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🩺 Les femmes, le corps et la science à l’époque moderne


(Étude à partir des Vénus anatomiques et des pratiques obstétricales)


I. La Vénus anatomique : entre art, science et représentation du féminin

1. Définition et fonction

Une Vénus anatomique est une statue de cire, généralement féminine, représentant avec réalisme l’intérieur du corps humain.

Ces sculptures, réalisées à partir du XVIIᵉ siècle, avaient une double vocation :

  • scientifique, car elles servaient Ă  l’enseignement de l’anatomie auprès des Ă©tudiants en mĂ©decine et des sages-femmes ;
  • artistique, puisque leur apparence emprunte les codes de la beautĂ© fĂ©minine de l’époque : corps idĂ©alisĂ©, peau lisse, visage serein.

2. Ambiguïté esthétique et symbolique

La posture de ces figures — souvent allongée, les yeux clos, dans une position d’agonie ou d’abandon — évoque à la fois la mort et le plaisir, deux thèmes fréquemment associés dans la culture moderne.

Cette tension entre Éros et Thanatos (plaisir / mort) traduit la fascination du corps féminin à la fois comme source de désir et objet de savoir.

Le collier, souvent présent, renforce cette ambiguïté : il rappelle à la fois la séduction (ornement typique des femmes galantes) et la noblesse du sujet anatomique, conférant à la figure une sensualité artificielle.

Ainsi, même dans un contexte scientifique, le corps féminin reste sexualisé et esthétisé, perçu à travers un regard masculin (ce qu’on pourrait appeler un male gaze avant l’heure).

II. Représentation du corps féminin et science de l’accouchement

1. Une évolution médicale masculine

Au cours du XVIIᵉ siècle, la médecine obstétricale se professionnalise.

Des praticiens comme François Mauriceau, considéré comme le premier obstétricien de l’histoire, publient des traités (notamment Des maladies des femmes grosses et accouchées, 1668) fondés sur l’observation et la pratique.

Cette évolution marque l’entrée progressive des hommes dans la salle d’accouchement, jusque-là domaine réservé aux sages-femmes.

Conséquence : le rôle traditionnel de ces dernières recule, et leur savoir empirique est discrédité au profit d’une approche médicale plus technique, mais aussi plus autoritaire.

2. La nouvelle posture d’accouchement

Sous le règne de Louis XIV, et à partir des accouchements de Louise de La Vallière, une nouvelle pratique s’impose : la position allongée.

Proposée par Mauriceau, cette posture facilite le travail des médecins, mais non celui des femmes.

Elle traduit le glissement du pouvoir sur le corps féminin : de la femme accouchant à la femme accouchée, objet de savoir et de contrôle.

Le haut du corps, dans les représentations, demeure sensuel, presque érotisé, tandis que la partie inférieure est ouverte à l’observation scientifique.

Cette tension reflète la sexualisation du corps féminin savant : même dans la douleur et la maternité, le corps reste perçu à travers le prisme de la beauté.

III. Les discours médicaux, religieux et sociaux sur le corps des femmes

1. La persistance des croyances religieuses

Les témoignages féminins de l’époque montrent une méfiance vis-à-vis de la médecine.

Beaucoup de femmes s’en remettent davantage à la religion et au destin qu’à la science pour traverser la grossesse et l’accouchement.

Les lettres privées révèlent un ton souvent pieux et confiant, davantage tourné vers Dieu et le mari que vers le médecin.

2. Un savoir redéfini par les hommes

Si la profession de sage-femme existe encore, son prestige diminue fortement.

Les médecins, désormais formés dans des institutions masculines, revendiquent le monopole du savoir sur le corps féminin.

Les figures comme la Vénus anatomique en sont l’image emblématique : le corps de la femme devient objet d’étude, soumis à un regard extérieur, disséqué et idéalisé.

3. La théorie du « one-sex » (Thomas Laqueur)

Jusqu’au XVIᵉ siècle, on ne concevait pas deux sexes distincts : selon la théorie du “one sex”, le corps féminin était considéré comme une version inversée et incomplète du corps masculin.

Ce n’est qu’à l’époque moderne que s’impose l’idée d’une différence radicale entre hommes et femmes, renforçant les stéréotypes de la faiblesse et de la passivité féminine.


🩺 Les femmes, le corps et la science à l’époque moderne


(Étude à partir des Vénus anatomiques et des pratiques obstétricales)


I. La Vénus anatomique : entre art, science et représentation du féminin

1. Définition et fonction

Une Vénus anatomique est une statue de cire, généralement féminine, représentant avec réalisme l’intérieur du corps humain.

Ces sculptures, réalisées à partir du XVIIᵉ siècle, avaient une double vocation :

  • scientifique, car elles servaient Ă  l’enseignement de l’anatomie auprès des Ă©tudiants en mĂ©decine et des sages-femmes ;
  • artistique, puisque leur apparence emprunte les codes de la beautĂ© fĂ©minine de l’époque : corps idĂ©alisĂ©, peau lisse, visage serein.

2. Ambiguïté esthétique et symbolique

La posture de ces figures — souvent allongée, les yeux clos, dans une position d’agonie ou d’abandon — évoque à la fois la mort et le plaisir, deux thèmes fréquemment associés dans la culture moderne.

Cette tension entre Éros et Thanatos (plaisir / mort) traduit la fascination du corps féminin à la fois comme source de désir et objet de savoir.

Le collier, souvent présent, renforce cette ambiguïté : il rappelle à la fois la séduction (ornement typique des femmes galantes) et la noblesse du sujet anatomique, conférant à la figure une sensualité artificielle.

Ainsi, même dans un contexte scientifique, le corps féminin reste sexualisé et esthétisé, perçu à travers un regard masculin (ce qu’on pourrait appeler un male gaze avant l’heure).

II. Représentation du corps féminin et science de l’accouchement

1. Une évolution médicale masculine

Au cours du XVIIᵉ siècle, la médecine obstétricale se professionnalise.

Des praticiens comme François Mauriceau, considéré comme le premier obstétricien de l’histoire, publient des traités (notamment Des maladies des femmes grosses et accouchées, 1668) fondés sur l’observation et la pratique.

Cette évolution marque l’entrée progressive des hommes dans la salle d’accouchement, jusque-là domaine réservé aux sages-femmes.

Conséquence : le rôle traditionnel de ces dernières recule, et leur savoir empirique est discrédité au profit d’une approche médicale plus technique, mais aussi plus autoritaire.

2. La nouvelle posture d’accouchement

Sous le règne de Louis XIV, et à partir des accouchements de Louise de La Vallière, une nouvelle pratique s’impose : la position allongée.

Proposée par Mauriceau, cette posture facilite le travail des médecins, mais non celui des femmes.

Elle traduit le glissement du pouvoir sur le corps féminin : de la femme accouchant à la femme accouchée, objet de savoir et de contrôle.

Le haut du corps, dans les représentations, demeure sensuel, presque érotisé, tandis que la partie inférieure est ouverte à l’observation scientifique.

Cette tension reflète la sexualisation du corps féminin savant : même dans la douleur et la maternité, le corps reste perçu à travers le prisme de la beauté.

III. Les discours médicaux, religieux et sociaux sur le corps des femmes

1. La persistance des croyances religieuses

Les témoignages féminins de l’époque montrent une méfiance vis-à-vis de la médecine.

Beaucoup de femmes s’en remettent davantage à la religion et au destin qu’à la science pour traverser la grossesse et l’accouchement.

Les lettres privées révèlent un ton souvent pieux et confiant, davantage tourné vers Dieu et le mari que vers le médecin.

2. Un savoir redéfini par les hommes

Si la profession de sage-femme existe encore, son prestige diminue fortement.

Les médecins, désormais formés dans des institutions masculines, revendiquent le monopole du savoir sur le corps féminin.

Les figures comme la Vénus anatomique en sont l’image emblématique : le corps de la femme devient objet d’étude, soumis à un regard extérieur, disséqué et idéalisé.

3. La théorie du « one-sex » (Thomas Laqueur)

Jusqu’au XVIᵉ siècle, on ne concevait pas deux sexes distincts : selon la théorie du “one sex”, le corps féminin était considéré comme une version inversée et incomplète du corps masculin.

Ce n’est qu’à l’époque moderne que s’impose l’idée d’une différence radicale entre hommes et femmes, renforçant les stéréotypes de la faiblesse et de la passivité féminine.

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