(Madame de Mornay & Charlotte de Bourbon)

Repères biographiques essentiels

Charlotte Duplessis-Mornay (1548–1606)

• Née Charlotte Arbaleste de la Borde, issue d’une noblesse parisienne.
• 1567 : mariage avec Jean de Pas, seigneur de Martinsart → veuve en 1569.
• 1572 : fuite pendant la Saint-Barthélemy, avec sa fille en bas âge.
• 1576 : remariage avec Philippe Duplessis-Mornay, diplomate et théologien protestant.
• 1579 : naissance de leur fils Philippe à Anvers.
• 1605 : mort du fils → arrêt de la rédaction de ses Mémoires.
• 1606 : décès de Charlotte.

→ Femme pieuse, instruite, rigoureuse dans la gestion de ses biens et fidèle à la cause réformée.

I. Madame de Mornay : modèle de la femme noble protestante

1. Rapport à la foi, à la vie et à la mort

• Foi profonde, nourrie par la lecture personnelle de la Bible.
• Conçoit la vie comme une épreuve voulue par Dieu et la mort comme un passage vers le salut.
• Son expérience de la guerre, du deuil et de la fuite renforce sa piété et sa confiance en la Providence.

2. Gestion et responsabilités domestiques

• Administre seule le patrimoine familial en l’absence de son mari.
• Supervise terres, finances et correspondances : rôle d’intendante complète.
• Associe à ce rôle une responsabilité spirituelle, soutenant les œuvres protestantes et la vie religieuse locale.

3. Une vie marquée par les tensions religieuses

• Subit les violences des guerres de religion et vit plusieurs exils.
• Reste unie à son mari dans la foi et l’intellect, formant un couple symbole du protestantisme humaniste.
• Témoigne d’un engagement discret mais essentiel dans la survie du protestantisme français.

II. Charlotte de Bourbon : princesse protestante et diplomate

1. D’une abbesse forcée à une princesse réformée

• Née en 1546 dans la maison des Bourbons, catholique extrémiste.
• Forcée à la vie religieuse, elle s’enfuit du couvent en 1571-1572.
• Se réfugie à Heidelberg, puis épouse Guillaume Ier d’Orange-Nassau en 1572.
• Par ce mariage, elle devient une figure politique majeure du protestantisme européen.

2. Une vie princière et un rôle actif

• Dirige une grande maison princière avec servantes et gouvernantes.
• Rédige un testament en affirmant clairement sa foi calviniste : prédestination, grâce divine, rejet du culte des saints.
• Récompense ses proches et protège son entourage fidèle par des dons.
• Maintient une loyauté mesurée envers le roi de France pour préserver ses privilèges.

3. Famille et religion : une tension permanente

• Conversion vécue comme une rupture avec sa famille catholique.
• Sa vie illustre le conflit entre fidélité religieuse et fidélité lignagère.
• Sa foi la conduit à une indépendance morale rare pour une femme de son rang.

III. Points communs et enjeux historiques

• Toutes deux appartiennent à la noblesse protestante, mais à des échelles différentes : Mornay issue de la noblesse moyenne, Bourbon de la haute noblesse.
• Elles témoignent d’une foi calviniste sincère et engagée, fondée sur la lecture de la Bible et la prédestination.
• Leur écriture personnelle (mémoires, testament) devient un moyen d’expression spirituelle et intellectuelle féminin.
• Elles assument des responsabilités fortes : gestion domestique pour Mornay, rôle diplomatique pour Bourbon.
• Toutes deux incarnent la piété active des femmes réformées, entre dévotion, devoir moral et influence discrète.
• Leur vie illustre la tension entre soumission sociale et autonomie spirituelle, dans un monde dominé par les hommes.
• Elles montrent que la foi protestante pouvait offrir aux femmes un espace d’action et de réflexion, malgré les contraintes du siècle.

À retenir

• Madame de Mornay : la femme protestante intellectuelle, pieuse et gestionnaire.
• Charlotte de Bourbon : la princesse diplomate et fidèle à sa foi.
• Ensemble, elles symbolisent l’importance du rôle féminin dans la Réforme, entre conviction religieuse et devoir nobiliaire.