🔹 I. Définition et enjeux
Éthique de la recherche :
→ Interroger ce qu’il est moralement légitime d’entreprendre dans le cadre d’investigations scientifiques, avec ou sans participation humaine.
→ Elle repose sur la notion d’intégrité scientifique : rigueur, honnêteté, transparence.
Origines :
- Code de Nuremberg (1947) → 1er texte posant les bases de la protection des participants.
- Concept d’intégrité scientifique → Émerge aux États-Unis dans les années 1980, puis en France vers 2010.
Problématiques majeures :
- Respect de l’autonomie : consentement libre, éclairé, réversible.
- Populations vulnérables : mineurs, personnes sous tutelle, détenues, troubles psychiatriques…
- Protection des participants : minimiser risques physiques, psychologiques et sociaux.
- Protection des données : confidentialité, usages secondaires (biobanques, big data).
- Justice et équité : répartition équilibrée des risques et bénéfices, éviter l’exploitation.
Dilemme central :
👉 Nécessité du progrès scientifique vs respect inconditionnel de la personne humaine (principe de non-instrumentalisation).
Textes fondateurs :
- Code de Nuremberg (1947)
- Rapport Belmont (1979)
- Déclaration d’Helsinki (1964, révisions ultérieures)
- Déclaration de Taipei (2016)
⚖️ II. Les grands dilemmes éthiques
DilemmeTension éthiqueSolidarité vs ExploitationL’expérimentation peut être un acte de solidarité, mais aussi devenir aliénante.Limite des essais cliniquesJusqu’où exposer des participants à l’incertitude et au risque ?Soin vs RechercheLe soin vise à guérir, la recherche à produire du savoir — parfois au détriment de l’intérêt immédiat du patient.
👉 Question clé : comment concilier éthique du soin et éthique de la recherche ?
🧬 III. Brève histoire de l’éthique de la recherche
1. De l’eugénisme au génocide
Contexte : fin XIXe – début XXe siècle
→ Progrès des sciences biologiques (Bernard, Darwin)
→ Contexte industriel et nationaliste → terreau pour les politiques eugénistes.
Deux formes d’eugénisme :
- Positif : favoriser la reproduction des “meilleurs” (promotion natalité, hygiène sociale, contrôle du mariage).
- Négatif : empêcher la reproduction des “faibles” (stérilisation forcée, restrictions d’immigration, euthanasie dite “douce”).
Exemple : États-Unis, Iowa (années 1920-30)
Larousse (1930) : prône l’élimination des “indésirables” et le contrôle des mariages.
Alexis Carrel, L’Homme, cet inconnu (1934)
→ Défend un eugénisme volontaire et la mise à mort des “criminels” et “déficients” dans des établissements euthanasiques.
France, années 1940 :
→ “Extermination douce” (M. Lafont, 1981) : 40 000 malades mentaux morts de famine sous le régime de Vichy.
2. L’Allemagne nazie : médecine et idéologie
- 1933 : stérilisation massive.
- Programme euthanasique : mise à mort médicalisée (gazage de patients “inutiles”).
- Médecins acteurs centraux → la mort devient “scientifique”, justifiée par la “valeur” des vies.
- → Conception hiérarchisée de l’humanité : certaines vies jugées sans valeur.
3. Les procès de Nuremberg (1946-47)
- Tribunal militaire américain.
- 23 accusés, dont 20 médecins.
- Jugement des crimes commis dans les camps.
Code de Nuremberg (1947) :
→ Premier texte d’éthique médicale moderne.
10 principes, dont le consentement libre, éclairé et rétractable.
→ Fondement de l’éthique de la recherche contemporaine.
4. Rapport Belmont (1979)
(Texte à compléter dans le cours)
→ Énonce 3 principes fondamentaux :
- Respect des personnes (autonomie, consentement)
- Bienfaisance (maximiser les bénéfices, minimiser les risques)
- Justice (équité dans la sélection des sujets et la distribution des bénéfices).
5. Déclaration d’Helsinki (1964, par l’Association médicale mondiale)
→ Précise les obligations des médecins dans les recherches sur l’être humain.
→ Introduit la nécessité de :
- un protocole validé par un comité d’éthique,
- une évaluation bénéfices/risques,
- la protection renforcée des sujets vulnérables,
- le consentement écrit.
🧩 IV. Points clés à retenir
- La recherche scientifique doit être encadrée par des principes moraux universels.
- L’éthique de la recherche repose sur la mémoire des dérives passées.
- Consentement, intégrité, justice et non-instrumentalisation sont les piliers de toute recherche éthique.
- Les dilemmes actuels (big data, intelligence artificielle, biobanques) réactualisent les tensions entre progrès et dignité humaine.