences du législateur, les règles applicables et les droits des citoyens.
- Selon Martin COLLET, cette distinction permet de maintenir un droit de regard du Parlement, possible uniquement pour les prélèvements de nature fiscale (impositions de toute nature, article 34 de la Constitution).
2. Critères de distinction :
Pour identifier un prélèvement de nature fiscale, on utilise trois critères :
- Caractère obligatoire.
- Absence de contrepartie directe.
- Nature du prélèvement (décision du législateur).
3. Les impôts proprement dits :
- Obligatoires et sans contrepartie directe.
- Couverts par l’ensemble des recettes publiques, pas liés à un service spécifique.
- Exemples de contributions sociales qualifiées d’impôts :
- CSG (1990) : financer la Sécurité sociale, assise large sur tous les revenus, prélèvement à la source, taux proportionnel.
- CRDS (1996) : objectif similaire.
- Malgré le fléchage vers des dépenses sociales spécifiques, le juge considère ces prélèvements comme fiscaux car absence de contrepartie directe, donc compétence législative.
- Ces impôts présentent un bon rendement économique grâce à leur assiette large et taux modéré.
4. Les taxes fiscales :
- Prélèvements obligatoires en lien avec une prestation de service public ou l’usage d’un ouvrage public.
- Caractère hybride :
- Proche de l’impôt par l’obligation et le prélèvement par voie législative.
- Proche de la redevance par le lien apparent avec une prestation, mais pas de proportionnalité requise.
Exemples et jurisprudence :
- Ramassage des ordures ménagères : peut être financé par taxe (tous payent, pas proportionnel) ou redevance (proportionnel).
- CE, 1949, Société des Salaisons de Gascogne : le produit de la taxe n’a pas besoin de correspondre exactement au coût du service.
- CE, 2014, Auchan France : le produit d’une taxe ne doit pas être manifestement disproportionné par rapport aux dépenses du service (ex : dépassement de 32,5%).
Caractères clés de la taxe fiscale :
- Obligatoire : paiement exigé même pour les usagers potentiels.
- Définitive : le montant payé ne dépend pas de l’usage réel.
- Prévue par le législateur : encadrée par règles législatives (assiette, taux, etc.).
- Contrepartie apparente : liée à un service ou ouvrage public, mais non proportionnelle.
5. Débats autour des taxes :
- Politique : clivage gauche/droite sur leur utilisation.
- Sociologique : opinion publique souvent sondée, manifestations et débats sur les réseaux sociaux.
- Économique : opposition basée sur risque de frein à l’investissement, relocalisation, effet sur actionnaires, patrimoine.
- Juridique : contrôle de constitutionnalité. Exemple : ISF (F. Hollande) jugé confiscatoire en 2012 par le Conseil constitutionnel.
Résumé :
- Les impôts et taxes fiscales relèvent du législateur, financent les charges publiques et sont obligatoires.
- Les impôts propres : absence totale de contrepartie directe.
- Les taxes fiscales : contrepartie apparente mais pas proportionnelle, destinées à financer un service ou ouvrage public.
- La distinction permet de définir clairement les compétences législatives et les implications juridiques.