Introduction
L’État ne se limite pas à sa fonction administrative. Il se compose de diverses fonctions, institutions et d'une organisation politique. La fonction administrative, au cœur du DA, se distingue donc des fonctions législative et juridictionnelle de l’État. Le DA encadre l’action administrative pour limiter les abus de pouvoir et éviter que l’administration empiète sur les autres fonctions étatiques.
A. La dualité de la fonction exécutive
1. Fonction administrative et fonction gouvernementale
- Fonction exécutive : Représente l’application des lois, divisée en deux fonctions principales :
- Fonction gouvernementale : Relève des décisions politiques et stratégiques de l’État. Le gouvernement « détermine et conduit la politique de la nation » et « dispose de l’administration et de la force armée » (art. 20 de la C°).
- Fonction administrative : Assure l’application concrète des lois et les actes administratifs.
- Article 21 de la C° : Définit le Premier Ministre comme la première autorité administrative de l’État, responsable de l’application des lois et des actes administratifs sous la subordination du gouvernement et du législateur.
- Actes contrôlables et non contrôlables : Le juge administratif ne peut contrôler que les actes administratifs, mais pas ceux relevant du domaine politique.
2. La théorie des actes de gouvernement
- Définition : Les actes de gouvernement sont ceux qui, bien que relevant du domaine exécutif, ne sont pas soumis au contrôle du juge administratif en raison de leur caractère politique.
- Historique :
- Théorie du mobile politique : Auparavant, le JA se déclarait incompétent pour juger un acte dès lors qu’il présentait un motif politique.
- Arrêt CE, 19 février 1875, Prince Napoléon : Depuis cet arrêt, un acte est considéré comme acte de gouvernement non pas en fonction de son motif politique, mais si son objet est de nature politique ou lié à la souveraineté de l’État.
- Domaines des actes de gouvernement :
- Domaine interne : Concerne les relations entre pouvoirs constitutionnels (Président, Premier ministre, Parlement). Ex : CE, ass., 2 mars 1962, Rubin de Servens (déclenchement de l’article 16 de la C°).
- Domaine externe : Concerne les relations internationales et la diplomatie de l’État. Ex : CE, ass., 29 septembre 1995, Greenpeace (décision de reprendre les essais nucléaires).
- Théorie des actes détachables : Permet de considérer certains aspects de l’acte de gouvernement comme des actes administratifs, si ces aspects peuvent être détachés de la sphère gouvernementale. Ex : délivrance d’un permis de construire pour une ambassade étrangère.
B. L’exclusion de principe des fonctions législative et juridictionnelle
1. La fonction législative
- Principe général : Les actes pris par le Parlement, de nature législative, ne relèvent pas du DA. Par conséquent, ils ne sont pas soumis au contrôle du juge administratif.
- Ambiguïtés :
- Actes du gouvernement ayant force de loi : Par exemple, le gouvernement peut légiférer par ordonnances (nécessitant une loi d’habilitation). Les ordonnances, avant ratification, sont considérées comme des actes administratifs, mais elles acquièrent une valeur législative une fois ratifiées.
- Décisions importantes :
- Décision CC n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020 (Force 5) : La validité de l’acte repose sur la durée de l’habilitation.
- CE, ass., 16 décembre 2020, Fédération CFDT des finances et autres : En cas de mise en cause des droits fondamentaux, la ratification n’est pas indispensable si la durée de l’habilitation est respectée.
- Actes administratifs du Parlement : Le Parlement peut émettre des actes de nature administrative, comme des marchés publics, qui sont soumis au contrôle du JA. Ex : CE, ass., 5 mars 1999, Président de l’Assemblée nationale (marchés publics des assemblées parlementaires).
2. La fonction juridictionnelle
- Arrêt TC, 27 novembre 1952, Préfet de la Guyane : Exclut la compétence du JA pour les actes relevant de la fonction juridictionnelle.
- Distinction dans la fonction judiciaire :
- Organisation : La création des tribunaux et la gestion de la carrière des magistrats relèvent de l’organisation de la justice et sont contrôlables par le JA.
- Fonctionnement : Tout ce qui concerne l’application des peines et la vie interne des tribunaux est de la compétence du juge judiciaire (par exemple, actes de police judiciaire).